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Général Moussa Traoré : Que peut-on retenir de ce grand homme d’Etat ? (2ème partie)
Publié le lundi 15 janvier 2024  |  le sursaut
L`ancien
© Autre presse par DR
L`ancien président de la République du Mali, Moussa Traoré
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Qui est, réellement, Moussa Traoré ? Comment est-il arrivé au pouvoir ? Comment a-t-il exercé le pouvoir ? Comment a-t-il quitté le pouvoir ? Quel héritage a-t-il laissé aux Maliens ? Dans le but de répondre à ces cinq questions, Dr Choguel Kokalla Maïga et Pr Issiaka Ahmadou Singaré dans leur énième coproduction ont mis sur le marché un livre de trois cent pages, intitulé ‘’Hommage au Général d’armée Moussa Traoré, Secrétaire général de l’Union Démocratique du Peuple Malien ’’, dont le lancement a eu à la Maison de la Presse. Nous vous livrons dans la présente parution la deuxième partie de notre grille de lecture de cet ouvrage consacrée à l’exercice du pouvoir par le Général Moussa Traoré.

La gestion du pouvoir par Moussa Traoré est caractérisée par : une reprise immédiate des affaires de l’Etat, la mise en place de nouvelles institutions, la nécessité de se garder contre des actions déstabilisatrices, le retour à la vie constitutionnelle normale, les activités de développement.

Immédiatement après le 19 novembre 1968

Après le départ de Modibo Keïta de la Permanence du Parti, les nouveaux maîtres du pays s’organisent au sein du Comité Militaire De Libération Nationale (CMLN). Le noyau en est constitué par les huit officiers, acteurs du renversement du régime ; les trois qui en ont eu l’idée : Moussa Traoré, Youssouf Traoré et Kissima Doukara ; les cinq qui ont sélectionnés par Moussa Traoré : Filifing Sissoko, Amadou Baba Diarra, Tiékoro bagayogo, Joseph Mara, Missa Koné. Les membres du CMLN seront portés à quatorze avec la cooptation de quatre capitaines : Charles Samba Sissoko, Mamadou Sissoko, Yoro Diakité, Malick Diallo ; de deux lieutenants : Karim Dembélé et Mamadou Sanogo. Moussa Traoré est président du CMLN, Yoro Diakité, vice-président.

Le jeudi 21 novembre 1968, a lieu, la première rencontre entre le CMLN et les chefs des services centraux : rencontre des plus brèves, à peine 5 minutes, pour faire comprendre à ceux-ci : le travail reprendra demain ; ce qui fut tait, sans réticence aucune. Un premier gouvernement est mis sur pied, il est présidé par le capitaine Yoro Diakité. Dans le courant du mois de juillet 1969, une conférence des cadres est convoquée, cadres civils comme militaires. Le socialisme n’est pas remis en question, mais l’option, désormais, est la création d’un Etat de démocratie nationale. Les Sociétés et Entreprises d’Etat (SEE), considérées comme des « acquis du peuple », sont préservées.

La gestion du pouvoir par le CMLN s’est faite sur fond de crises que l’instance dirigeate parvient toujours à juguler. Ces crises résultent d’oppositions, tant au sein du CMLN qu’hors du CMLN.

Le CMLN connaîtra trois crises en son sein : celle qui s’est conclue par l’arrestation de Yoro Diakité et de Malick Diallo, celle qui s’est conclue par l’arrestation de Kissima Doukara, Tiékoro Bagayogo, Karim Dembélé, Joseph Mara, Charles Samba Sissoko, enfin, celle qui s’est terminée par la démission de Youssouf Traoré. Hors du CMLN, les groupes qui ont manifesté leur hostilité à son égard sont : des sous-officiers du camp des parachutistes de Djikoroni, des responsables de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali, des cadres de l’administration publique, des enseignants, les élèves et étudiants regroupées au sein de l’UNEEM (Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali).

Il est à noter toutefois qu’aucune de ces crises n’avaient, comme cause, la lutte pour instaurer la démocratie. Les militaires se sont manifestés, soit pour renverser le CMLN, soit pour mettre fin au leadership de Moussa Traoré. Les étudiants, contrairement à l’idée selon laquelle l’école était devenue un champ de bataille pour l’instauration de la démocratie, se sont manifestés pour :

– s’opposer à l’institution d’un concours pour accéder aux Grandes Ecoles de l’enseignement supérieur,

– s’opposer à l’institution du concours direct d’accès à la Fonction Publique,

– demander la fin de l’exclusion des filles-mères des classes de l’école fondamentale et de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel en même temps que la réintégration de celles qui ont déjà été l’objet d’une telle mesure,

– demander l’ouverture des cantines scolaires dans certains lycées régionaux.

