La Direction des Finances et du Matériel (DFM) du Ministère du Développement Rural est-elle l’antichambre de la fraude, la mauvaise gestion et du favoritisme ? En tout cas, c’est la question que bon nombre d’observateurs se posent, depuis la publication du rapport 2022 du Bureau du Vérificateur Général sur la gestion financière de cette structure, pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et le premier trimestre 2021.
Décidément, la corruption et la mauvaise gestion du dernier public ont atteint un niveau inquiétant au Mali. Et le contraire ne se dit pas dans l’administration malienne, où ces mauvaises pratiques sont gangrénées à tel point que l’on se demande si la fin annoncée de la corruption et de la délinquance financière est pour demain. En tout cas, l’espoir n’est pas permis, si l’on s’en tient aux révélations faites par le Bureau du Vérificateur Général, à travers un rapport récemment publié sur la gestion financière de la DFM du Ministère du Développement rural. Il a fallu le passage des auditeurs du Bureau du Vérificateur Général pour mettre à nu les affaires nauséabondes qu’entretiennent les responsables de cette DFM qui seraient en complicité avec le département de tutelle, au détriment des textes.
Les combines et les combinards
Pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et le premier trimestre 2021, les caisses de la DFM du Ministère du Développement rural ont connu une hémorragie financière, avec comme conséquence, le risque de mettre les clés dudit département sous le paillasson. Mais comme les départements ministériels fonctionnent sur le budget de l’Etat qu’est l’argent du contribuable, on a aujourd’hui l’impression qu’il y’a une nouvelle logique dans notre administration qui voudrait que les fonds soient gérés comme bon « nous semble » même si les résultats escomptés ne sont pas atteints.
En effet, au cours de leur fouille ‘’archéologico-financière’’, les enquêteurs du Bureau du Vérificateur Général, ont contre toute attente, découvert des irrégularités financières de 2,329 milliards FCFA (2 329 496 637 F) au niveau de la DFM du Développement rural. Pourtant, ce montant diaboliquement perdu, pouvait servir à construire des infrastructures, agricoles, sanitaires ou éducatives. Malheureusement, cette perte financière résulte du laxisme et du favoritisme qui règnent au niveau de la DFM du Ministère du Développement rural où les irrégularités financières semblent permises, au détriment du contribuable malien.
A la soupe, chers pots
Au nombre des mauvaises pratiques ayant laissé un trou dans les caisses de la DFM du département ministériel en question, le manque de rigueur, le favoritisme, le laxisme et le népotisme dans la passation des marchés en lien avec les intrants agricoles, les équipements et même ceux relatifs à la construction des infrastructures.
Au-delà du non-respect des critères de sélections des fournisseurs d’intrants agricoles, la Direction des Finances et du Matériel et le Ministre du Développement rural n’ont pas respecté, selon le rapport du Vérificateur Général, les procédures d’attribution des marchés de distribution des intrants agricoles subventionnés. Et comme si cela ne suffisait pas, au titre des irrégularités financières, le ministre de tutelle et le Directeur des Finances et du Matériel ont procédé au paiement de travaux de construction non exécutés pour un montant de plus de 145 millions FCFA (145 505 277F). Aussi, les irrégularités financières sont relatives aux équipements agricoles non fonctionnels remis aux représentants locaux de l’APCAM pour un montant de plus de 923 millions FCFA (923 465 780F) et à la Commission de gestion et de suivi du Programme de Subvention des Équipements pour un montant de 653,2millions FCFA (653 208 920F).
Toujours selon le rapport de vérification, les irrégularités ont trait au paiement non conforme des quantités d’engrais livrés par le système E-Voucher pour un montant de 1 091 565 FCFA, au paiement de marchés non exécutés conformément aux clauses contractuelles pour un montant de 100 669 038 FCFA et à la non-application de pénalités de retard pour un montant de 18 551 577 FCFA. S’y ajoutent, le paiement des produits et équipements piscicoles non conformes pour un montant de 26 950 000 FCFA ; le paiement des cages flottantes incomplètes pour un montant de 13 500 000 FCFA et le paiement des travaux de construction non conformes au devis estimatif et quantitatif pour un montant de 29 738 700 FCFA.
À ces gaffes s’ajoutent, l’absence de preuves de cession des véhicules reformés pour un montant de 700 000 FCFA, le paiement d’indemnités de déplacement et de missions indues de 3 chef de division pour un montant de 125 000 FCFA et des dépenses irrégulières pour un montant de 2 000 000 FCFA. Ce n’est pas tout, loin sans faut.
Aussi, les irrégularités financières révélées ont trait au non-reversement au Trésor public des produits issus de la vente des équipements pour un montant de 108 177 486 FCFA ; au non-reversement des montants dus sur les échéances des équipements reçus pour un montant de 7 632 960 FCFA et au paiement des engrais subventionnés non livrés pour un montant s’élevant à 14 888 750 FCFA. Sans compter la majoration du prix de cession de l’engrais subventionné pour un montant de 28 054 500 FCFA, le non reversement des produits issus de la vente des équipements pour un montant de 235 119 917 FCFA et au non-reversement par les représentants locaux de l’APCAM-Kayes au Trésor public des produits issus de la vente d’équipements pour un montant de 20 117 167 FCFA.
Ces irrégularités financières prouvent à suffisance, le non-respect des textes par les responsables de la DFM qui devraient veiller à la bonne gestion des ressources, mais aussi leur insouciance quant au respect de l’éthique et la déontologie en matière de finance.
En tout cas, c’est une situation qui interpelle les autorités de la transition qui se sont données le défi de refonder le Mali. Toute chose qui ne pourra se faire dans la démagogie. En attendant, les personnes suspectées dans cette affaire dite ‘’irrégularités financières’’ ne dorment qu’avec un seul œil, surtout que des dénonciations ont été faites au Pôle économique et à la Cour Suprême.