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Gestion de la société énergie du mali (EDM-SA) du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019 : L’utilisation du thermique comme principale source de production mise en cause
Publié le samedi 4 novembre 2023  |  Aujourd`hui
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© Autre presse par DR
Fourniture d`électricité : la Société Énergie du Mali-SA (EDM-SA) annonce des perturbations à Bamako, les raisons
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Rémunération non équitable et non efficiente du personnel, faible contribution des administrateurs, paiement de factures d’achat pour des énergies non enlevées…

Conformément au pouvoir n°035/2019/BVG du 18 octobre 2019 et en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi n°2012-009 du 8 février 2012 abrogeant et remplaçant la loi n°03-030 du 25 août 2003 l’instituant, le Vérificateur général a initié la vérification de performance de la société Energie du Mali pour la période allant du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019.

Il ressort du rapport de vérification que la société EDM-SA, aux termes des dispositions de ses Statuts en date du 4 avril 2006, est une société anonyme à caractère industriel et commercial. Concessionnaire principal du service public de l’électricité au Mali, elle est chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’électricité. La demande d’énergie électrique au Mali est en constante progression (+10 % par an en moyenne), alors que la société fait face à une situation financière critique, caractérisée par un déficit d’exploitation récurrent et une forte croissance du niveau d’endettement. Afin de relever ce défi, le gouvernement du Mali, à travers le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (Credd 2016-2018), s’est engagé à entreprendre une réforme courageuse et ambitieuse dans le secteur de l’électricité.

Le but de ladite réforme est d’améliorer la gouvernance avec une attention portée à l’assainissement et au redressement de la situation d’EDM-SA à travers les plans de redressement 2016-2019 et 2019-2021. Pour maintenir un niveau de tarification abordable de l’électricité et assurer l’équilibre financier de la société, le gouvernement procède à des allocations de subventions annuelles. C’est ainsi que, du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019, EDM-SA, en plus de ses recettes propres de l’ordre de 600 milliards de F CFA, a bénéficié de 133 milliards de F CFA de subvention de l’Etat.

Subventions et appuis accordés

L’Etat a également pris d’autres mesures importantes pour améliorer la situation financière de la société telles que l’annulation d’une partie de la dette fiscale à hauteur de 24 milliards de FCFA et l’apurement de la créance de la société vis-à-vis de la centrale thermique Sogli Pangueba Mohamed (Sopam) Energie pour un montant de 21 milliards de F CFA.

Compte tenu de l’importance de l’EDM-SA dans la mise en œuvre de la politique de l’électricité au Mali et du niveau de subventions et appuis accordés à ladite société, le Vérificateur Général a initié la présente vérification de performance.

Au chapitre des constatations et recommandations, la mission de vérification a constaté que le Conseil d’Administration de la société EDM-SA ne fonctionne pas de manière efficiente. A titre illustratif, le CA a approuvé des contrats d’achat d’énergie ne comportant pas la possibilité pour EDM-SA de les modifier ou de les résilier unilatéralement.

De plus, EDM-SA, tout en connaissant la faiblesse de ses installations de transport, a conclu des contrats l’obligeant à payer la totalité de l’énergie garantie, qu’elle soit enlevée ou pas ; non-remise en question des actes irréguliers de gestion posés par la direction générale. A titre illustratif, l’utilisation de personnel sans contrat de travail entre 2017 et 2019.

Faible contribution des administrateurs

Ainsi, la non maîtrise des activités stratégiques de la société EDM-SA par ses administrateurs a conduit le conseil d’administration à poser des actes qui ont fortement impacté la performance de la société. Cette faible contribution des administrateurs ne favorise pas la surveillance qu’ils sont censés exercer sur le pilotage stratégique de la société. Aussi, le rapport mentionne que le conseil d’administration de la société EDM-SA n’exerce pas pleinement ses prérogatives. Car, l’équipe de vérification a constaté que le CA n’est pas autonome dans la nomination des Directeurs Généraux de la société EDM-SA.

L’équipe de vérification a examiné les PV des sessions du CA afin de s’assurer de son autonomie dans la nomination des directeurs généraux. Ensuite, elle a eu des échanges avec le directeur des ressources humaines (DRH). Il en est ressorti qu’au cours de la période sous revue, les différents ministres de l’Energie et de l’Eau ont soumis au conseil des ministres des propositions de nomination et de révocation des différents DG de la société EDM-SA.