Quant aux cadres et aux enseignants, leur opposition a, comme objet, le départ des militaires du pouvoir sans pour autant préciser ce qu’il faudra faire par la suite. Peut-être l’intention était le rétablissement du régime défunt. Mais, ce régime n’avait rien de démocratique comme l’a prouvé l’immense enthousiasme suscité par sa chute.

Le retour à la vie constitutionnelle normale

Le CMLN s’est donné, au départ, six mois pour restaurer l’économie, assainir les finances publiques, réussir la réconciliation nationale. A l’épreuve du pouvoir, cela s’est révélé impossible. La conférence des cadres de juillet 1969 a permis de se rendre compte combien la fracture entre Maliens est profonde. Durant ces assises, l’US-RDA a étale ses divisions entre ses cadres avant de se retrouvée face aux diatribes des militants du PSP dissous. Dans ces conditions, organiser des élections pour un retour à la vis constitutionnelle normale équivaudrait, de la part de l’armée, à restituer le pouvoir aux civils en ayant, au préalable, créé les conditions pour déclencher un autre coup d’Etat.

Le retour à la vis constitutionnelle normale va se faire par étapes. Un projet de constitution est rédigé. Soumis à l’examen du CMLN, il est amendé. Une campagne référendaire mobilise les membres du CMLN qui sillonnent le pays pour l’expliquer aux populations et les inviter à votre « oui » en faveur de son adoption. Le vote a lieu et le projet est adopté. Le texte de na nouvelle constitution retient, dans ses dispositions transitoires, la conduite des affaires de l’Etat par le CMLN sur une période de dix ans. Il est promulgué le 2 juin 1974.

La période des dix ans est mise à profit pour créer du nouveau parti politique, un parti unique et constitutionnel. La création de nouveau regroupement s’effectue par étapes : sa création est annoncée le…., la mise en place des cellules de bases, annoncée le… est effective le… Le congrès constitutif est convoqué et siège du.. au … mars 1979. A l’issue des travaux, l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM) est portée sur les fonts baptismaux. Un Conseil National est désigné pour en assurer la direction entre deux congrès. Un Bureau Exécutif Central (BEC) est élu ; Moussa Traoré en est le Secrétaire Général. Ce poste le retient comme candidat du parti à la future élection présidentielle qu’il remporte en 1979.

La création du parti est précédée de la création de deux mouvements qui lui seront, ultérieurement, affiliés : l’Union Nationale Des femmes du Mali (UNFM) et l’Union Nationale des Jeunes du Mali (UNJM).

La rupture dans la continuité

Il existe une différence fondamentale entre la manière dont Moussa Traoré s’est occupé des affaires de l’Etat et celle dont ses successeurs se sont occupé des mêmes affaires. Son jeune âge, en 1968, ne l’a pas empêché de savoir que : l’Etat est une continuité. Accédant au pouvoir, il supprime tout ce qui s’oppose aux libertés individuelles : la Milice, l’obligation de militer dans un parti politique, d’en posséder la carte, de participer aux réunion, de mettre en valeur un champ collectif, d’obtenir la permission de sa section politique pour un déplacement hors du pays, d’être détenteur d’un avis de mouvement pour faire circuler les céréales d’une localité à une autre quelle que soit la distance, liberté de pratiquer son culte comme l’on veut où l’on veut…

Certes, il a hérité d’un « Mali bloqué », pour reprendre l’expression de Cheick Oumar Diarrah, auteur du livre Le Mali de Modibo Keïta. Mais, il a compris que dans toute œuvre politique, tout bilan, il existe du positif comme du négatif. Il a rejeté le négatif pour privilégier le positif en choisissant de le consolider pour poursuivre l’œuvre de construction nationale. Voilà la raison pour laquelle il se rapproche davantage de Modibo Keïta que ceux qui, aujourd’hui, se réclament de Modibo Keïta après l’avoir combattu quand il était au pouvoir.

Actuellement, Modibo Keïta est constamment cité comme référence. Père de l’indépendance nationale, il aurait engagé le Mali dans la voie du développement avant que Moussa Traoré ne vienne plonger le Mali dans la calamité. Pourtant, une seconde certitude, Modibo Keïta reviendrait aujourd’hui parmi nous qu’il serait plus fier de Moussa Traoré que des acteurs du 26 mars 1991. Qu’on y regarde de près et l’on comprendra ce qui justifie cette assertion.

