Alors qu’on s’attendait enfin au début de la fin de la léthargie au sein de notre institution judiciaire, avec la fixation de la date des premiers procès dits de détournements des deniers publics, l’interview exclusive du Procureur général près la Cour Suprême Mamoudou Timbo a laissé plus d’un malien sur sa faim. Notre déception a été grande et notre attente non comblée, car le Procureur n’a non seulement pas apporté d’éléments nouveaux aux dossiers qui défraient la chronique, mais aussi et surtout il s’est livré à une rhétorique déjà connue. Les maliens veulent savoir la vérité dans toutes les affaires incriminant de hautes personnalités qui ont géré les deniers publics. Ils sont tellement impatients qu’ils commencent même à douter de leur justice. L’assertion selon laquelle le temps de la justice n’est pas celui du citoyen lambda semble révolue, car l’une des détenus, pas la moindre, en l’occurrence Mme Bouaré Fily Sissoko, en détention provisoire depuis plus de deux ans, a demandé la tenue d’un procès équitable, public, transparent pour qu’elle puisse livrer sa part de vérité au peuple, mais en lieu et place de sa requête on lui a demandé de payer une caution des plusieurs centaines de millions pour recouvrer la liberté provisoire. Si la détention est une règle en droit, la tenue du procès est un devoir pour la justice. Donc l’institution judiciaire est interpellée face à cette rocambolesque affaire.
Pour rappel trois dossiers à savoir l’affaire de l’avion Présidentiel, l’achat d’équipements militaires et l’affaire sécuriport ont été les points d’orgue de l’interview que le Procureur général près la cour suprême Mamoudou Timbo a bien voulu accorder à l’ORTM. Le premier constat qui se dégage ce qu’il n y a pas d’éléments nouveaux et l’instruction semble terminée. Mais pourquoi aucun procès n’a eu lieu jusqu’à présent ? Que cache-t-on au peuple pour qui la justice est rendue ?. Ces questions ont leur pesant d’or quand on sait qu’il y a eu beaucoup d’arrestations, mais zéro processus. D’ailleurs en lieu et place de la tenue du procès, qui est un droit, c’est plutôt une caution que l’on demande aux détenus, malgré la présomption d’innocence, pour retrouver la liberté ne serait-ce que provisoire, LP. Si certains détenus ont accepté de payer par ce que la liberté n’a pas de prix, l’ancienne ministre de l’économie et des finances Mme Bouaré Fily Sissoko a catégoriquement refusé de s’acquitter et a même demandé la tenue de son procès. Quoi de plus normal pour une citoyenne, pas la moindre, qui a eu à assumer de hautes responsabilités au-dedans comme en dehors du Mali et qui est accusée de détournements des deniers publics, de donner sa part de vérité pour non seulement laver son honneur, celui de sa famille, mais aussi pour se donner bonne conscience. Le cas Fily Sissoko est à coup sûr symptomatique du grand malaise de la justice malienne. A ce dossier s’ajoutent des milliers d’autres qui suscitent l’indignation et l’incompréhension des maliens qui ont tendance à coller une étiquette politique à certains dossiers.
Le Procureur Timbo était attendu lors de sa grande interview, pour parler de la tenue dans un bref délai des différents procès afin que le peuple puisse tout savoir sur ces sulfureux dossiers qui pourtant commencent à tomber dans la désuétude et l’oubli au sein de l’opinion, à cause de la lenteur constatée dans leurs traitements. Les faits reprochés sont graves pour que les intéressés ne soient pas entendus et fixés sur leur sort. S’ils sont reconnus coupables que les sanctions prévues par la législation malienne s’abattent sur eux, dans le cas contraire qu’ils soient libres de leurs mouvements et qu’ils recouvrent tous leurs droits civiques. Que dire du cas de cette ancienne ministre, Mme Bouaré Fily Sissoko qui a non seulement écrit au Président de la transition, président du conseil supérieur de la Magistrature, mais aussi et surtout aux syndicats des magistrats pour réclamer son droit, celui de la tenue d’un procès. Aucune institution encore moins le Président de la transition n’a donné suite à sa requête et elle croupit en prison depuis plus de deux ans, bientôt trois ans. Va-t-elle être libérée au terme des trois ans de détention préventive conformément à la législation en vigueur au Mali ? Pourquoi avoir perdu tout ce temps et l’Etat tous ces moyens si elle devrait rentrer chez elle sans livrer sa part de vérité ?
En somme, la justice malienne a encore un long chemin à parcourir et son indépendance tant réclamée tarde véritablement à être constatée. Elle est pourtant l’une des pièces centrales de la bonne gouvernance d’un pays et sa place est prépondérante pour un ancrage véritable de la démocratie et de la bonne gouvernance.