Ce mercredi, 13 septembre 2023, l’émission « POLITIK LE DEBAT » sur Africable Télévision, animée et présentée par Robert Dissa, avait comme invités : Daouda Moussa Koné, membre du CNT, vice-président du parti URD, économiste et Spécialiste en Gestion des Projets ; Aboubacar Sidiki Fomba, porte-parole du COREMA et membre du CNT ; M. Mohamed Keita, ancien Conseiller Technique, ancien Secrétaire général du ministère des Mines, ancien Directeur du Bureau d’Expertise d’Evaluation et de Certification des Diamants Brutes, à la retraite. M. Keita est actuellement, un Consultant Indépendant. Le thème du débat était intitulé : « MALI: ANALYSE DU NOUVEAU CODE MINIER ». Pendant plusieurs minutes, les invités de marque ont répondu aux questions de Robert Dissa afin d’éclairer la lanterne des maliens à propos de la question de l’Or produit par le Mali. Lisez la synthèse de l’hebdomadaire Le Pélican !
A l’entame des débats, M. Dissa a tenu de rappeler que ce sont 72 tonnes d’ors qui ont été produites en 2022 au Mali. Cet or a contribué pour 25% au budget national, il a constitué 75% des recettes d’exportation et 10% du PIB durant la même année. Le présentateur dira que c’est en raison donc de l’importance de ce minerai précieux sur l’économie nationale que le Mali a dû adopter un nouveau code minier. Dont la promulgation a été faite, cette année, par le président de la Transition, Col Assimi Goïta.
Les questions essentielles et pertinentes posées lors de ce débat étaient : Pourquoi l’adoption d’un nouveau code minier et quel est son objectif ? Quelles sont les innovations majeures ? Quels sont les avantages de ce nouveau Code minier pour le Mali ? Que vaut le Mali sur le marché mondial de l’or ? Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la législation en matière minière ? Il va de soi que c’est l’invité Mohamed Keïta, expert émérite malien sur la question de l’or, qui était bien placé pour y répondre. Donc à tout seigneur, tout honneur !
Selon Mohamed Keïta, La codification du secteur minier a commencé dès l’aube de l’indépendance au Mali. Le premier code, en date de 1963, était marqué par le système politique socialiste. Cela fait que les activités minières étaient interdites aux entreprises privées. Ce code, toujours d’après M. Keïta, a été modifié en 1964 pour faire une légère ouverture aux entreprises privées à pouvoir entrer dans la danse par les biais des sociétés d’État. C’est à partir de 1970 que le secteur minier est libéralisé par le nouveau régime, issu du coup d’Etat de 1968.
Toutefois en 1991, il a été constaté que le Code de 1970 est timide du fait qu’il n’arrivait pas à attirer beaucoup d’investisseurs comme le souhaitait le régime en place. Le code minier de 1991 avait alors pour objectif de pallier ce problème afin que notre pays ait beaucoup d’investisseurs dans les activités minières, pour conforter le poids du secteur minier dans la Balance commerciale et dans le PIB. Il a effectivement attiré l’essentiel des entreprises minières qui travaillent actuellement au Mali. Selon toujours M. Keita, ce Code minier de 1991 était le meilleur car, c’était une référence pour d’autres pays en matière d’élaboration de code minier. La banque mondiale conseillait d’ailleurs ce Code aux autres pays de la sous-région. Ainsi, certains l’ont copié avec ses fautes et erreurs.
Toutefois, d’après M. Keïta, il a été primordial voire obligatoire de faire un autre Code minier en 1999, dû aux nouveaux enjeux intervenus dans le secteur. Ces enjeux étaient entre autres : de tenir compte de l’aspect environnemental qui a été imposé par la Banque Mondiale à tous les pays miniers, c’est à dire que tout pays minier doit réparer les dommages causés par les activités minières à leur environnement. « Une revue/réforme des industries extractives a été donc organisé par la banque mondiale en 2012 au Mozambique et au Portugal dont j’ai pris part », explique M. Keita.
C’est à la suite de cette réforme qu’un nouveau Code minier est adopté en 2012 car, d’autres préoccupations sont intervenues. Notamment : la prise en compte de la communauté locale qu’il fallait tenir compte parce que ce sont les communautés locales qui subissent les premières conséquences et dégâts causés par les activités minières. Le code de 2012 est ensuite révisé en août 2023. C’est ce qui est le tout nouveau Code minier du Mali.
Keïta explique que le code est un texte. C’est aussi le résultat d’un certain nombre de concertations. C’est-à-dire que c’est un document consensuel qui fait l’objet de concertations et qui se fait suivant des étapes. Il y a plusieurs étapes qu’il faut franchir avant d’arriver au code final. Tous les codes que le Mali a adoptés suivent les mêmes principes.