Placés devant le fait accompli, les administrateurs sont informés généralement des décisions prises par le conseil des ministres (CM) lors des sessions du conseil d’administration qui suivent lesdites nominations. L’équipe de vérification n’a relevé aucun cas pour lequel une proposition du Ministre a été remise en cause.

A titre illustratif, suivant le PV de la session n°66 du 08 novembre 2016, le PCA a informé les administrateurs que consécutivement à la décision prise par le conseil des ministres en sa session du 2 novembre 2016, le ministre de l’Energie et de l’Eau demande au CA de mettre fin au mandat du DG en poste et de le remplacer par un autre.

Immixtion des ministres chargés de l’Energie dans la nomination des DG

Pour les vérificateurs, l’immixtion des ministres chargés de l’Energie et du conseil des ministres dans la nomination des directeurs généraux a entraîné une instabilité au niveau de la direction de l’EDM-SA. En effet, entre 2016 et 2019, quatre directeurs généraux se sont succédé à la tête de la société. Cette instabilité pour une entreprise publique aussi stratégique qu’EDM-SA ne favorise pas l’atteinte des objectifs à moyen et long termes. Il ressort également du rapport de vérification que l’EDM-SA a payé des indemnités de fonction non conformes à la réglementation.En effet, l’équipe de vérification a constaté que la société EDM-SA paye des indemnités annuelles de fonction aux membres du conseil d’administration sans une autorisation formelle de l’assemblée générale. Alors que la rémunération versée aux administrateurs de la société EDM-SA est régie par l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. L’équipe de vérification a examiné les procès-verbaux des assemblées générales ainsi que les états de paiement des indemnités de fonction versées aux administrateurs lors des sessions du conseil d’administration. Il en est ressorti que ces indemnités sont payées sans une résolution de l’assemblée générale des actionnaires fixant le montant annuel.

Paiement aux administrateurs des indemnités 2de fonction sans une autorisation

Dans les faits, l’équipe a constaté qu’excepté les délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 19 décembre 2000, dans sa résolution n°4, qui avait fixé l’indemnité de fonction à 9 000 000 F CFA pour l’exercice 2001 et du 6 avril 2004, dans sa résolution n°6 qui a reconduit le même montant pour 6 administrateurs, EDM-SA n’a pu mettre à la disposition de la mission une résolution de l’assemblée générale portant sur le montant des indemnités de fonctions des membres du CA pour la période sous revue. Le paiement, aux administrateurs, des indemnités de fonction sans une autorisation préalable de l’assemblée générale ne favorise pas une gestion efficiente des ressources financières de la société.

Les vérificateurs ont révélé que le ministère de l’Energie et de l’Eau n’a pas assuré la mise en œuvre du Plan directeur d’investissements optimaux. L’équipe de vérification a constaté une faible exécution des projets inscrits dans le cadre du Plan directeur d’Investissements optimaux (PDIO) 2015-2035. Elle a constaté que sur 43 projets examinés, seulement 17 étaient en cours de réalisation ou de financement. Selon le rapport, la mission a constaté que le ministère chargé des Finances n’a pas mis en place un cadre de gestion des subventions accordées à EDM-SA. Car, l’équipe de vérification a constaté que la subvention accordée par l’Etat à travers le ministère chargé des Finances, bien qu’inscrite dans la Loi des finances, n’obéit pas à un cadre réglementaire de gestion approprié. Le cadre de gestion doit doter la société EDM-SA des orientations suivant lesquelles le gouvernement à travers le ministère chargé de l’Energie et le ministère chargé des Finances fixe des attentes claires et précises, des indicateurs utiles à leur suivi ainsi que les modalités de la reddition de compte visant l’atteinte de cet objectif global.

Assurer l’équilibre financier

Le rapport mentionne que les sommes accordées par l’Etat à EDM-SA au titre des subventions ne couvrent pas les besoins réels pour assurer un équilibre financier de la société. Car, les montants annuels des subventions doivent correspondre en moyenne à la différence entre le coût de revient et le prix de vente multipliée par la quantité d’énergie vendue. L’équipe de vérification a comparé les montants des besoins de subvention nécessaires pour combler l’écart entre le prix de vente et le coût de revient du KWH ainsi que les estimations des subventions.