Reçu à l’Elysée en septembre 1960, il parle d’égal à égal à Charles de Gaulle, lui reprochant le rôle joué par la France dans l’éclatement de la Fédération du Mali. De même, Moussa Traoré, participant au sommet de La Baule ne peut concevoir que François Mitterrand s’adresse aux chefs d’Etat et de gouvernement africains sur le ton de l’injonction. Point par point, il donne la réplique à celui qu’il considère, non comme un Manitou, mais comme un homologue. Leurs successeurs, du 26 mars 1991 au 24 mai 2021, se sont pliés à tous les diktats des gouvernements français se faisant un titre de gloire d’avoir reçu l’accolade et des tapes « amicales » sur l’épaule de la part des chefs d’Etat français.

Au nom de l’indépendance authentique, de la souveraineté nationale, de l’honneur de l’Armée nationale, Modibo Keïta a demandé à la France d’évacuer les bases militaires qu’elle occupait sur le territoire malien. Fidèle à cet idéal de liberté et de dignité, Moussa Traoré s’est refusé à une réinstallation de ces bases sur notre territoire. Modibo Keïta a chassé les Français, Moussa Traoré les a tenus à distance. Leurs successeurs ont rappelé l’armée française. Ils se sont montrés dociles ayant choisi la docilité, la soumission à l’égard de Paris. Il ne saurait en être autrement si l’on sait que chacun d’eux a été porté à la magistrature suprême après avoir subi l’onction et l’adoubement de Paris.

Modibo Keïta a considéré que la sécurité d’un Etat est sujet suffisamment sérieux pour être confiée à l’étranger. Avec le concours du général Abdoulaye Soumaré, il a créé une armée nationale qu’il a voulu, non coupée du peuple, mais agissant de concert avec le peuple pour l’exécution des actions de développement en temps de paix : une armée populaire. Lui succédant, Moussa Traoré a donné à cette armée ses lettres de noblesse : il l’a structurée, équipée, a accordé au recrutement et à la formation toute l’attention requise. Grâce à la puissance de feu dont il l’[1]a dotée, cette armée a permis de garantir l’intégrité du territoire nationale, la sécurité des Maliennes et des Maliens ainsi que de leurs biens. Ni le village de Jalan, dans le Ouassoulou, ni la bande de l’Agacher, ni l’Adrar des Ifoghas ne furent détachés de la République du Mali. La Grande Armée malienne de Modibo Keïta et de Moussa Traoré a été méthodiquement émasculée par leurs successeurs sur injonction de la France. La conséquence : en janvier 2012, 500 apatrides venus de Libye font le coup de feu dans l’extrême nord du pays et la République s’effondre, perd plus des 2/3 de sa superficie.

Modibo Keïta a procédé à une réforme de l’enseignement au Mali. L’intention est de rompre avec l’enseignement de type colonial. Il en a commencé la mise en œuvre avec la création de l’Ecole fondamentale, la transformation des collèges en lycées, l’ouverture de nouvelles structures de formation, l’ouverture de la première structure d’enseignement supérieur. Lui succédant, Moussa Traoré a consolidé son œuvre. Il a corrigé les insuffisances dues à une mise en œuvre effectuée dans la précipitation, restructuré les écoles de formation de maîtres, restructuré l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, parachevé la création de l’enseignement supérieur, crée l’enseignement post-universitaire. Ses successeurs, parmi lesquels un enseignement, se sont comportés vis-à-vis de l’enseignement au Mali tels des éléphants dans une boutique de porcelaines : ils ont tout cassé et se sont révélés, malgré les multiples expériences tentées, financées à coup de milliards par ceux qu’ils nomment les PTF, véritables carpetbaggers des temps modernes.

Enfin, il est de notoriété publique que : sous Modibo Keïta, on avait honte de voler, sous Moussa Traoré, on avait peur de voler, sous les présidents démocratiquement élus, ne pas voler, ne pas détourner les deniers de l’Etat est un délit. N’est-ce pas eux qu’ont fait leur apparition les « fonctionnaires milliardaires ». L’on est allé jusqu’à modifier la législation relative à la passation des marchés publics pour légaliser la délinquance financière. Tout ce qui précède procède de faits vérifiables. A suivre.

Diaoulen Karamoko Diarra


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