Sur ces 232 plaintes 28 ont fait l’objet de jugement et 14 procédures sont devant les magistrats instructeurs. Les autres ont été classées dans le cadre de la médiation pénale. L’information a été donnée par le procureur de cette juridiction, Dr Adama Coulibaly, au cours d’une rencontre hier avec la presse
Quelques heures seulement après son investiture solennelle, le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, Dr Adama Coulibaly, a animé, hier, une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé que de juin 2023 à nos jours, sa juridiction a reçu 232 plaintes sur lesquelles 28 ont fait l’objet de jugement et 14 procédures sont devant les magistrats instructeurs. «Notre saisine n’est pas liée forcément à la présentation d’une plainte. Il suffit qu’il ait une infraction à la loi pour que nous poursuivions», a expliqué le parquetier.
Sur ces 232 procédures, Dr Adama Coulibaly a fait savoir que le Pôle en a classé beaucoup dans le cadre de la médiation pénale. «Il y a des poursuites sans que des mesures de contrainte qu’on appelle communément les mandats de dépôt ne soient décernés», a indiqué le procureur anti-cybercriminalité. Étayant ses propos, il ajoutera que les 28 procédures jugées n’ont pas fait l’objet de mandat de dépôt.
«La particularité est que nous sommes dans un secteur à fort résonnance. Nous sommes avec les professionnels des médias, des activistes, des influenceurs, des chanteurs, des comédiens, des leaders d’opinion dont les activités sont visibles. Ce qui fait que par ricochet chaque fois que nous posons un acte, il est médiatisé», a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Je comprends que la liberté est la chose la plus précieuse, mais force doit rester à la loi.»
Parlant de l’indépendance, Dr Adama Coulibaly a souligné que l’autorité qui est exercée sur le procureur se fait dans le cadre de la légalité. Selon lui, la loi dit qu’on ne peut donner l’ordre de non poursuite à un procureur.
«Si j’estime qu’il faut poursuivre quelqu’un, ni mon chef direct qui est le procureur général, ni le ministre de la Justice, Garde des sceaux, ne doit pouvoir me dire de ne pas poursuivre. Par contre, on peut me demander d’ouvrir des procédures», a indiqué le procureur. «À l’audience, je me lève et je requiers pour ce que je pense être le droit en âme et conscience indépendamment de l’ordre écrit qui m’a été donné», a-t-il renchéri.
Dr Adama Coulibaly a signalé qu’un procureur ne peut pas mettre quelqu’un sous contrôle judiciaire. Pour lui, conformément à la loi 0046 du 7 juillet 2000, il n’est pas nécessaire de nommer la personne en cas d’atteinte à l’honneur et à la dignité si les indications peuvent permettre de savoir de qui vous parlez, même si vous dites de manière dubitative. Idem si vous tenez des propos susceptibles de troubler l’ordre public.
Selon le conférencier, le champ d’intervention du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité ne se limite pas à la mise en œuvre de la loi de 2019 portant sur la cybercriminalité. Il dira que la loi qui règlemente le régime de presse et le délit de presse, la loi sur les données à caractère personnel ainsi que les lois relatives aux échanges et services électroniques et aux modalités, moyens et système de cryptologie peuvent faire intervenir sa juridiction. S’y ajoutent une ordonnance de 2011 sur l’AMRTP, la loi domaniale et foncière, la loi électorale et le code minier en cas de cybercriminalité.
Le procureur anti-cybercriminalité a, par ailleurs, indiqué que les poursuites peuvent se faire sur la base de dénonciations, des plaintes, d’exploitation des rapports de certaines autorités administratives indépendantes. «Nous pouvons nous autosaisir non seulement sur la base de l’exploitation de ces rapports mais de tout autre fait qui va être porté à notre connaissance et qui serait contraire à la légalité», a fait savoir Dr Adama Coulibaly.
Pour le procureur, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité est appuyé dans sa dimension parquet par une Brigade spécialisée de lutte contre la cybercriminalité. Le conférencier dira également qu’il s’agit d’une juridiction à compétence non seulement exclusive mais également transnationale. En premier ressort, aucune autre juridiction de droit commun ni aucune autre juridiction spécialisée ne doit prendre les procédures en lien avec la cybercriminalité.
«Même les infractions connexes aux infractions cybercriminelles rentrent de facto dans notre champ de compétence», a expliqué le parquetier. Et de poursuivre : «Personne n’est empêchée de s’exprimer mais seulement à condition de ne pas porter atteinte à l’honneur et à la dignité d’autrui.» Dr Adama Coulibaly a aussi expliqué que les infractions en rapport avec la cybercriminalité sont continues. C’est à dire qu’il n’y a pas de prescription en la matière.