Après le show des révélations et récriminations de la ministre Camara et de ses rabatteurs attitrés sur la gestion du secteur énergétique, la justice est passée à l’acte, la semaine dernière, dans le sens des griefs soulevés par la successeur Lamine Seydou Traoré. En dépit d’une démission bien antérieure au déclenchement du pseudo - scandale, l’ancien ministre n’est visiblement pas été épargné par la salve d’arrestations intervenue au Pôle économique et financier. Il est la figure la plus influente d’une bonne brochette de hauts responsables retenus dans les locaux de ladite structure pour des faits de faux et usage et d’atteinte aux biens publics. Sont également concernés, en outre, l’ancienne DG qu’on lui avait imposé et viré par l’actuelle ministre, Koureichi Konaré, ainsi que plusieurs autres de ses anciens collaborateurs d’EDM dont la secrétaire générale ou encore les responsables de la passation des marchés et du département juridique. La vague a également drainé dans son sillage l’ancienne cheffe du Bureau des Produits Pétroliers alors que certains acteurs apparaissent encore comme des miraculés de l’épisode.
La plupart de ces personnalités étaient censées connaître leur sort 48 heures après leurs auditions respectives, avant que le dossier ne connaisse un nouveau rebondissement avec l’interpellation de Lamine Seydou Traoré. De source bien introduite, c’est la comparution de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, sur déposition de l’ancien DG Konaré, qui est à l’origine d’une prolongation des gardes à vue et du suspense sur le sort des personnes entendues. Tous rongent en définitive leurs ongles dans l’expectative de l’ampleur que la justice va donner au dossier. Ils partagent ainsi la crainte d’écoper d’un éventuel mandat de dépôt encore suspendu sur les têtes.
Les personnes interpellées ne partagent pas les mêmes motifs d’un séjour si exceptionnel dans les locaux du Pôle national. Et pour cause : il serait question selon toute vraisemblance de deux dossiers distincts que sont la commande des groupes électrogènes et la sulfureuse affaire des hydrocarbures. Le premier a trait à un marché de 27 groupes électrogènes pour l’acquisition desquels Koulouba avait partiellement mis la main à la poche en vue de s’éviter une grogne populaire imputable aux délestages en période de pointe de l’année en cours. Sauf que lesdits engins, pour lesquels le fournisseur n’a été réglé que pour 2 milliards environ sur un total de 6 milliards, seront réduits à l’état d’épaves aux premiers essais de la première tranche réceptionnée. Et pour cause, la capacité de 13 des groupes s’est révélée en deçà de la puissance nécessaire pour résister à la charge du réseau. Une anomalie que le fournisseur, selon nos recoupements, n’a pas daigné méconnaître et qu’il aurait même assumé en échangeant les groupes endommagés contre une nouvelle livraison plus conforme aux besoins. Lesdites livraisons seraient déjà effectives, confient nos sources, mais les principaux responsables de la commande devaient néanmoins répondre devant les limiers, probablement pour plusieurs irrégularités ayant émaillé la procédure d’attribution du marché. On parle notamment de manquement aux spécifications techniques, d’attribution par entente directe implication du Conseil d’administration, etc.
Quant au dossier d’hydrocarbures, le Pôle économique est apparemment en train d’en connaître sans les principaux acteurs initialement pointés du doigt par la ministre. Au lieu des agents d’EDM calomniés dans les réseaux sociaux comme des voleurs de carburants, le dossier connaît plutôt une dimension douanière avec l’audition et la détention de l’ancienne responsable du Bureau des Produits Pétroliers. Il lui serait reproché, à en croire nos confidences, d’avoir manqué d’assurer l’escorte de certains camions-citernes destinés aux centrales d’EDM. Or les travailleurs de la Douane s’insurgent contre un tel alibi, selon les mêmes confidences, en brandissant les règlements en vigueur selon lesquels aucune obligation n’est faite à la Douane d’escorter les cargaisons scellées. Tout semble indiquer, en définitive, que la rocambolesque affaire des 59 citernes ne repose sur aucun élément matériel autre que les présomptions d’utilisation frauduleuse d’exos avec le label EDM-SA. Sur la question, le ministre de la justice, en tant que premier parquetier, est monté au créneau pour sauver la face de sa collègue de l’Energie, en réduisant le scandale du carburant à un défaut de régularisation en lieu et place du vol massif de carburant initialement vendu au public sur le dos des travailleurs.
Quoi qu’il en soit, le rebondissement du dossier par des relents douaniers ne lui confère pas plus de substance, mais il parait évident que cela ne suffise pas pour que les autorités arrêtent de surfer sur les facteurs superficiels de la crise énergétique, pour autant qu’ils servent à masquer les camouflets, les incompétences ainsi que la disette de recettes adéquates face à l’équation. Une salve d’arrestations ne peut que détourner temporairement les regards de l’implacable réalité.