Dix ans après l'enlèvement et l'assassinat au Mali des journalistes de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, leurs proches réclament toujours la vérité, confrontés à de multiples obstacles, notamment la suspension de la coopération judiciaire entre Bamako et Paris, qui entretiennent des relations exécrables.
"Depuis 10 ans, on se bat pour avoir un semblant de vérité sur cet assassinat injuste et intolérable", a rappelé lundi d'une voix émue Marie-Solange Poinsot, la mère de Ghislaine Dupont, lors d'une conférence de presse à Paris.
"Suite aux demandes de déclassification de documents faites à l'armée (française, NDLR) les réponses obtenues sont très partielles. (...) C'est très compliqué de ne pas avoir l'impression qu'on nous cache des choses", a déploré la sœur de Claude Verlon, Marie-Pierre Ritleng.
Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, avaient été enlevés lors d'un reportage pour Radio France Internationale (RFI) puis tués le 2 novembre 2013 près de Kidal, quelques mois après l'opération française Serval destinée à contrer des jihadistes menaçant de prendre Bamako.
Si ce double assassinat a été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), la lumière n'a jamais été faite sur les circonstances précises du drame.
Selon la version officielle, un convoi de militaires français avait découvert le corps des reporters, tués par balles, non loin du pick-up de leurs ravisseurs. Ce dernier était tombé en panne, d'après les enquêteurs, qui privilégient la thèse d'une prise d'otages ratée d'un groupe jihadiste.
Or, selon l'association "Les amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon", les éléments de téléphonie transmis par la justice malienne aux magistrats antiterroristes français, qui ont ouvert une information judiciaire, ont révélé de nouveaux éléments.
"On sait qu'il a existé un réseau beaucoup plus vaste que les quatre commandos et deux commanditaires" initialement identifiés, a affirmé Me Marie Dosé, avocate de l'association, partie civile.
Ces données téléphoniques, déclassifiées huit ans après les faits, permettent aussi de penser que "Ghislaine et Claude étaient suivis et surveillés depuis bien plus longtemps que quelques heures avant leur enlèvement", a ajouté l'avocate.
Lenteurs et obstacles n'ont cessé de s'accumuler tout au long de l'enquête. "Le problème, c'est que les magistrats instructeurs se heurtent aujourd'hui à une absence totale de coopération judiciaire avec le Mali", a regretté Danièle Gonod, la présidente de l'association.
Autre écueil, selon elle : l'"absence de réponse des Nations unies", quatre ans après une demande de commission rogatoire pour obtenir des photos prises à Kidal par la mission onusienne au Mali peu avant l'enlèvement.
La situation au Mali, gangréné par les groupes jihadistes et dirigé par une junte, "n'a cessé de se dégrader" pour les journalistes, selon le responsable du service investigations de RSF, Arnaud Froger. "Il est devenu "quasiment impossible de faire du journalisme" au Sahel, où "une dizaine de journalistes ont été tués en 10 ans, et plus d'une centaine arrêtés."