Ousmane Karembé est notre héros de la semaine, pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. C’est un ancien arbitre international que nous avons connu et côtoyé, à travers un grand-frère du quartier, Sidi Békaye Magassa, cette icône de l’arbitrage africain. Pratiquement la crème de l’arbitrage malien le fréquentait. Comme nous sommes toujours ce bon petit frère, le fait d’être à ses services pour assurer le thé nous a donné l’occasion de connaitre et même de tisser de bonnes relations avec beaucoup d’arbitres. Raison pour laquelle il nous est facile de retracer leur histoire, leur parcours sportif. Ousmane Karembé reste gravé dans la mémoire des Stadistes parce qu’un 22 août 2009, il a invalidé le but égalisateur du Stade malien opposé au Djoliba en finale de la Coupe du Mali, jouée à Ségou. Ce jour-là les supporters, en plus des actes de vandalisme, s’en sont violemment pris à l’arbitre central Ousmane Karembé. Pourtant il n’y était pour rien. C’est plutôt son premier assistant qui a insisté à lever le drapeau pour signaler une position hors-jeu. A la fin du match, l’entraîneur du Stade malien, Djibril Dramé, désemparé, a pris tout le monde à témoin sur ce qui s’est passé. Très déçu, il disait s’en remettre à la sagesse du bon Dieu. Nous avons abordé cette finale avec Ousmane Karembé. Il a donné sa part de vérité, et expliqué son état d’âme concernant sa décision d’annuler le but stadiste. Qu’est ce qui l’a motivé à embrasser le métier d’arbitre ? Quel fut son parcours ? Bref le Dogon pur-sang revient sur son palmarès.
n léger retard sur l’heure du rendez-vous, l’ancien arbitre nous rassure du temps additionnel au-delà des 90 mn réglementaires d’un match de football. Il ajoute : “Vous pouvez utiliser la VAR pour remémorer tout ce qui vous semble un sujet tabou dans ma carrière, et par rapport à tout ce que vous savez sur ma personne et ma vie. Pas de gêne, je suis à votre disposition”. Cette introduction ouvre la brèche sur cette finale de Coupe du Mali. Oui à présent il a de la peine à se défaire de ces images. Comme s’il sait que les Stadistes ont toujours en mémoire ladite finale. Et pour cause !
Parce qu’il a été victime d’agressions verbales virulentes. En plus d’avoir été accusé à tort, des supporters lient sa décision de Ségou au transfert de son enfant au Djoliba AC, dans la même période. Surtout qu’un dirigeant djolibiste a eu la maladresse de dire que Karembé a aidé le club à Ségou. En réalité, il faisait de l’ironie. Mais cela n’était pas bien indiqué pour plusieurs raisons. D’une part, il pouvait réconforter en son temps certains Stadistes convaincus de la “mauvaise foi” de l’arbitre. D´autre part, il a livré l’arbitre à la vindicte populaire. Aujourd’hui au-delà des insinuations, le seul fait de penser aux propos du dirigeant stadiste, Seydina Oumar Sow (qui l’a disculpé) lui fait retrouver le moral, soutient Ousmane Karembé.
Sous un autre angle, l’on se rappelle que son aîné Koman Coulibaly a l’habitude de nous dire qu’un arbitre qui applique les textes, ne peut en aucune manière supporter ou favoriser une équipe. Ce qui nous pousse à demander à Karembé si un arbitre peut être un supporter ? Aussi qu’est-ce qu’il répond à ses détracteurs qui l’accusent d’être un grand supporter du Djoliba.
Le paroxysme de la cruauté
L’homme en noir s’en défend vaillamment. “Il n’est pas logique qu’un arbitre supporte une équipe. Sinon où est l’impartialité ? J’ai la conscience tranquille. Quel est cet arbitre au Mali qui n’a pas été étiqueté supporter d’un club ? Mais c’est le comportement d’un arbitre sur le terrain qui compte. J’ai l’habitude de donner un carton rouge à mon enfant quand il jouait au Nianan. Ce jour j’ai failli laisser ma vie. Le trio arbitral a quitté Koulikoro sous une forte sécurité policière. Cela est incompréhensible. Et le revers de la médaille démontre que nul n’est au-dessus des lois du jeu, quels que soient les liens de parenté. Ce qui m’a le plus fait mal, à propos de ce même garçon, un supporter m’a dit à la descente des vestiaires qu’il se réjouit du fait que mon enfant s’est cassé le pied. Parce qu’il estime que j’ai triché le Djoliba. J’ai embrassé le métier d´arbitre avec tous les aléas. Je suis tranquille avec ma conscience, pour avoir arbitré dans l´application des lois du jeu”.