-Le premier principe, c’est le caractère d’industrie contrôlée des activités minières. Qui signifie qu’on ne peut faire l’activité minière sans l’autorisation du propriétaire qui est l’État du Mali dans ce cas précis. L’ancien Secrétaire Général du ministère des Mines a cité un article qui se trouve dans tous les codes miniers que le Mali a adopté : « Toutes les substances minérales contenues dans le sous-sol du Mali appartiennent à l’État. ». Mais, plus loin, « les codes disent également que cependant les entreprises minières détentrices de permis d’exploitation, de titre minier d’exploitation en obtiennent la propriété ». Cela veut dire que l’État cède la propriété à ceux qui détiennent un permis ou un titre d’exploitation minier. Il s’agit justement du transfert de la propriété ici.
-Le second principe, c’est celui de l’autorisation préalable à toute activité. C’est-à-dire, qu’une personne ou une entreprise ne peut pas se lancer dans les activités minières sans autorisation.
-Le troisième principe : le caractère temporaire des droits miniers. Ce qui veut dire que les droits d’exploitation des ressources minières au Mali ne sont pas définitifs mais ils sont donnés pour une durée bien déterminée.
-Le quatrième caractère, c’est celui de quasi automaticité de la transformation successive des titres miniers. Ce qui veut dire que si l’on obtient un titre minier, cela peut te permettre d’avoir un autre titre si et seulement si, le postulant respecte ou accomplit un certain nombre d’obligations. Ces obligations sont : ceux des travaux, de financement, de respect de l’environnement…
Dans les premières années, l’État n’avait pas de vision claire de ce qu’il faisait de son secteur minier. C’est en 1998 qu’une déclaration de politique minière a été mise en place. Cette déclaration identifiait le rôle de chacun. En ce moment, l’État a décidé de ne pas entrer dans les opérations minières qu’il cède complètement au secteur privé. L’État s’est alors attelé à mettre en place la réglementation minière ainsi qu’à son contrôle et de la mise œuvre de cette règlementation.
Il faisait également la promotion auprès des entreprises privées. Le document de 1998 a été repris en 2016. L’État se limitait à ses fonctions qui sont : régulateur, contrôleur de la mise en œuvre de la réglementation. Le document de 2016 a ainsi permis l’identification des acteurs de l’activité minière qui sont : l’État, les Communautés locales et les Entreprises minières. Ceux-ci sont des acteurs principaux. À ceux-ci, s’ajoute des acteurs accessoires qui sont les organisations de la société civile qui ont un rôle d’intermédiation et d’assistance aux communautés locales. Le code minier est un compromis. C’est à dire que c’est la recette d’un équilibre entre la volonté ou les précipitations de l’État et les aspirations des sociétés minières. Il faut absolument maintenir cet équilibre dans le code. M. Keïta révèle que la production minière du Mali est de 2 à 2,8% de la production mondiale.
D’après M. Fomba, certains Administrateurs qui ont travaillé sur le dossier des codes miniers anciens ont trahi le Mali car après leur participation à l’élaboration des codes, ils démissionnaient pour travailler avec les Sociétés minières pour bien piller les ressources de notre pays. Ce nouveau code est adopté à l’intérêt du peuple malien et non pour l’étranger. Il s’y trouve des dispositions qui disent que l’or du Mali ne doit être livré à des ennemis.
Il y a beaucoup d’innovations à l’intérêt du Mali dans ce nouveau code. Nous avons en l’occurrence : avec l’introduction des substances stratégiques (cela veut dire que le code ne concerne pas seulement l’or mais tous ceux qui constituent l’intérêt minier de notre pays). A cet effet, l’Etat a le droit de retirer des titres miniers s’il n’en gagne pas.
Il y a eu l’introduction de la taxe ad valorem en fonction du prix de l’or que l’Etat bénéficie en cas d’augmentation du prix de l’or. Auparavant le prix d’un kilogramme d’or était de 300 dollars mais aujourd’hui, il est de 2000 dollars. Donc le Mali n’a pas beaucoup bénéficié de son or pendant trente ans. Il a été procédé à l’introduction d’un Système de Transparence dans la Gestion des Ressources Minières du Mali. Cela, à travers la création d’un Commissariat rattaché à la Présidence de la République, une institution, un Cadre de concertation pour le contenu local rattaché à la Présidence et un Secrétariat permanent du contenu local. Les conventions des titres miniers ne seront plus signées uniquement par le ministre chargé des mines mais aussi par ses homologues sectoriels. C’est-à-dire, les ministres des Mines, Finances et de l’Environnement. La signature de ces conventions, sera toujours accompagnée par la délibération du Conseil des ministres.