Il ressort de cette comparaison que les montants des subventions ne sont pas octroyés en fonction du différentiel de prix. En effet, ces subventions sont allouées à EDM-SA pour maintenir un prix moyen de vente de 97 F CFA le KWH depuis la révision tarifaire de 2014 alors que ses coûts de revient ont été évalués par EDM-SA à 130 F CFA en 2017 et 150 F CFA en 2018. Par conséquent, la différence entre le prix de vente et le coût de revient (composé du coût de production et du coût de commercialisation) devrait être compensée par une subvention pour assurer l’équilibre financier.

A titre d’illustration, de 2016 à 2018, les montants payés par l’Etat, au titre de la subvention, s’élèvent à 94 655 810 675 F CFA pour un besoin estimé à 190 748 324 661 F CFA, représentant l’écart entre le coût de revient et le prix de vente de l’électricité, soit un déficit de financement à hauteur de 96 092 513 986 F CFA.

Rémunération non équitable et non efficiente du personnel

En ce concerne la gestion administrative, il ressort que l’EDM-SA pratique une rémunération non équitable et non efficiente de son personnel de direction. L’équipe de vérification a constaté que la société EDM-SA n’a pas mis en place une saine pratique de gestion de la rémunération versée aux membres du comité de direction. La société EDM-sa s’est engagée à travers le Plan 2020 de développement des ressources humaines de mettre en place, à compter du 1er janvier 2016, dix indicateurs de suivi de la performance des ressources humaines qui seront mis à jour tous les trois mois. Parmi ces indicateurs, figure le taux de réalisation de la masse salariale. Ainsi, l’EDM-SA a signé un accord d’établissement le 15 mai 2015 et adopté deux plans de redressement 2016-2018 et 2019-2023. Ces plans de redressement prévoient une réduction progressive des charges de fonctionnement de la société notamment celles relatives à la gestion du personnel.

La masse salariale des membres du comité de direction a augmenté de plus de 66 %

L’équipe de vérification a analysé sur la période allant de 2016 à 2018, la rémunération et les nominations des membres du comité de direction. Elle s’est entretenue avec le directeur des ressources humaines. Il ressort de ces travaux que la masse salariale des membres du comité de direction a augmenté de plus de 633 595 961 F CFA soit 66 % passant de 947 417 697 F CFA à 1 581 013 658 F CFA entre le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2018. Aussi, une analyse approfondie révèle que cette augmentation s’explique par la création des postes de direction, de département et d’autres postes de conseiller suivant la Note de service n°17/004 DC/ASK du 23 janvier 2017. A cela, s’ajoutent des augmentations incohérentes (entre 100% et 200%) de salaires de certains membres de la direction ce qui a conduit à une augmentation disproportionnée la masse salariale du personnel de direction.

Par rapport à la gestion de la production, la mission de vérification décelé que la société EDM-SA n’arrive pas à maîtriser ses coûts d’achat et de production d’énergie. Ainsi, il ressort des analyses que la société EDM-SA a dépensé 118,094 milliards de F CFA en 2016, 133,778 milliards de F CFA en 2017 et 171,158 milliards de F CFA en 2018 en achat de combustibles et d’énergie soit une hausse de 45 % en deux ans. Ces achats représentent environ 98 % du montant des ventes d’énergie hors subvention et 85 % des ventes avec subvention. Ce coût d’achat est très élevé et ne permet à EDM-SA de dégager qu’un reliquat de 2 % pour couvrir les autres charges.

Cette dépense importante en achat de combustible est due à une utilisation de l’énergie thermique qui représente 66 % des énergies produites par l’EDM-SA et près de 72 % de sa production totale, c’est-à-dire la production et la location. Le KWH de source thermique coûte environ 4 fois plus cher que celui de source hydroélectrique. L’utilisation du thermique augmente les dépenses en carburant. A titre illustratif en 2017, la mise en service des centrales de location Aksa et ses Lafia a entraîné une augmentation du niveau de combustible pour une valeur de F CFA 1,308 million.

