Il n’est nul besoin de grandes démonstrations ni de grands discours pour répondre à la question de savoir à qui profite la crise entre l’Algérie et le Mali et affirmer tout simplement : il est évident que cette dernière ne profite ni à l’un ni à l’autre pays. Bien au contraire. Alors que tout les unit pour construire un avenir commun de prospérité et de développement pour l’ensemble de la région et de ses populations – la géographie, la religion, les peuples, on retrouve les mêmes ethnies au nord du Mali et au sud de l’Algérie, et bien souvent les mêmes familles –, un esprit malin semble œuvrer sournoisement et méthodiquement pour saboter cette entente et cette promesse d’un futur prospère.
Au lendemain de la conclusion des accords d’Alger, des voix ont fait entendre qu’il y avait là anguille sous roche et y auraient décelé un projet caché visant la partition du Mali. D’une part, il est certain, sans l’ombre d’un doute, que ces colporteurs n’ont pas lu – tout au moins attentivement – ces accords, car leurs articles stipulent clairement et en toutes lettres que les parties signataires ont l’obligation de se soumettre, sans conditions, au principe d’intangibilité et d’intégrité territoriale du Mali.
D’autre part, les allégations de ces colporteurs font preuve d’un manque de profondeur ou, à tout le moins, de réflexions géostratégiques. Qu’aurait à gagner l’Algérie dans la partition du Mali en privilégiant une partie, s’aliénant par ailleurs l’autre partie ? Cela ne signifierait-il pas la fermeture de sa route du sud, cette dernière entrant dans le cadre de l’initiative «une ceinture une route», dont l’Algérie est partie prenante ?
Les autorités maliennes l’ont répété à maintes occasions : «Les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts» et elles ont sans doute raison. Pour l’Algérie, quel serait son intérêt au Mali ? Son souhait est tout d’abord la stabilité du pays, en y assurant la paix entre toutes les parties, ensuite le développement des infrastructures maliennes, dans lesquelles l’Algérie a alloué une somme considérable. Pourquoi ? Pour pouvoir échanger et développer son commerce – et par réciprocité celui du Mali – dans un climat de sécurité. Par ailleurs, tout comme la Russie, l’Algérie, qui en est doté en abondance, n’a pas de visée d’accaparement des ressources minières.
Du reste, l’on n’a sans doute pas mesuré à sa juste dimension la décision de l’Algérie de fermer son espace aérien aux avions militaires français et américains. Ne l’oublions pas. Une décision qui ne peut être considérée que comme une déclaration de guerre contre l’ancien colon. D’ailleurs, ce dernier n’ayant jamais digéré sa défaite contre ce pays révolutionnaire est en guerre permanente contre sa stabilité et son développement.
Nos frères maliens nous rappellent à maintes occasions l’aide du Mali durant notre Guerre de libération nationale. Cela est vrai certes, mais la lutte armée a été menée par les Algériens uniquement, le Mali se contentant de laisser ouvertes les frontières entre les deux pays, ce dont l’Algérie l’a remercié également et a remboursé la dette à plus d’un titre au cours de l’histoire récente des deux pays.
Quant à la crise diplomatique, celle-ci est à l’initiative unilatérale du Mali, car l’Algérie, en tant que chef de file du CSA et garante des accords d’Alger, est dans son rôle et ne sort pas de ce cadre en accueillant toutes les parties afin d’instaurer un dialogue constant pour une solution de paix définitive aux problèmes que connaît le pays.
De nombreux compatriotes y voient un prétexte pour une énième trahison, comme on a pu le constater après que l’Algérie eut proposé une force de maintien de la paix assurée uniquement par les Etats du Sahel, proposition qui a été écartée d’un commun accord entre ces pays et la France, contre les mises en garde de l’Algérie, mais à laquelle elle s’est résignée. L’avenir, comme toujours dans tout ce qui concerne l’Afrique – l’exemple libyen le démontre – lui a donné raison.
