Coupures intempestives de courant, vie chère, crise socioéconomique sans précédent, perte d’emplois, fermeture d’entreprises, la liste est loin d’être exhaustive, de mémoire d’homme rarement les maliens n’ont été aussi démunis aussi pauvres que sous la transition. Malgré ces difficultés une écrasante majorité ne semble nullement s’en offusquer, bien au contraire ils sont nombreux les citoyens qui s’en accommodent en reléguant au second plan toutes les autres priorités, pourvu qu’ils aient retrouvé l’intégrité de leur territoire par la libération de Kidal. Quel immense sacrifice pour un peuple qui a tout accepté de ses autorités y compris les bourdes les plus impardonnables ! Qu’il soit dit en passant de l’indépendance à nos jours, Jamais un régime n’a eu autant de soutien du peuple que celui du colonel Assimi Goita. Alors si les maliens ont accepté de souffrir ce qu’ils espèrent sur un lendemain enchanteur. Ainsi pour donner corps à cette espérance, les autorités de la transition semblent faire de Kidal l’ultime obstacle qui bloque la paix et le développement d’où leur détermination pour sa reconquête voire sa libération du joug irrédento-terroristes. Théoriquement c’est beau, voire même séduisant ; mais la question que bon nombre d’observateurs de la scène malienne se posent est celle de savoir après « la libération de Kidal » que feraient les autorités face aux nombreux autres défis. La prise de Kidal est-elle synonyme de la fin des hostilités ?
Le Premier ministre Choguel K Maiga l’a rappelé avec satiété et en des termes plus explicites que la patience du peuple à des limites et qu’après trois ans de discours patriotiques s’il n’a pas à manger il risque de jeter des cailloux à ses autorités en leur indiquant la porte de sortie. Ne s’achemine-t-on pas vers ce scénario pour le moins rocambolesque en voyant tous ces défis colossaux et surtout l’immense paupérisation qui s’abat sur un peuple résilient du Mali. Tous les regards sont tournés vers Kidal avec en toile de fond sa reconquête par l’armée malienne afin de sortir de l’ornière. Comme pour dire qu’une partie du destin de notre pays se joue en ce moment à Kidal, qui est devenue par la force des choses le véritablement nœud de l’affaire et qu’en enlevant cela l’affaire serait dans le sac. C’est du moins l’impression que les autorités de la transition donnent. Et pourtant beaucoup d’observateurs de la scène politique malienne s’accordent à dire que l’occupation de l’emprise de Kidal, abandonné par la MINUSMA, ne serait que le début d’une belligérance qui pourrait s’étendre sur une décennie à l’image de la décennie noire que la grande voisine algérienne a connue dans les années 90 contre le Front islamique du Salut, FIS. C’est pourquoi beaucoup d’analystes ont privilégié le dialogue à la place des armes.
En effet, l’option militaire qui a sans nul doute été préférée par les autorités pour ramener la paix ne pourrait qu’être éphémère et que le dialogue pour parvenir à un compromis dynamique est le meilleur choix. Car tous les conflits ont fini par être résolu autour d’une table de dialogue. Le risque d’un enlisement de la crise est presque patent au regard de la détermination de toutes les parties à ne pas céder d’un iota de ce qui semble aujourd’hui être leurs convictions et leurs ambitions. S’ils sont obnubilés par la montée en puissance des FAMA et surtout par la victoire contre les terroristes, la crainte légitime des maliens est sans nul doute la durée d’un tel conflit et surtout son impact sur la paix et le développement. Une guerre se soutient financièrement et humainement et pendant ce temps point d’investissements, point d’économie. Les maliens retiennent leur souffle en scrutant le ciel pour voir jaillir la fumée de la reconquête de l’intégrité territoriale avec la prise de la ville de Kidal. C’est seulement après l’occupation de l’emprise de Kidal que les autres défis referont surface,
D’abord sur le plan le social l’attente du peuple est très grande sur le plan social quand on sait qu’il manque de tout. Les sources de revenus ont dans la plus part des cas tari à cause de la crise économique et financière. Les entreprises pourvoyeuses d’emplois et de revenus sont en train de fermer leurs portes les unes après les autres faute de fonds. La crise énergétique a fini par mettre à genou une économie déjà agonisante. Les défis sont immenses sur le plan social et les opportunités sont minimes à cause des choix diplomatiques et politiques faits par les autorités maliennes. Nous ne nous lasserons jamais de rappeler que la crise sociale est la mère de toutes les crises.
Ensuite sur le plan politique nombreux étaient les observateurs à se poser la question de savoir pourquoi le silence assourdissant de la classe politique malienne au moment où le pays a le plus besoin de ses recettes. Pour rappel même les quelques tentatives de se prononcer sur la crise ou simplement de manifester pour exprimer son opinion ont été vaines si elles n’ont pas été simplement interdites ou réprimées. Mais pour combien temps cette censure va-t-elle durer, surtout quand on sait qu’après la libération de Kidal aucun autre prétexte ne saurait justifier un quelconque report des élections devant mettre fin à cette situation exceptionnelle que le Mali connait depuis plus de trois ans, à savoir la période transitoire. Tout porte à croire que les partis politiques sont en train de fourbir leurs armes et n’attendent que l’affaire de Kidal soit dans le sac pour monter au créneau en demandant le respect des engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale et de l’opinion nationale, à savoir le respect du délai de la transition. Ils demanderont sans nul doute la tenue à date de l’élection présidentielle pour éviter d’autres sanctions au pays. Donc un autre front en perspective.
Enfin sur le plan diplomatique jamais la diplomatie malienne n’a été aussi dolosive, aussi exclusive qu’isolationniste que celle de la transition. Le Mali est en brouille avec les organisations de la sous-région en l’occurrence la CEDEAO et l’UEMOA. Il est en froid avec l’UA et il est inaudible voir isolé au Conseil de sécurité de l’ONU. Le seul soutien véritable du Mali est la Russie, alors que ce pays au-delà du fait qu’il soit en guerre, a également des moyens limités eu égard à l’étendue du territoire et de l’énormité des défis à relever, donc son soutien ne pourrait être efficace que sur le plan militaire. La diplomatie malienne a contribué à isoler le pays ; à le mettre sur le banc des accusés dans un monde multipolaire. Il y a désormais l’épée de Damoclès de la CEDEAO suspendue au-dessus de nos têtes et prête à s’abattre sur nous si les engagements venaient à être violés. Le report des élections même léger entrainera sans nul doute des sanctions contre le Mali.
En somme, la prise de Kidal loin d’être la fin du calvaire, serait le début d’une longue traversée du désert pour les autorités maliennes parce qu’elle ouvrira la voie à d’autres revendications, à d’autres défis, donc d’autres fronts verront le jour. Elles doivent parer au plus pressé et surtout avoir la grande capacité d’anticipation.