Dans certains quartiers chics de Bamako et sur les réseaux sociaux, le phénomène des salons de massage prend de l’ampleur depuis quelques années. Dans ces lieux sombres majoritairement logés dans les maisons à usage d’habitation, il n’y a pas que le massage qui se fait. Enquête !
La ville de Bamako connait, ces derniers temps, une prolifération de salons de massage. Les quartiers les plus concernés, selon nos investigations, sont Hamdallaye ACI, Baco-djicoroni ACI et GOLF, Sotuba ACI ou encore Sébénikoro. Ces sociétés n’hésitent même pas de faire leur marketing sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Presque chaque salon dispose sa page Facebook et la communication est faite à l’aide des photos de jolies dames avec des numéros de téléphones à l’appui.
« Bonjour mes amours notre nouveau salon de massage innove avec des masseuses professionnelles très expérimentées qui maîtrisent bien les techniques de massage », a poste, le 17 septembre dernier, une page Facebook. Ce salon se dit même promotion avec des prix promotionnels de 10.000 FCFA et 15.000 FCFA.
« Le massage corps à corps »
« Il y a le massage simple, le massage relaxant, le massage corps à corps ou body -body, massage intégral… Lequel souhaitez-vous faire ? ». Tels sont les propos favoris des jeunes masseuses après l’accueil chaleureux des clients. Mais en analysant le type de massage « body-body », il consisterait à faire masser le client étant nu. Qu’est-ce que cela sous-estime et renvoie? Une seule réponse possible : la prostitution.
En effet, la majorité de ces lieux sont, en réalité, de véritables chambres de passe. Ils accueillent les « clients à bras longs » (des hommes riches) qui ne souhaitent pas aller s’exposer dans les bars. Il ressort de nos investigations que la majorité des clients ne se limitent pas au massage. Ils tombent dans le piège des masseuses en dépensant au moins 25.000 FCFA pour quelques heures de plaisir charnel.
Selon un habitué de ces endroits sombres de Bamako, les salons de massage sont de bons « soutoura yôrô », en français « des endroits discrets ». Ce trentenaire affirme que ce sont des véritables chambres closes. « Là-bas, le massage est juste une couverture. Moi personnellement, je vais pour les jeunes dames », confie-t-il tout souriant.
Pour ce dernier, le massage est un camouflet pour ces dames afin de se prostituer à des prix exorbitants, compte tenu de la valeur des lieux. « Le massage corps à corps qui demande à ce que la masseuse et le client soient tous les deux nus prouvent que ce sont des véritables chambres closes », explique notre interlocuteur. Il ajoute qu’ « à ton arrivée, elles ne te parlent pas du sexe. Mais quand tu le leur proposes, la majorité d’entre elles acceptent. Mais cela a un prix différent de celui du massage ».
Un autre jeune aux initiaux M. T confirme cette version des faits. « Nous, on ne part pas dans les bars. On part dans les salons de massage, car là-bas, tu n’es pas exposé. Les lieux sont calmes et le confort est aussi là », témoigne-t-il.
Qui sont les masseuses? Sont-elles des Maliennes ? « Je ne pense pas si elles sont maliennes. Généralement, elles parlent français et ont un accent sénégalais, du moins dans les salons que j’ai eu à fréquenter », réplique cet habitué des salons.
Mais au téléphone, les jeunes masseuses ne répondront jamais à cette question de prostitution. C’est en tout cas ce que nous a confié un M. T. « Quand tu leur demande au téléphone si elles font la prostitution, elles te demandent juste de passer au salon ».
Une cohabitation inquiétante
Selon nos investigations, il y a environ une dizaine de salons de massage à Baco-djicoroni Golf et ACI. Parmi les quartiers de Bamako, Hamdallaye ACI 2000 est le fief des ‘’masseuses’’. Un de leurs clients « fidèles» affirme avoir fréquenté au moins une dizaine de salons à Hamdallaye ACI 2000 et Baco-djicoroni.
La plupart de ces salons se trouvent dans des immeubles ou appartements à l’usage d’habitation. Les clients sont reçus à n’importe quelle heure.
Approché par nos soins, un homme vivant près d’un salon de massage à Baco-djicoroni Golf dit être exposé. « Nos portes sont généralement toujours ouvertes. Je ne sais pas ce que ces gens font mais elles passent la journée à recevoir des hommes. Elles sortent souvent même à des heures tardives dans la nuit », a lâché, ce Bamakois ayant requis l’anonymat.
L’inaction des pouvoirs publics
Que dit alors la loi malienne sur ces pratiques ? Selon Me Koné, un huissier commissaire de justice, ces pratiques sont illégales au Mali. Quant à l’utilisation des maisons à usage d’habitation, il estime qu’il revient aux locateurs d’être beaucoup plus attentifs à l’activité qui va être menée dans leurs maisons, car, dit-il, tout dépend de la convention entre le locateur et le loyer.
Mohamed Siby, chef d’agence immobilière à Bamako dit ne pas permettre les pratiques telles que le massage dans ses appartements. « Je ne sais pas si les propriétaires des appartements concernés sont au courant des activités qui sont menées. Mais moi personnellement, je ne le permettrai pas dans mes appartements », soutient ce quinquagénaire.
Au-delà de ces constats, les pouvoirs publics n’agissent pas. Ces activités de dépravation de mœurs semblent être ignorées et tolérées au Mali. Les auteurs font leur marketing sur les réseaux sociaux au vu et au su de tous sans être enquêtés. Cela, contrairement au Burkina Faso voisin où la police a démantelé, en 2021, des dizaines de salons de massage afin d’éviter la dépravation des mœurs.
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