Selon nos sources, les groupes armés avaient mis en place des commissions de gestion qui captaient systématiquement les ressources de l’état. Des bâtiments administratifs comme la direction de l’élevage avaient été érigés en centres commerciaux, bureaux de travail ou morcelés et vendus
Quand les Forces armées maliennes (FAMa) sont entrées à Kidal, mardi 14 novembre 2023, elles ont été accueillies avec joie et fierté par la population qui a envahi les rues de la ville, brandissant le Drapeau national un peu partout. La joie des habitants de la ville traduisait le bonheur de voir la région revenir dans le giron de l’Etat, mais aussi et surtout, le soulagement d’avoir retrouvé la liberté après plus d’une décennie de règne des groupes armés devenus de véritables réseaux mafieux. Selon les spécialistes, les réseaux mafieux se distinguent des organisations criminelles par leur capacité d’enracinement dans un territoire, leur aptitude à disposer d’importantes ressources économiques, à contrôler les activités collectives et à influencer la vie politique et institutionnelle au niveau local et national, en ayant recours pour ce faire à un appareil militaire, tout en cherchant aussi un certain degré de consensus. Certains groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger étaient effectivement devenus des organisations de ce genre d’activités et contrairement à ce qu’ils chantaient sur tous les toits du monde, à savoir que leur combat avait pour but de défendre les intérêts des populations locales, ils ne faisaient que s’adonner aux activités illicites dont ils étaient les seuls bénéficiaires.
En quoi consistaient ces activités ? «A son arrivée à Kidal, l’Armée a découvert beaucoup de choses. Elle a par exemple découvert que les groupes armés et certains responsables des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation avaient fait des branchements sur les tuyaux de refoulement et des branchements directs à partir des poteaux d’électricité. Ainsi, ils ne payaient ni eau ni électricité» et empêchaient l’approvisionnement du Château d’eau de la ville, les princes du jour avaient des jardins fleuris d’arbres et même pour certains, quelques gazelles dans leurs cours tous arrosés et abreuvés aux frais de la République.
Que penser des hommes qui arrosent des fleurs et abreuvent des animaux sauvages domestiqués pour le plaisir et laisser les pauvres populations dans la soif et la misère ? Allah a tranché, ils sont aujourd’hui victimes de leur manque d’humanisme. Selon un élu local qui a requis l’anonymat : «de nombreuses familles pauvres ou faibles leur payaient même de l’argent mensuellement pour consommation d’eau et d’électricité qu’ils se mettaient en poche». Des propos confirmés par un habitant de Kidal qui révèle de son côté que certains groupes électrogènes offerts par l’état et les partenaires étaient détournés par ceux qu’il appelle «les chefs». «Pendant tout le temps qu’ils ont passé ici, ils ne sont jamais souciés des intérêts des populations. Tout ce qui les intéressait, c’était de dominer les gens et faire prospérer leurs affaires», témoigne notre interlocuteur qui ajoute que les groupes armés et certains responsables des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation ont également installé à leurs domiciles des châteaux d’eau et des forages qui étaient destinés aux populations.
Criminels détournements- Pour mener à bien leurs activités, les réseaux mafieux ont mis en place des commissions de gestion qui captaient systématiquement les ressources de l’état, comme le fonds Covid-19 et l’argent destiné aux équipes régionales d’appui à la paix et à la réconciliation. Ce n’est pas tout. Des bâtiments administratifs comme la direction de l’élevage de Kidal ont été érigés en centres commerciaux, bureaux de travail quand ils ne sont pas tout simplement morcelés et vendus par les mêmes commissions de gestion.
Les groupes armés et leurs complices avaient également créé toutes sortes d’entreprises, ONG et associations pour assurer un contrôle total sur l’économie locale», résume un autre habitant, assurant que la plupart des belles résidences qui ont été construites ces dernières années à Kidal appartiennent aux réseaux mafieux. «Ils se sont enrichis sur le dos des populations et se battaient plutôt pour que la situation reste inchangée», a fait savoir notre interlocuteur.
Un ouvrier soudanais affirme que les groupes armés prélevaient des sommes importantes sur toutes les quantités d’or extraites. Depuis le 14 novembre 2023, Kidal a retrouvé une vie normale, mais il ne fait guère de doute que la cicatrisation des plaies causées par les réseaux mafieux mettra du temps. La normalisation de la ville devrait s’étendre à tout le reste de la région qui n’a que trop souffert de la tyrannie de ces véritables mafias déguisées en groupes armés et groupes terroristes.
Rédaction Lessor