Ousmane Karembé est un homme aimable, qui accueille une personne pour la première fois, comme si votre connaissance date de très longtemps. Très respectueux, sur le terrain il se distinguait par sa très bonne condition physique. Ce qui le plaçait au cœur des actions de jeu pour apprécier les irrégularités. La génération d’Ousmane Karembé a eu sa chance auprès de son mentor Magassa.
Comment ? Il a été séduit par les différentes qualités. Il a su que c’est la nuit qu’on décide de sortir tôt le matin. C’est pourquoi il a projeté sur l’avenir en jetant son dévolu sur quatre jeunes : Drissa Kamissoko, Ousmane Sidibé, Mamadou S. Haïdara, Ousmane Karembé. Ils ont manifesté leur amour du métier. Et le corps arbitral était vieillissant. Il fallait donc songer à préparer l’avenir. Tous ont émergé sauf Drissa Kamissoko qui est décédé dans la plénitude de son ascension.
Il a pris sa retraite d’arbitre en 2016 au terme de vingt-trois ans de carrière sur le plan national et international. C’est au lycée de Sevaré qu’il a fait ses premières armes dans l’arbitrage. Son professeur d’éducation physique lui demandait d’officier les rencontres inter classes. Ce qui lui a donné le goût du sifflet. Seulement il ne l’épousera pas directement. Après ses études à Mopti, il ne s’intéressait plus à l’arbitrage. Jusqu’à ce jour où il apprend un communiqué radiodiffusé de la Ligue de Bamako, relatif au recrutement de jeunes arbitres. Il saisira la balle au rebond et passe le test en 1993.
Comme évoqué plus haut, Ousmane Karembé et ses camarades ont été beaucoup sollicités pour arbitrer les compétitions nationales. Déjà avant d’être promus au grade d’arbitre international en 2004, ils étaient aguerris pour supporter les pressions ou gérer un match quel que soit l’enjeu.
Cette confirmation de son talent le propulse au-devant de la scène internationale. Même s’il est aussi regrettable de relever que ses fonctions de chef de service de l’immigration au Consulat de la France au Mali, ont beaucoup influé sur ses prestations à l’extérieur, notamment les phases finales de Can.
Car à un moment donné, son employeur a grincé des dents face aux absences répétées de l’arbitre. La Caf et la Fifa n’ont pas manqué de tirer les conséquences des déprogrammations à chaque fois qu’il se désistait. Il lui arrivait de changer d’avion à l’aéroport de Sénou, sans faire un tour à la maison. C’est l’une des raisons fondamentales qui expliquent sa non-participation à une Can et aux Jeux olympiques.
Agent consulaire sollicité
Malgré tout Ousmane Karembé a participé à la Coupe du monde militaire jouée en Allemagne (2005), au Tournoi Amilcar Cabral organisé par la Guinée-Bissau (2007), avec le trophée de meilleur arbitre, il a officié la finale de la Can des cadets (2010), trois finales de Coupe du Mali (2005, 2008, 2009), un nombre incalculable de matches inter clubs africains, et les éliminatoires de différentes Can toutes catégories confondues. Au même moment, il formait tous les week-ends, les élèves arbitres de la Commune VI.
L’autre facette de sa vie professionnelle révèle qu’il est diplômé en comptabilité, et a travaillé au Consulat de la France de 1990 au 31 août 2023. Victime collatérale des tensions politiques entre la France et notre pays, il est licencié avec droits à la pension. La raison est toute simple : le consulat a fermé ses bureaux au Mali.
Dès lors Ousmane Karembé a ouvert un cabinet de consultation, où il a transplanté ses prestations de l’autre côté. Il ne s’en sort pas mal, vu le nombre assez élevé des candidats à l’immigration puisque jusqu’à la suspension des visas, l’administration française du Consulat leur conseillait de consulter Ousmane Karembé pour le montage des dossiers de demande du précieux sésame, pour éviter tout rejet.
Aujourd’hui il est assesseur des arbitres. Comme bons souvenirs, il retient sa présence dans le milieu sportif. Un monde qui lui a tout donné au plan relationnel. En plus de la finale de la Coupe du Mali de 2009, l’annulation de son voyage sur l’Arabie saoudite est un mauvais souvenir. Il devait accompagner l’équipe nationale militaire au Tournoi afro-asiatique Malheureusement on lui a refusé le visa pour des raisons qu’il n’a pas dévoilées.
Ousmane Karembé est marié et père de trois enfants. Dans la vie il est passionné du sport, déteste la malhonnêteté, et l’ingratitude.