L'alliance de 5 pays contre les djihadistes du Sahel soutenue par les Européens, en particulier de la France, n'a plus de sens depuis le départ de trois régimes putschistes, Mali, Niger et Burkina Faso. La Mauritanie et le Tchad en ont pris acte.
Pour cause de coups d'Etat multiples, le G5 Sahel a dû se résoudre à s'autodissoudre mercredi. Cette alliance, créée en 2014, de cinq pays de cette immense région semi-désertique d'Afrique où sévissent les groupes djihadistes depuis plus de vingt ans, a perdu sa raison d'être depuis le départ de trois d'entre eux, le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Ces trois pays sont en effet dirigés par des putschistes soumis à des sanctions économiques et diplomatiques internationales qui préfèrent collaborer entre eux, si tant est que la lutte contre émules de Daech et Al Qaida soit leur priorité, plutôt que dans un cadre institutionnel lié aux Occidentaux.
La Russie pousse ses pions
Le G5 Sahel était en effet financé et soutenu, avec feu vert de l'ONU, par des militaires occidentaux. En premier lieu la France, ex-puissance coloniale, qui avait fourni véhicules, matériels et formation via son opération Barkhane, forte de 5.100 hommes à son zénith. La France avait dû replier successivement ses forces au Mali, au Burkina Faso et au Niger au fur et à mesure que ces pays passaient sous le contrôle de junte militaire. Le pacte liant le G5 Sahel à l'Union européenne et l'ONU avait expiré en juin dernier sans être prolongé.
Le pacte G5 Sahel/Union européenne/ONU a expiré
La Mauritanie et le Tchad ont « pris acte » de la décision de retrait de leurs trois anciens partenaires. La dissolution, en conséquence, du G5 Sahel semblait au demeurant inéluctable depuis que le Mali, le premier, avait rompu les ponts avec ses partenaires occidentaux progressivement entre 2022 et avril dernier. Les pays putschistes se tournent en effet vers la Russie, plus précisément vers les mercenaires du groupe Wagner qui leur servent de garde prétorienne au prétexte de les assister dans la lutte contre les djihadistes. Wagner est surtout connu au Sahel pour ses rapines et meurtres de villageois.
Le Niger, le Burkina Faso et le Mali prétendent former une confédération
Le nombre de morts provoqués par des attaques djihadistes a doublé depuis le premier coup d'Etat au Mali en 2020 et augmenté de 165 % au Burkina Faso depuis le putsch de janvier 2022, au point que les victimes des djihadistes, qui contrôlent la moitié du pays, y sont les plus nombreuses au monde actuellement, derrière l'Afghanistan. Le Niger a annulé ces derniers jours deux accords de coopération militaire avec Bruxelles et un autre censé limiter l'émigration vers l'Union européenne.
Le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont annoncé vendredi dernier qu'ils comptaient former une confédération, deux mois après avoir promis de voler au secours les uns des autres en cas d'intervention militaire extérieure. Une réponse à l'époque aux menaces de la communauté des pays d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) de renverser manu militari la junte qui avait pris le pouvoir en juin dernier au Niger. Menace d'intervention d'une coalition sous l'égide du Nigeria qui était restée lettre morte. Bamako, Ouagadougou et Niamey se disent déterminés à créer une banque commune d'investissements et une union monétaire. Un projet qui a au demeurant très peu de chance d'aboutir étant donné la fragilité financière et institutionnelle des trois pays.
Martelant un discours souverainiste, ils ont pris leur distance dans une grande acrimonie avec la France et avec ses partenaires européens. Le Mali avait quitté le G5 Sahel en 2022 en parlant d'organisation « instrumentalisée par l'extérieur » et les trois régimes putschistes ont affirmé dans un communiqué refuser de « servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel, encore moins accepter le diktat de quelque puissance que ce soit au nom d'un partenariat dévoyé et infantilisant qui nie le droit à la souveraineté de nos peuples et de nos Etats ».
Si la dissolution du G5 Sahel apparaît comme un échec géopolitique pour l'Union européenne, voire son allié américain, il faut admettre que la force conjointe des cinq pays n'avait jamais vraiment décollé . Les cinq pays, aux capacités militaires opérationnelles limitées, avaient mis en commun chacun un bataillon, 750 soldats, censés lutter contre les terroristes mais aussi les trafiquants de drogue, armes et êtres humains dans une zone grande comme l'Europe.