Dimanche 16 Septembre 1982 : Le Stade Tata Raphael de Kinshasa grogne comme un chaudron. Un membre du staff technique du Djoliba, surpris en train de lancer des grains de sel sur la pelouse, quelques minutes avant le quart de finale aller de vainqueurs de coupes entre Vita club et le Djoliba AC, est poursuivi, rattrapé et molesté par des adversaires en colère, qui l’accusent de sorcellerie, tout en criant “mogwa” (sel en lingala). En effet, à cette époque, les rivaux de Vita avaient pris le soin d’informer la partie malienne du “totem” de Vita (qui était le sel). Qui est cet homme qui, durant toute sa vie portera les cicatrices dues aux blessures de cet incident sur sa main droite ? Il s’appelle Mamadou Sidibé à l’état civil. Il est né en 1948 à Dimbokro en Côte d’Ivoire et commence à taper dans la balle ronde dès son jeune âge. Issu d’une famille où les gens sont portés sur la religion, son père voit d’un mauvais œil le goût prononcé de son fils pour le ballon rond.
Après son certificat d’études, il est envoyé à Sikasso, afin qu’il s’éloigne du football. Comme les regrettés Laurent Pokou et Théophile Abéga, ce fut l’effet contraire. Il signe au FC Babemba et suit de loin les performances de son club de cœur à savoir le Djoliba AC. A la fin des années 1960, il pose ses valises au Djoliba AC, entraîné à l’époque par Bakary Traoré dit Fromentin. Arrière latéral vif et rapide au début, il finit par adapter son jeu au contexte de l’époque. Il devient plus dur dans les contacts aussi bien aux entraînements, que lors des matchs. Ce qui lui vaut le surnom de “Decoster”.
Tout est parti d’un match amical en Côte d’Ivoire en 1968, au cours duquel, l’arrière latéral qu’il était ne cessait de monter aux avants postes. Chose qui a eu le don d’irriter son vis-à-vis, qui lui assène un violent coup de pied. Un de ses adversaires vient le voir alors qu’il est couché, et lui dit “le 2 c’est ici ta place, tu es défenseur que fais-tu ici ? C’est bien fait pour toi, la prochaine fois tu resteras sur le côté droit de ta défense”.
Il poursuit sa carrière au Djoliba jusqu’à la fin des années 1970, avec plusieurs titres nationaux à la clé. Son meilleur match reste celui que le Djoliba a remporté 2-0 à Bamako en 1974, face à Bendel Insurrance (8e de finale de clubs champions). Il a été buteur ce jour, tout comme son ami Kader Guèye (sur et en dehors des terrains).
Côté équipe nationale, il fait partie de cette génération de footballeurs maliens, qui n’a pas connu la Coupe d’Afrique des nations.
A partir de 1980, il se reconvertit comme entraîneur et prend place sur le banc de touche du Djoliba AC, en qualité d’adjoint de Karounga Kéita. Un poste qu’il occupe jusqu’au départ de feu Modibo Touré en 1990, avec un intermède en équipe nationale comme adjoint de Kindian Diallo (1986-87).
Il devient titulaire au début de la saison 1990-1991, Mais ne reste qu’une année à la barre technique des rouges. Il devient ensuite adjoint des entraîneurs nationaux Ayman Yamani et Molobaly Sissoko de 1992 à 1993, avant de prendre en main l’équipe nationale cadette. En 1994, il est rappelé au Djoliba, mais quitte le club suite à une série de mauvais résultats. Fonctionnaire du ministère des Sports, il est muté à Sikasso en 1995. Il en profite pour prendre en main le Tata de Sikasso.
De retour à Bamako à la fin des années 90, il s’occupe de la formation au Djoliba avant de revenir en pompier en équipe première en 2002. Il réussit à qualifier l’équipe en quart de finale de la défunte CAF après avoir éliminé National Port Authorithy du Nigéria et Maranatha du Togo. Sur le plan local, il est éliminé en demi-finale de coupe du Mali et ne remporte pas le titre de champion. Ce qui lui vaut l’ire des fans et de la direction du club. Il retourne au centre de formation du club et prépare la relève avec Kindian Diallo.
Passionné de football, il pouvait rester avec des personnes de tout âge, discuter de football et partager son expérience pendant des heures.
Grand connaisseur de football, formé aux écoles allemande et française, il a souvent été incompris. Ses détracteurs se plaignaient des exercices physiques qu’il imposait à ses joueurs et disaient qu’il passait plus de temps à noter les actions sur son calepin, qu’à suivre le match. Un calepin, qui à cette époque analogique, lui servait de fiche de suivi de performances de ses joueurs.
Malade depuis un moment, il nous a quittés dimanche 10 décembre 2023 à Bamako.
La levée du corps a eu lieu lundi dernier à son domicile de Djélibougou à partir de 16 h. Dors en paix Sidibé, comme l’appelait le regretté Karounga Kéïta. Un monsieur pour lequel il vouait un respect, qui frisait l’idolâtrie.
A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons !