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Enrichissement illicite au sein de l’Administration Publique : Comment les Agents de l’Etat et des collectivités font-ils pour voler et dissimuler l’argent du peuple ?
Publié le mercredi 17 janvier 2024  |  Nouveau Reveil
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© aBamako.com par FS
Table ronde sur l`accès des victimes à la justice organisée par Freedom House
Freedom House a organisé une table ronde sur l`accès des victimes à la justice le 24 Décembre 2015 à l`INRSP). Photo Moumouni GUINDO
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L’enrichissement illicite est un fléau qui gangrène l’Administration publique au Mali. Il semble être systémique puisqu’il touche tous les démembrements du service public. Les agents publics et les usagers s’accusent mutuellement d’être à la base de ce fléau. Comment ces agents font-ils pour voler et dissimuler l’argent du contribuable ?

Nul n’ignore que le phénomène de l’enrichissement illicite des agents publics au Mali a atteint un niveau qui dépasse l’entendement. L’amplitude du fléau a été démontrée par les rapports élaborés par l’OCLEI (Office central de lutte contre l’enrichissement illicite).

Ainsi, de 2017 à 2021, l’OCLEI a procédé à des investigations sur l’ensemble des dossiers issus de dénonciations, d’auto-saisine et d’exploitation des rapports. La valeur totale des biens (maisons d’habitation, parcelles, entrées sur les comptes bancaires, etc.) s’élève à 6 775 762 641 FCFA. En sus, il ressort de l’analyse des rapports provenant des services de contrôle et de vérification notamment le BVG (Bureau du Vérificateur Général) et certaines inspections des départements ministériels des irrégularités financières d’un montant de 307 921 736 714 F CFA, d’une part et d’autre part, des transactions en espèces déclarées à la CENTIF (Cellule national de traitement des informations financières) pour un montant de 22 468 000 000 F CFA.

Par ailleurs, selon le rapport 2021 de Tranparency International sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC), le Mali est 136ème sur 180 pays au plan mondial, 33ème sur 54 pays en Afrique et avant dernier dans la zone UEMOA après la Guinée Bissau.

Autrement dit, le Mali se classe comme deuxième pays de l’espace UEMOA dans lequel l’enrichissement est monnaie courante. Les moyens et techniques d’enrichissement illicite au Mali sont presque connus de tous. Malgré cela et pour être sûr, l’organe chargé de lutter contre le phénomène a mené une étude sur la question. Les résultats de cette étude se trouvent dans un rapport de 2021. Dans ce rapport sont dévoilées les techniques de vol des fonds publics ainsi que les manœuvres utilisées pour les dissimuler.

Des techniques de vol diverses pour s’enrichir illicitement au détriment de l’Etat

Par « techniques », il faut entendre les pratiques au moyen desquelles des agents publics s’enrichissent illégalement au détriment de l’Etat. Il s’agit des pratiques corruptives et d’autres procédés au sein de l’Administration publique. Ce sont les pratiques corruptives ; la lenteur procédurière et la création de file d’attente ; le Dédoublement de l’administration publique ; la Prise illégale d’intérêt ; la Surfacturation ; la Fraude (en matière des examens et concours, fiscale, douanière, électorale, informatique, etc.) ; les Atteintes aux biens publics ; le Faux et usage de faux ; le Délit d’initié ; l’Usurpation de titre ou de fonction ; l’Octroi d’avantages sans base légale.

Quand le rapport parle de Pratiques corruptives, il s’agit des pratiques des Pots-de-vin qui se réalisent à travers la Rétrocession illicite, le Paiement de facilitation (pour diligence), la Mauvaise prise en charge de l’usager pour l’amener à payer pour un service public gratuit ; l’Accès à certains lieux ou autorités publics contre paiement d’une somme d’argent ; le Paiement d’une somme d’argent par les détenus pour accéder à une chambre de détention plus confortable.

Comme pratiques corruptives citées dans le rapport, il y a la Commission illicite (Acceptation d’argent par un agent pour influencer l’attribution d’une commande publique) ; la Fixation d’un pourcentage du montant du marché à payer ; Acceptation de fausses déclarations (impôts, douane) ; la Gratification illégale ; la Concussion/Rétribution indue de service ; le Trafic d’influence (Utilisation de la position d’élus politiques pour démarcher les services de l’Etat en vue de bénéficier des marchés publics) ; l’Usage de l’influence par les autorités publiques pour l’obtention des marchés, le recrutement du personnel, l’acceptation de dossiers irréguliers de candidature aux postes électifs, le détournement de suffrages; l’Abus d’autorité ou de pouvoir.