Paiement de factures d’achat pour des énergies non enlevées

Il ressort aussi que l’EDM-SA ne dispose pas de droit de modification et de résiliation unilatérales pour motif d’intérêt général ; la société EDM-SA a payé des factures d’achat pour des énergies non enlevées à l’occasion de l’exécution de deux contrats d’achat d’énergie. Il ressort des échanges de correspondances antérieures à la signature du contrat avec la Société Albatros Energy Mali-SA, que des réserves avaient été émises par les services techniques d’EDM-SA quant au choix de la ville de Kayes à cause notamment de la faiblesse des installations d’évacuation d’énergie. Les documents mis à la disposition de l’équipe de vérification révèlent qu’à défaut d’être vendue aux sociétés minières, la production d’énergie de la Centrale de Kayes devait être acheminée vers les centres de consommation dont le principal est Bamako. Or, la seule ligne permettant l’évacuation de l’énergie de la Centrale se trouve en limite de saturation et ne peut transiter la puissance de la centrale vers Bamako sans son doublement.

Pour la gestion commerciale, la mission a constaté que des lacunes internes telles que des compteurs défectueux et un contrôle déficient empêchent la société EDM-SA d’atteindre des objectifs de recette qu’elle s’est fixés ; la société EDM-SA n’a pas mis en place une stratégie uniforme d’intéressement de ses partenaires ; une augmentation du montant des créances impayées (hors éclairage public), bien que les rapports de gestion fassent apparaitre un taux de recouvrement global des émissions de l’ordre de 97,01 % au 31 décembre 2017 et 96,84 % au 31 décembre 2018 ; le processus de relevé des index et de facturation subséquente des clients au niveau des agences comporte des lacunes ; la société EDM-SA n’a pas traité les demandes de branchement des clients dans les délais fixés.

Des dysfonctionnements décelés

Par ailleurs, l’équipe de vérification a également constaté que des agences acceptent des photocopies de pièces (titres de propriété notamment) sans s’assurer de leur conformité aux copies originales.

En conclusion, la vérification de performance a permis de déceler des dysfonctionnements d’ordre réglementaire dans la gestion de la société EDM-SA, mais également des possibilités d’amélioration de certaines pratiques qui, bien que conformes aux procédures, ne contribuent pas efficacement à l’atteinte des objectifs.

Les travaux de vérification ont mis en exergue de manière générale, un faible niveau d’investissement dans le domaine de l’énergie au Mali, l’incapacité de la société à faire face aux demandes sans cesse croissantes et le déséquilibre financier dû aux politiques de production et de tarification. Aussi, il ressort des travaux que les différents acteurs de la gouvernance n’assurent pas pleinement leurs rôles et responsabilités, toute chose qui a eu comme conséquence un pilotage stratégique de la société qui n’a pas permis à la direction de poser des actes favorisant l’atteinte des résultats escomptés. Les insuffisances constatées dans le cadre de la gouvernance sont relatives, entre autres, au non-respect des engagements de l’Etat en matière d’investissement, au fonctionnement du CA, et à la non-maîtrise des dépenses par la direction. Une autre insuffisance et non des moindres réside en l’immixtion du Département de tutelle dans la gestion de la société.

En effet, l’EDM-SA est une entreprise publique qui devrait jouir, auprès de pouvoirs publics, d’une autonomie complète en vue d’atteindre les objectifs fixés. En l’espèce, l’interférence de la tutelle dans la nomination des directeurs généraux de l’EDM-SA a créé une instabilité institutionnelle au niveau de la direction avec 4 directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de la société en moins de 3 ans, de fin 2016 à début 2019.

De plus, cette immixtion a des incidences sur la gestion de la production car, le plus souvent, la société EDM-SA est contrainte de conclure des contrats d’achat d’énergie défavorables sur la base des concessions signées en amont par la Tutelle et qui s’imposent à la société. De plus, le manque d’efficacité du pilotage stratégique s’est répercuté sur la gestion opérationnelle des activités de production et de commercialisation. Les résultats des travaux ont démontré que la société EDM-SA a manqué d’efficacité dans la gestion de la production en ce qui concerne la diminution de la perte globale, la réduction progressive de la part du thermique dans le mix énergétique, et surtout la satisfaction de la clientèle.

Au vu des insuffisances et des faiblesses relevées, et surtout de la dégradation de la situation financière de la société depuis plusieurs années, l’équipe de vérification conclut que la gouvernance en place au sein de la société EDM-SA ne lui permet pas d’atteindre ses objectifs. De plus, les activités de production et de commercialisation telles que menées ne favorisent pas un équilibre financier de la société à court et moyen termes.

Boubacar Païtao avec le rapport du BVG
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