Soit. Mais sans doute avons-nous manqué de vigilance. Il était peu probable, en effet, que l’ancien colon et plus largement l’impérialisme se résolvent enfin à quitter le territoire sans s’assurer qu’ils y reviendront ensuite d’une manière ou d’une autre. C’est là qu’intervient leur fidèle allié et leur sous-traitant de toujours, le royaume du Maroc. Aussi n’est-il pas étonnant que l’on retrouve toujours ce dernier dans tous les dossiers impactant l’Afrique, sa stabilité et son développement et où il prétend présenter une «alternative» aux propositions algériennes : le gazoduc devant relier le Nigeria à l’Europe, le conflit libyen, les accords d’Alger et l’«initiative» du royaume pour désenclaver les pays du Sahel.
Quelques mots à ces sujets.
Le gazoduc Nigeria-Europe : aucun analyste sérieux ne considère crédible l’«alternative» marocaine, dont le tracé passe par treize pays, parmi lesquels le Sahara Occidental, un territoire occupé illégalement par le Maroc, multipliant ainsi les risques politiques par treize et dont la distance, le délai de construction et le coût représentent le double de celui traversant uniquement le Niger, d’autant que l’Algérie dispose déjà des infrastructures et de la technologie gazières.
Le conflit libyen : la médiation du Maroc est poussée et soutenue par la France, principal acteur du désastre dans le pays et dans la région. Est-il besoin d’en rajouter davantage ?
Les accords d’Alger : tout d’abord, il convient de rappeler que, sans ces derniers, les parties au conflit ne se seraient pas réunies autour d’une table pour discuter des solutions de paix au Mali. Et, a contrario, une annulation de ces accords enverrait un très mauvais signal aux cobelligérants qui reprendraient dès lors les armes. La diplomatie algérienne a déployé toute son énergie et toute son expérience pour réaliser ce qui ne peut être qualifié que d’exploit dans le contexte extrêmement difficile caractérisant le conflit.
En ce qui concerne la proposition «alternative» de médiation marocaine, comment un pays qui n’a pas non seulement connu les mêmes luttes contre le terrorisme mais a créé des groupes sévissant dans la région (1), comment un tel Etat peut-il prétendre apporter des solutions, d’autant que, de notoriété publique, il est par ailleurs l’un des plus grands exportateurs de drogue au monde, ce fléau alimentant et finançant ces mêmes réseaux terroristes ?
Mais laissons là le Maroc. Il n’est qu’un sous-traitant dans ces affaires. Il n’a, en effet, ni les moyens matériels et technologiques ni les capacités financières pour jouer un quelconque rôle en toute autonomie. Qu’en est-il donc, en réalité ?
Ce qui se joue dans notre région sahélienne, comme du reste dans tout le continent et partout ailleurs, en Ukraine, en Palestine, à Taïwan, etc., n’est autre que la guerre que se livrent l’ancien monde, représenté par les Etats-Unis et leurs satellites – OTAN, UE, Israël, etc. – et le nouvel ordre mondial tiré par la Chine, la Russie, l’Iran, l’Algérie, etc. N’est-il pas curieux que ces points de tension – Ukraine, Palestine, Niger, Mali –, outre leur importance pour le transport énergétique, soient des territoires par lesquelles transite le projet «de ceinture et de route» ?
Notre pays, bien loin des discours convenus de partenariat et d’intérêts communs, est un ennemi déclaré de l’axe atlantiste. C’est pourquoi toutes ses propositions et médiations seront combattues avec la dernière lâcheté et toute la sournoiserie dont sont capables les impérialistes.
Dans cette lutte pour l’avènement de ce monde auquel nous aspirons et qui vise à instaurer la moralité, la justice dans les relations internationales, l’Algérie n’a pas fait mystère de sa position et l’a fait savoir au monde. Au Mali et autres pays du Sahel de choisir leur camp.