L'affaire des transitaires arrêtés serait-elle l'élément déclencheur de relations plus que tendues entre le pouvoir militaire et le milieu des affaires, dont celui du commerce au Mali, pourtant attiré un moment par les dividendes politiques escomptés de la Transition militaire ? La confiance paraît ténue, consécutive aux poursuites judiciaires enclenchées contre les pratiques frauduleuses et de corruption dont certains opérateurs ont été des décennies durant d'actifs protagonistes aux côtés de hauts responsables de l'Etat incriminés.
Vocations présidentielles contrariées
Le vent des vocations présidentielles qui a traversé le milieu des affaires au Mali est retombé et les déterminations résolues et engagements remis aux oubliettes. Le monde des affaires au Mali a d'autres chats à fouetter, tels que la déliquescence continue et inexorable d'une économie atone, sinon en état grabataire avancé, et davantage les poursuites judiciaires qui farfouillent inopportunément dans de vieilles affaires qu'on croyait passées par pertes des anciens régimes.
Il est vrai que le pragmatisme des affaires a vu dans la chute d'IBK une opportunité, probablement celle de troquer les pratiques de "Ma Famille" contre une cour assidue qui avait des allures paillardes et une soif de lucre à l'avènement du nouveau pouvoir.
Mais le fil de la confiance semble progressivement distendu face à l'absence de résultats économiques probants des plus de trois ans d'une junte transitoire qui peine à fixer des perspectives. La situation est à des incertitudes à l'horizon économique et financier du Mali, ce contre quoi le milieu des affaires, un moment tenté par les "affaires politiques" des militaires, éprouve une sainte horreur!
Pourtant, l'irruption aux commandes du pays, le 18 août 2020, de la junte militaire de Kati avait suscité des vocations présidentielles dans les milieux d'affaires du Mali. Trois ans après, les quelques généreuses donations et les cours assidues auprès d'acteurs clés du Camp Soundjata ne semblent guère être parvenues à doper l'embellie entre un milieu d'affaires jugé quelque peu boulimique et une
junte qui "a mené tout le monde en bateau" sur ses intentions.
La fin de la Transition et le flou artistique autour de la dévolution du pouvoir à un homme lige ont fait long feu. Les postulants, nombreux aux premières heures de la Transition, ont été progressivement transis par les atermoiements et autres entourloupes dont Kati semble maîtriser l'art consommé. Les
ambitions présidentielles ont été considérablement refroidies au rythme d'une Transition traînant en longueur et aux allures indéfinies.
À sa décharge, Kati n'a jamais rien promis à qui que ce soit, même si elle a subtilement attisé les convoitises. Ce qui lui a permis de faire se crêper le chignon aux prétendants, à travers la stratégie certes éculée de "Diviser pour mieux régner", mais toujours efficace notamment dans le landernau
malien.
Douche froide sur les convoitises suscitées Il faut dire que le pouvoir militaire, par ses ambivalences multiples, avait considérablement attisé les convoitises avant de refroidir par ses mêmes postures incertaines, les ambitions nées voire le plus souvent suscitées d'ailleurs par ses soins.
Comme peu avant le choix des premiers Président et Premier ministre de la Transition, au cours desquels épisodes à suspense, nombre de politiques étaient tombés dans le panneau, parfois au prix de coups de Jarnac savamment portés dans le dos de partenaires de lutte.
Nombre d'opérateurs économiques s'étaient en effet subitement reconnu des destins élevés à hauteur de Koulouba, à l'avènement des militaires, mais surtout encouragés par la multiplication de leur profession de foi de quitter le pouvoir, sous quelques mois, comme l'avait d'ailleurs promis le premier d'entre eux, le Colonel Assimi Goïta, à l'issue du second pronunciamiento qu'on lui attribue : "Il est inutile de se précipiter et de faire des polémiques. La Transition est bientôt finie ; il ne reste juste que quelques mois seulement..." avait-il un jour déclaré avec une telle lassitude dans la voix que les plus sceptiques
avaient changé d'opinion quant aux intentions des militaires de s'incruster au pouvoir.
Toujours est-il qu'à cette fin, et s'appuyant sur la division chronique de la classe politique succombant aux sirènes financières, plusieurs hommes d'affaires maliens d'envergures variables s'étaient préparés à tailler des croupières aux politiques classiques, lors de l'éventuelle présidentielle. Plusieurs d'entre
eux s'étaient ainsi lancés dans la course, à travers des associations politiques, germant comme dans une "génération spontanée" pour sillonner les régions "sécurisées" du pays, avec promesses et généreuses distributions de victuailles et forages ainsi que d'importants subsides financiers pour les animateurs des mouvements affluant nombreux.
Parmi les plus emblématiques, on retrouve, avec son association Benkan, Seydou Mamadou Coulibaly, le promoteur de CIRA Imo, surnommé "Monsieur Avenant" du régime d'IBK dont il aurait été la véritable cheville ouvrière, les sept ans de durée.
De même, en bonne place, "Monsieur Pluies provoquées", Ibrahim Diawara, qui, en plus de la diversité de ses affaires, se pré- valait de l'atout maître de son épouse, le Colonel Ba Diallo, aujourd'hui ministre de la Santé, mais hier en charge des œuvres sociales du président de la Transition (encore des victuailles et forages "généreusement" offerts sur les fonds publics aux "ploucs", le bétail électoral), et toujours très proche collaboratrice du Colonel Assimi Goïta.
Bref, cette proximité martiale faisait pousser des ailes au patron carreleur de Stone, qui ne se privait pas de tournées à bord d'aéronefs, avant que le Premier ministre Choguel Maïga ne jette une ombre durable sur son entreprise de séduction.
La plupart de ces hommes d'affaires, candidats putatifs à une éventuelle présidentielle, ont en commun de traîner un fort relent de sulfure, du fait de leurs accointances avérées avec des régimes défunts dont la probité envers le bien public a été sujette à caution. Mieux, les matelas de milliards, sur lesquels ils avaient reposé leurs ambitions et leurs prétentions à une dignité élevée, disposaient d'épaisseurs politiques confinées à prédation voire une mise à sac en règle de l'Etat. Aussi certaines conclusions laissaient-elles entendre avec perfidie que les nouvelles vocations avaient pour but inavoué d'enterrer encore plus profondément des faits autrement pendables.