Statuant en formation contentieuse sur le recours non juridictionnel de la société Universel Technology Solution (UTS) contestant les motifs de rejet de son offre consécutive à l’appel d’offres n°2023-001/ANCD-DG relatif à l’acquisition et l’installation de matériels pour la réalisation d’un studio régie nodal au compte de l’Agence nationale de communication pour le développement en lot unique, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS), s’appuyant sur le fond du problème, a donné tort à la requérante.
Le verdict a été rendu à l’issue d’une réunion de délibération tenue le mercredi 23 août 2023 et la décision signée le lendemain par Aliou Tall, président par intérim. Mais, que d’arguments de part et d’autre !
Le 3 mai 2023, la direction générale de l’Agence nationale de communication pour le développement (ANCD) a lancé l’appel d’offres n°2023-001/ANCD-DG relatif à l’acquisition et l’installation de matériels pour la réalisation d’un studio régie nodal au compte de l’ANCD en lot unique auquel a soumissionné la société Universel Technology Solution (UTS) SARL.
Le 24 juillet 2023, la direction générale des marchés publics et des délégations de service public a donné son avis de non objection sur le rapport de dépouillement et de jugement des offres issues de cet appel d’offres.
Par lettre n°2023-0096/ANCD-DG du 7 août 2023, la directrice générale de l’ANCD a informé le directeur général de la société UTS-SARL du rejet de son offre aux motifs que les attestations et les curriculums vitae (CV) ne sont pas conformes et la licence du TCI est non définie.
Le 10 août 2023, le directeur général de la société UTS-SARL, réfutant les motifs de rejet de son offre, a estimé, dans un recours gracieux, avoir fourni les CV du personnel conformes aux exigences du dossier d’appel d’offres. En réponse à ce recours gracieux, le 14 août 2023, la directrice générale de l’ANCD a maintenu les motifs de rejets retenus contre l’offre de la requérante.
Par lettre reçue le 16 août 2023, le directeur général de la société UTS-SARL a introduit un recours enregistré sous le n°023 devant le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS) aux fins de contester les motifs de rejet de son offre.
Que disent les textes ?
Considérant que l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié, prévoit que “tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice” ;
Que l’article 120.4 du même décret dispose à son dernier paragraphe que l’autorité contractante est tenue de répondre à ce recours gracieux dans un délai de trois (3) jours ouvrables à compter de sa saisine, au-delà duquel le défaut de réponse sera constitutif d’un rejet implicite dudit recours ;
Qu’aux termes de l’article 121.1 du décret précité “les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief” ;
Considérant que la société UTS-SARL a rempli toutes de conditions de forme, son recours a été déclaré recevable devant le CRD.
Qu’en est-il du fond ?
La société UTS-SARL estime que l’autorité contractante s’est basée sur des critères d’évaluation discriminatoires non prévus dans le dossier d’appel d’offres (DAO) pour procéder à l’éviction de son offre. Que l’autorité contractante n’a pas précisé en quoi les attestations et les CV du personnel proposé n’étaient pas conformes de même que la non-conformité de la licence TCI. Que le CV de Monsieur Adama Sangaré figurant dans son offre fait clairement ressortir que de 2018 à 2023 ce consultant a occupé des fonctions techniques et a participé à la réalisation de plusieurs prestations similaires à celles dont l’exécution est recherchée par l’ANCD au titre du présent marché.
Qu’en outre, l’ANCD affirme que d’une part, le CV de l’ingénieur de son proposé par la société UTS-SARL ne fait pas ressortir d’expérience dans le domaine de sa spécialité ; et d’autre part, que les nom et prénom indiqués sur le CV de l’ingénieur de son ne sont pas ceux qui figurent sur son diplôme.
Que contrairement à ces allégations de l’ANCD, l’ingénieur de son proposé, Monsieur Sagnon Gbanboua Jonas, comme l’atteste son CV, a occupé de 2012 à 2023 des fonctions d’ingénieur de son à travers les réalisations et productions de vidéos et de programmes radiophoniques.
