Le gouvernement de transition a entamé des démarches judiciaires pour démanteler un réseau de corruption au sein du fournisseur public d’électricité Energie du Mali.
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.
La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite.
Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente.
Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr.
En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ».
Les passionnés de football au Mali retiennent leur souffle. Les Aigles, qualifiés pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui a débuté samedi 13 janvier en Côte d’Ivoire, entreront dans la compétition mardi 16 janvier face aux Bafana Bafana sud-africains. Mais la retransmission de la rencontre pourrait pâtir des incessantes coupures de courant qui touchent les grandes villes du pays. Un cauchemar pour les supporteurs qui reprochent à Energie du Mali (EDM), le fournisseur public d’électricité, de ne pas faire assez pour endiguer les délestages. « J’espère qu’EDM a le calendrier des Aigles à la CAN. Je l’espère vraiment… », ironise Abdoul M. sur X (ex-Twitter).
A Bamako, la capitale malienne, « les coupures de courant peuvent durer 5-6 heures, parfois même 10 ! Si on a de la lumière la nuit, on n’en a pas la journée et vice-versa », détaille un entrepreneur de 31 ans. Aucun secteur, aucun quartier n’est épargné, au point qu’EDM est surnommée « Energie du mal ». « Même les couches les plus aisées munies de groupes électrogènes ne s’en sortent pas », observe encore Abdoul Wahab Diakité, président de l’Association libre des consommateurs maliens.
L’exaspération est telle que le président par intérim, le colonel Assimi Goïta, a assuré dans son discours à la nation prononcé la veille du Nouvel An que « les autorités de la transition ont initié des actions » pour endiguer les coupures de courant, regrettant une situation « consécutive à plusieurs années de mauvaise gestion ». Dans la foulée, des poursuites judiciaires ont été engagées contre plusieurs anciens responsables d’EDM.
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.
La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite.
Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente.
Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr.
En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ».
Mercredi 10 janvier, une dizaine de cadres et d’anciens collaborateurs de l’entreprise publique, suspectés de « faux et usage de faux » et « d’atteinte aux biens publics », ont été placés en garde à vue. L’ancien ministre de l’énergie Lamine Seydou Traoré – poussé à la démission en mai 2023 après des manifestations contre l’ampleur des délestages – et un ancien directeur général ont également été convoqués par la brigade du pôle national économique et financier.
Une dette colossale
Mais le problème n’est pas récent. En difficulté à cause d’une demande en électricité en constante hausse, EDM souffre de sa dépendance croissante aux énergies fossiles. Le réseau malien a longtemps reposé sur l’électricité issue des barrages et des centrales hydrauliques, mais, faute d’investissements, il tourne aujourd’hui majoritairement avec des unités thermiques vétustes. Des infrastructures dont l’alimentation en hydrocarbures a été mise à mal par l’envolée des prix du pétrole dans le sillage de l’invasion russe en Ukraine.
Fin octobre, la ministre de l’énergie et de l’eau Bintou Camara a dénoncé à la télévision nationale « un trafic » de citernes en provenance des centrales fonctionnant au gasoil. Le carburant détourné serait revendu à des stations-service et des entreprises. « Les détournements sont gigantesques. De hauts cadres d’EDM ainsi que des employés subalternes, comme les chauffeurs de citernes, sont impliqués, confirme Omar Témé, porte-parole de l’Association malienne de lutte contre la corruption et la délinquance financière (AMLCDF), qui a enquêté sur le sujet. Les services de l’Etat sont les principaux lieux de la corruption depuis les années 1990. Les militaires au pouvoir font ce qu’ils peuvent pour mettre un terme à ces pratiques mafieuses. »
Selon un rapport du Bureau du vérificateur général (BVG) publié en juillet 2023, des « irrégularités » existaient déjà entre 2019 et 2022 au sein de la gestion administrative de la société, détenue à 100 % par l’Etat. Notamment « une absence de contrôle au niveau de la gouvernance du conseil d’administration, l’absence de critère quant au choix des administrateurs et un faible encadrement des indemnités de fonctions ». Selon RFI, « les factures non justifiées, dites “supplémentaires”, d’EDM se seraient élevées à 18 milliards de francs CFA » en 2022.
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.
La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite.
Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente.
Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr.
En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ».
La dette de l’entreprise publique avoisinerait aujourd’hui les 600 milliards de francs CFA (quelque 915 millions d’euros). A cause de l’augmentation des coûts de production du thermique, la société vend aujourd’hui son électricité à perte pour ne pas impacter les ménages maliens. Avec, en moyenne, un déficit de 50 francs CFA par kilowatt vendu, elle se retrouve dans une situation financière désastreuse et ne peut plus payer ses fournisseurs.
Se tourner vers l’hydraulique et le photovoltaïque
A l’instar de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) à qui EDM devait « 170 milliards de francs CFA » en novembre 2022, d’après les déclarations de Patrice Achi, alors premier ministre de la Côte d’Ivoire. A cause de ces impayés, la CIE, qui livrait 100 mégawatts au Mali dans le cadre d’un accord d’interconnexion électrique entre les deux pays, a réduit, depuis décembre 2023, ses approvisionnements de 70 %. Aggravant encore les délestages.
Pour améliorer la situation financière de la compagnie d’électricité et éviter une augmentation des tarifs, l’Etat a adopté des mesures telles que « l’annulation d’une partie de la dette fiscale à hauteur de 24 milliards de francs CFA et l’apurement de la créance d’EDM vis-à-vis [du groupe burkinabé Sopam Energie], pour un montant de 21 milliards de francs CFA », souligne le rapport du BVG. Des mesures qui n’ont toujours pas porté leurs fruits.
A terme, les autorités de la transition espèrent sortir de la crise en se tournant vers l’hydraulique et le photovoltaïque, encore sous-exploités. Des projets sont à l’étude avec des partenaires russes, a affirmé la ministre de l’énergie, Bintou Camara. Par ailleurs, le Mali et l’agence russe de l’énergie atomique Rosatom ont signé, en octobre 2023, un protocole d’accord pour une collaboration dans le domaine de l’énergie nucléaire.