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Multilateralisme : Si l’histoire des institutions de Bretton Woods m’était contée
Publié le jeudi 14 decembre 2023  |  Le challenger
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La 3è semaine du mois de novembre 2023 a été riche en échanges entre experts économiques, ministres des Affaires étrangères, ceux de la Défense, à Bamako au nom de l’Alliance des Etats du Sahel. En point de mire, la création de l’espace économique et monétaire. Le rappel des tenants et aboutissants de la mise sur les fonts baptismaux des institutions de Bretton Woods faciliterait le décryptage de ces ballets diplomatiques.

Sans la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ne seraient pas la puissance économique qu’ils sont devenus. Car le dollar doit sa robustesse monétaire et son expansion planétaire à cette ‘’Grande Guerre patriotique’’, comme la qualifient les Soviétiques… pour y avoir perdu 27 millions des leurs !!! Les institutions de Bretton Woods en sont une autre conséquence.

Accords de Bretton Woods

En effet, quand on parle du système monétaire international, de la convertibilité des monnaies entre elles, de la prééminence du dollar américain sur les autres monnaies, et même du Fonds monétaire international, il n’est pas rare que l’on fasse référence aux Accords de Bretton Woods (voir, 00, le « Diagnostic » de Chadli Ayari). Signés en 1944, avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils permirent aux Alliés victorieux de l’Allemagne nazie de poser la première pierre d’un système qui a, certes, contribué à la reprise des échanges commerciaux, mais qui a également créé des déséquilibres monétaires, dont le monde n’a pas fini de se remettre…

1er juillet 1944. Les Etats-Unis, alors dirigés par Franklin D Roosevelt, ont loué un train spécial pour conduire, d’Atlantic City au petit village de Bretton Woods, dans le New Hampshire, les représentants de 44 nations (ils sont près d’un millier). Protégés par quelques militaires et des scouts, ils passeront trois semaines au Mount Washington Hôtel, édifice un peu délabré perdu au milieu des pins et des lacs. Préparer la paix militaire et économique, financer les réparations des pays endommagés par la guerre, telles étaient les principales tâches des délégués. Il s’agissait aussi de rétablir les échanges internationaux et, pour cela, il fallait que les monnaies soient convertibles entre elles.

Deux experts seront en vedette tout au long de la réunion : l’économiste John Maynard Keynes, chef de la délégation britannique et son homologue des Usa, Harry Dexter White. Tous deux ont préparé des projets. Le plan Keynes est finalement refusé. Au profit de celui de White, qui tenait largement compte des intérêts américains. Sans restaurer l’étalon or, le projet conférait au métal jaune un rôle de premier plan. Les Etats-Unis détenaient d’ailleurs à l’époque la majeure partie du stock mondial.

Le nouveau système issu des accords de Bretton Woods, le Gold Exchange, stipulait donc que la parité de chaque monnaie soit «exprimée en termes d’or, pris comme dénominateur commun, ou en dollar des Etats-Unis» au taux du 1er juillet 1944 (35 dollars l’once). En gros, le dollar était seul convertible en or, devenant du même coup monnaie de référence et monnaie de réserve internationale. Deux institutions furent créées pour améliorer l’organisation des échanges : le Fonds monétaire international et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD ou Banque mondiale.

Le FMI, sorte de caisse commune alimentée par les contributions des Etats signataires de Bretton Woods, était, de plus, chargé de la «police» des échanges. Il avait pouvoir d’enregistrer les parités des monnaies (définies en or ou en dollar), d’autoriser des dévaluations dépassant 10%, de prêter temporairement de l’argent aux membres pour les aider à redresser leur situation économique.

De 1944 à 1959, le système est en veilleuse ; l’Europe panse ses blessures et se reconstruit, beaucoup grâce au plan Marshall. Mais, bientôt, l’expansion des échanges internationaux nécessite davantage de liquidités ; les Etats-Unis prêtent en dollar pour répondre aux besoins financiers des pays industrialisés occidentaux. Le dollar devient de plus en plus abondant et la convertibilité or n’est plus qu’un mythe.

En 1971, le président américain Richard Nixon annonce officiellement, la suspension de la convertibilité du billet vert en or. Le dollar est dévalué, les monnaies européennes réévaluées. Le système de Bretton Woods perd définitivement son sens en 1973, avec l’abandon des parités fixes. La référence à l’or a disparu, les monnaies occidentales flottent librement dans un espace limité et sous la surveillance du FMI.

Quarante-deux après (1986) Bretton Woods, la physionomie du monde a complètement changé. Avec l’accession à l’indépendance des pays sous domination coloniale – et notamment des Etats africains -, la communauté internationale s’est agrandie ; les économies de ces jeunes Etats se sont trouvées de facto soumises à une nouvelle domination, celle du dollar, monnaie de paiement des matières premières dont ils sont exportateurs. Avec une distorsion supplémentaire, pour les pays de la zone franc, en particulier, puisque leur monnaie suit les fluctuations de la politique monétaire décidée à Paris.



Un Bretton Woods II

Du côté des pays industrialisés, c’est la désillusion. Le Gold Exchange Standard n’aura pleinement vécu que douze ans, et la nécessité d’une réforme du système international est une évidence. Il faut un Bretton Woods II, mais pour proposer quoi ? En attendant de trouver la réponse, on replâtre les fissures. Pour la première fois en septembre 1985, les cinq grands pays industrialisés réunis à l’Hôtel Plazza de New-York, admettent officiellement que les mouvements erratiques du dollar sont nuisibles au reste du monde et décident une baisse concertée de la monnaie américaine.

Mais le billet vert, symbole de la puissance économique américaine n’en reste pas moins malgré la vigueur du yen japonais et la relative vogue de l’ECU (Unité de Compte Européen). Le «roi vert». Pas prêt, semble-t-il d’être détrôné.

Mohamed Koné

(Source : Jeune Afrique N°1349 du 12 novembre 1986 par Marie Laure Colson)
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