Le premier semestre de l’année 2023 a été marqué par une détérioration de la situation sécuritaire dans le nord du Mali, qui continue de s’étendre aux régions centrales et du sud du pays avec des conséquences désastreuses pour les populations civiles.
Les groupes armés non-étatiques (GANE) rivaux ont continué de s’affronter entre eux pour gagner en influence, notamment dans les régions du nord du pays, y compris la zone du Liptako Gourma (ou des “trois frontières” entre Burkina Faso, Mali et Niger). Dans le même temps, des attaques de GANE contre les installations publiques et les forces de défense et de sécurité maliennes ont continué d’être enregistrées dans les régions du nord, du sud et de l’ouest du pays. Les populations civiles n’ont pas été épargnées, victimes de pillages de bétail ou de biens, d’engins explosifs improvisés (EEI), de restrictions d’accès ou de mouvements, de taxes illégales leur étant imposées ainsi que d’une multiplication des violations des droits humains. Au cours du premier semestre de l’année, les acteurs de protection ont notamment documenté 1 263 cas d’atteintes à l’intégrité physique et/ou psychique et 1 810 cas d’atteinte au droit à la propriété. Les femmes et les filles continuent d’être les plus impactées par cette situation avec une multiplication des cas de VBG et de violences sexuelles liées au conflit documentés dans le Gender-Based Violence Information Management System (GBVIMS).
En réponse, les forces de défense et de sécurité maliennes (soutenues par leurs partenaires sécuritaires étrangers) ont intensifié leur présence ainsi que leurs opérations contre ces groupes dans les zones concernées. Cela a contribué à une réduction relative du nombre de victimes des GANE mais également à d’importants mouvements de populations craignant d’être impactées par ces opérations.
En effet, cette situation sécuritaire volatile, combinée à des chocs climatiques récurrents (sécheresses et inondations) perturbe le déroulement des activités socio-économiques et pousse les civils à se (re)déplacer. Le Mali compte au moins 375,000 personnes déplacées internes (PDI) selon la matrice de déplacement d’avril 2023 de l’OIM ainsi que 64,000 réfugiés principalement venus de la sous-région selon les estimations de juin 2023 du HCR. Au cours du premier semestre 2023, les besoins humanitaires ont donc atteint des niveaux records, particulièrement dans les régions de Ménaka, Kidal, Gao, Tombouctou et Mopti. Les résultats du Cadre Harmonisé de mars 2023 ont démontré que plus d’un million de personnes à travers le pays sont en situation de crise alimentaire (IPC3) et 54 000 personnes en situation d’urgence ou catastrophe alimentaire (IPC 4 et 5). De plus, une enquête SMART rapide de mars 2023 a révélé que l’état nutritionnel général des enfants de 6 à 59 mois est critique dans tous les sites de PDI de Bamako ainsi que des régions de Gao et Ménaka, avec des taux de malnutrition aiguë sévère compris entre 2 et 4,8% et de malnutrition aiguë globale entre 15 et 19,7%.
Le retrait de la MINUSMA d’ici décembre 2023 (entériné par la résolution 2690 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 30 juin 2023) et les conséquents mouvements militaires, ainsi que les opérations militaires risquent de rendre plus complexe l’environnement opérationnel des acteurs humanitaire avec des impacts directs sur l’accès, notamment dans les régions de Gao, Mopti, Ménaka et Tombouctou. En plus, une éventuelle augmentation de tensions dans les zones où la MINUSMA est actuellement présente pourrait déboucher sur une augmentation du nombre de PDI et une réduction de l’accessibilité déjà limitée aux services sociaux de base pouvant affecter au moins 1,8 million de personnes dont 850,000 enfants et 300 000 PDI. L’EHP a donc d’ores et déjà entamé la préparation d’analyses et de mesures de contingence dans différents fora impliquant des acteurs civils, humanitaires et sécurité pour limiter l’impact potentiel de ce retrait sur l’accès humanitaire et engager les mesures nécessaires à la continuité de l’assistance humanitaire face à cette nouvelle réalité.
Dans ce contexte particulièrement préoccupant, le plan de réponse humanitaire demeure sous-financé à hauteur de 18% ce qui pose d’importantes difficultés aux partenaires humanitaires pour la couverture de besoins humanitaires en hausse. Néanmoins, 1 250 000 de personnes ont reçu une assistance humanitaire au cours du premier semestre 2023.