Contrairement à l’affirmation de l’autorité contractante, la maîtrise du TriCaster n’est pas mentionnée par les DPAO du DAO comme étant un critère d’évaluation de la capacité technique des soumissionnaires. Etc.
Qu’en conséquence, la décision de rejet explicite querellée est illégale car elle est entachée d’erreur de fait.
Que par ces motifs, elle sollicite du CRD d’annuler la décision de l’ANCD de rejeter son offre effectuée en vue de l’attribution du marché référencé ; et d’enjoindre à l’ANCD de reprendre la procédure de passation du marché référencé.
De son côté, l’ANCD a fait observer que la société UTS-SARL est une société nouvellement créée et que par conséquent, son offre ne peut être évaluée que conformément à la disposition 5.1 IC des DPAO quoi stipule : “Les sociétés nouvellement créées sont dispensées de la présentation de la preuve des expériences similaires. Pour l’appréciation des expériences, la candidature de celles- ci sera examinée au regard des capacités professionnelles et techniques par le biais des expériences et références de leurs dirigeants ou collaborateurs”.
Que cette disposition signifie que les dirigeants ou collaborateurs de la société nouvellement créée, doivent compenser le manque d’expérience de la personne morale dans la réalisation d’un marché similaire. Que de l’examen des CV et attestations ou diplômes, il ressort que le CV de l’ingénieur réseau Adama Sangaré est bien rempli montrant sa parfaite connaissance en IT, mais une inexpérience dans le domaine audiovisuel. Aussi, la lecture de son CV ne permet pas de savoir qu’il a réalisé ou participé à la réalisation d’un tel projet.
Que la lecture du CV de Sagnon Gbanboua Jonas, ingénieur son, donne plutôt le profil producteur/réalisateur.
Que les références de son CV ont permis d’établir clairement qu’il est identifié auprès de ses collaborateurs externes comme Producteur cinématographique, puisqu’il a sa propre société de production dénommée Malivid SARL. Qu’aussi, sur le CV, son identité est Sagnon Gbanboua Jonas qui, est, administrativement différente de Sagnon G Jonas sur le diplôme.
Qu’en conclusion, sa seule expérience dans sa spécialité, est sa nomination au poste de chef de division son à UTS-SARL depuis février 2023. Pour ce qui est du TriCaster, il est bien écrit au niveau de l’exigence de capacité technique et expérience du soumissionnaire dans l’IC 5.1 : “Préciser les licences des applications utilisées : en informatique, en workflow et l’application d’intégration des deux systèmes”.
Le verdict du CRD
Considérant qu’il ressort des faits et des constats issus de l’instruction que le litige opposant la requérante à l’autorité contractante porte sur le rejet de l’offre de la société UTS-SARL aux motifs évoqués dans les arguments des uns et des autres.
Considérant qu’il est exigé dans les DPAO au point IC 5.1 au niveau du personnel que le soumissionnaire doit fournir les CV d’un ingénieur réseau ayant 5 ans d’expérience minimum…, d’un technicien supérieur en maintenance électronique informatique (3 ans d’expérience minimum), d’un technicien en électronique audiovisuel (3 ans d’expérience minimum), d’un technicien électricien pouvant travailler avec le courant faible et le courant fort (3 ans d’expérience), et d’un ingénieur de son (3 ans d’expérience minimum).
Considérant en outre qu’il est exigé dans le DAO des CV de techniciens en électronique audiovisuel et électricien.
Que cependant, la requérante a fourni au titre de technicien électricien, le CV de Seydou Goïta qui est titulaire d’un certificat d’aptitude professionnel (Cap) en électricité au lieu d’un brevet de technicien (BT).
Considérant que la requérante pour satisfaire à l’exigence de fournir un technicien en électronique audiovisuel, elle a proposé le CV de Hamidou Kéïta qui est diplômé d’un BT2 en électromécanique. Que dès lors, l’offre de la société UTS-SARL comporte des déviations majeures par rapport aux exigences du DAO.Qu’au regard de ce qui précède, le rejet de l’offre de la société UTS SARL est justifié et fondé.
En conséquence, le CRD ordonne la poursuite du processus de passation du marché en cause.