D’autres pratiques corruptives sont également annoncées dans le rapport telles que le Favoritisme (Fractionnement des marchés ; Attribution illégale de marchés de gré à gré ; Octroi de promotion à un agent ne remplissant pas les critères ; Agents publics dirigeant des Associations/ONG/fondations à travers leurs proches pour leur octroyer des marchés et ainsi bénéficier des avantages de ces structures sous forme de revenus additionnels non déclarés ; Accord entre les membres de la commission d’appel d’offres pour favoriser une entreprise afin qu’elle soit attributaire du marché public) ; l’Extorsion/Racket/Chantage ; la Distorsion dans l’attribution et l’exécution des marchés publics et délégations de service public (en matière de passation de marché public, d’exécution des marchés publics, etc.) ; Fixation des critères sélectifs dans les DAO (compétences et capacités techniques, capacités financières, etc.) ; l’Acceptation de faux documents qui permettent l’élimination subjective dès l’entrée en jeu ; l’Utilisation des systèmes de pondération ciblée sans possibilité de recours ; Une seule entreprise postule sous différents noms afin d’être bénéficiaire d’un marché public; l’Augmentation indue des quantités commandées par rapport au besoin réel ; Etablissement de faux attachements et de faux certificats de paiement ; la Multiplication des avenants aux marchés ; Etablissement de faux bordereaux de livraison et de procès-verbal de réception.

Les autres techniques de vol comme la fraude, l’Atteintes aux biens publics et le Faux et usage de faux se manifestent à travers plusieurs faits. La fraude est perceptible en matière des examens et concours, fiscale, douanière, électorale, informatique, etc.

En d’autres termes, il s’agit de la Vente des sujets ou laisser les candidats tricher lors des examens et concours contre le paiement d’argent, du Redressement des contribuables puis négociation en faveur de ces derniers avec paiement de pots-de-vin aux agents publics, de la Minoration des droits à payer. Il y a aussi la Fraude en faveur de partis politiques ou des candidats par les personnes chargées de l’organisation, de la supervision et du contrôle des élections moyennant le paiement des pots-de-vin ou autres avantages ; et celle relative à la Modification, suppression, altération des données informatiques dans le cadre des malversations diverses.

Quant aux Atteintes aux biens publics, elles sont relatives au Règlement des prestations non effectuées par les entreprises et les fournisseurs ; à la Réutilisation des documents d’achats (double emploi) ; au Détournement de certaines valeurs : tickets, carburant ; au Détournement par la non récupération des avances accordées aux fournisseurs ; à la Soustraction de biens du patrimoine de l’entreprise, sortie d’articles en stocks ; à la Dépréciation des stocks ; à l’Existence d’agents fictifs émargeant sur les états de salaire ; au Détournement de recettes publiques (droits et taxes) ; au Détournement par le biais des caisses d’avances ; à la Signature d’accord d’établissement ou autres documents au niveau de certains services publics afin de rendre légal des avantages indus.

En ce qui concerne le Faux et usage de faux, il se manifeste à travers l’Acceptation des élèves ayant épuisé leur cycle scolaire depuis des années comme candidats réguliers ; la Falsification de documents financiers (mandats, chèques) ; l’Établissement de fausses signatures, de faux diplômes et de faux documents d’état civil et d’identification, de faux quitus fiscaux, de faux cadastres, de fausse attestation bancaire et caution sur marchés, de faux Curriculum vitae, de fausses capacités techniques, de faux procès-verbaux, de faux bordereaux de livraison, etc. ; Imitation de signatures ; les Fausses écritures destinées à couvrir un détournement .

D’autres techniques de vol viennent compléter la liste rendue publique par l’OCLEI. Ce sont la Lenteur procédurière et la création de file d’attente ; le Dédoublement de l’administration publique ; la Prise illégale d’intérêt ; et la Surfacturation (facturation abusive) : Augmentation frauduleuse des prix des matières ou des services lors de la commande publique.

Des manœuvres ingénieuses utilisées pour dissimuler les fonds volés

La dissimulation des fonds dans le cadre de la présente étude consiste en l’utilisation de moyens pour les soustraire à la connaissance ou à la vue du public. C’est une action importante pour les agents publics concernés afin d’être à l’abri de tout soupçon.

Les fonds issus de ces pratiques sont dissimulés le plus souvent dans l’investissement immobilier, mobilier, les métaux précieux, les titres financiers au porteur ou au nom de tiers ; les produits d’assurance au nom de tiers ; les dépôts bancaires et comptes DAT (Dépôt à terme) au nom de tiers ou anonyme. Ils sont investis dans les domaines suivants : les activités commerciales et lucratives (transport, commerce, prise d’action dans le capital des sociétés ou entreprises, écoles privées, cliniques, laboratoires d’analyses, etc.) ; le mécénat ; le financement de partis politiques et ONG. Les zones de préférence pour l’acquisition de biens immobiliers avec les fonds volés sont : le Mali, la France, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Canada et les Etats Unis d’Amérique.

Cyrille Coulibaly
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