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Le Mali de Modibo Keita et l’Algérie d’Ahmed Ben Bella : De la brouille diplomatique à une crise ouverte
Publié le lundi 29 janvier 2024  |  L'Alternance
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© AFP par Byline
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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C’est désormais une crise ouverte entre le Mali et l’Algérie, après le communiqué des autorités de la transition dénonçant l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et surtout les récriminations faites à l’encontre de l’Algérie. Ce pays voisin du Mali a regretté cette décision et a rejeté sans ambages la longue liste des raisons invoquées par le gouvernement de transition pour justifier la fin de l’Accord. En tous les cas de figure, une brouille diplomatique est en passe de devenir une crise ouverte entre le Mali et l’Algérie. Nous ne nous lasserons jamais de rappeler que le Mali et l’Algérie sont liés par l’histoire, la géographie, l’économie, le commerce et la culture. Partageant plus 1400 km de frontières, l’Algérie et le Mali sont condamnés à travailler ensemble pour plus de paix et de vivre ensemble. Ayant de part et d’autre des populations qui vivent en parfaite harmonie, les deux pays n’ont aucun intérêt à se brouiller à fortiori aller à une crise diplomatique et pourtant l’on s’achemine vers cette malheureuse option, rien qu’à en juger par les deux communiqués. Qui pour jouer la médiation entre le Mali et l’Algérie dont la rupture a des conséquences désastreuses pour notre pays? Les autorités maliennes vont-elles minimiser les conséquences d’une crise avec l’Algérie qui fournit plus de 80 % des produits consommés dans les régions du nord ? La fin unilatérale de l’Accord pour la paix et la réconciliation ne compromettra-t-elle pas les chances de réussite du dialogue inter maliens avec l’exclusion de certains acteurs du conflit ?

Alors qu’on pensait avoir résolu la brouille diplomatique entre le Mali et l’Algérie, avec le retour des ambassadeurs dans leurs pays d’affectation, qui, il faut le rappeler, avaient été rappelés par les autorités de leurs pays respectifs pour consultation, c’est plutôt le contraire que l’on constate avec la fin annoncée de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger dont l’Algérie est la cheffe de file de la médiation internationale et tient à son application. Aujourd’hui il y a confrontation de deux compréhensions, celle des autorités Maliennes et la grille de lecture de l’Algérie au sujet de l’Accord pour la paix et la réconciliation et surtout sur les qualificatifs attribués à certains acteurs signataires. Pour les autorités algériennes l’Accord demeure la seule alternative pour la paix et la réconciliation au Mali et que les membres signataires doivent demeurer les seuls interlocuteurs incontournables pour sa mise en œuvre. Les autorités maliennes ont une lecture totalement différente de celle de l’Algérie. Pour le gouvernement malien certains membres signataires de l’Accord se sont rendus coupables d’actes de terrorisme et ont maille à partir avec la justice malienne, donc ceux-ci sont exclus du processus et ne seront pas les bienvenus au dialogue inter maliens annoncé par les autorités maliennes.

Qui pour jouer la médiation entre le Mali et l’Algérie ?

Cette question restera sans réponse surtout quand on sait que le Mali est en brouille avec la quasi-totalité de ses voisins immédiats excepté le Niger, le Burkina Faso et dans une moindre mesure la Guinée. La Russie serait le seul pays disposé à jouer ce rôle. Là également la marge de manœuvre de la Russie sera limitée car elle aura en face d’elle deux pays amis donc elle fera tout pour ne pas frustrer l’un au détriment de l’autre. Qu’il soit clair pour les autorités maliennes, en cas de crise qui obligerait la Russie de choisir un camp, elle choisirait à coup sûr l’Algérie car la Russie a beaucoup plus d’intérêts avec l’Algérie qu’avec le Mali. Donc les autorités de deux pays ont tout intérêt à s’entendre pour continuer à gagner la confiance du seul pays prêt à jouer la médiation, à savoir la Russie de Vladimir Poutine, dans la crise diplomatique Maliano-algérienne

Les autorités maliennes vont-elles mesurer les conséquences d’une crise avec l’Algérie qui fournit plus de 80 % des produits consommés dans les régions du nord ?

Il ne serait nullement exagéré d’affirmer que les autorités de la transition luttent contre les intérêts de leur pays en se brouillant avec des pays incontournables pour leur économie. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et aujourd’hui de l’Algérie. Pour rappel les populations de trois régions nord du Mali, à savoir Tombouctou, Gao et Kidal sont fournies en denrées de première nécessité par l’Algérie jusqu’à hauteur de 80 %. Si la crise alimentaire n’a pas sérieusement affecté les populations du nord qui sont coupées du sud à cause de l’insécurité, c’est grâce à l’Algérie. Donc vouloir ouvrir un front contre l’Algérie pourrait relever de l’ignorance de la géopolitique sous régionale ou d’une mauvaise appréciation des enjeux. Quid de l’influence de l’Algérie sur la scène internationale ? Elle a une aura certaine et sa voix porte sur l’échiquier international. Donc le Mali, pays en profonde crise multidimensionnelle depuis 2012, a beaucoup plus à gagner à s’entendre avec l’Algérie qu’à se brouiller avec elle.

La fin unilatérale de l’Accord pour la paix et la réconciliation ne compromettra-t-elle pas les chances de réussite du dialogue inter maliens avec l’exclusion de certains acteurs du conflit ?

Il ne fera l’ombre d’aucun doute que la décision unilatérale prise par le gouvernement de transition, relative à la fin de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, sera non seulement un coup de massue donné à la paix et à la réconciliation, mais aussi et surtout compromettra dangereusement la réussite du dialogue inter maliens. En effet, comment comprendre que l’on puisse organiser un dialogue inter maliens pour la paix et la réconciliation en excluant des acteurs majeurs que sont ceux qualifiés de terroristes et qui ont pourtant signé l’Accord de paix qualifié de caduc aujourd’hui. Pour rappel si l’initiative d’un dialogue inter maliens a été applaudie par une frange importante du peuple, elle n’a pas non plus, manqué de susciter des interrogations tant sur le plan organisationnel que sur la qualité des participants. Pour beaucoup d’observateurs ce dialogue inter maliens, sans remettre en cause les acquis de l’Accord, doit s’inspirer de ce dernier pour corriger les failles et les manquements graves afin d’aboutir à une paix durable et procéder à une réconciliation véritable pour enfin envisager sereinement un développement durable. Tout porte à croire aujourd’hui que le dialogue tel qu’annoncé risque d’être un long monologue entre partisans de la transition sans aborder les questions essentielles, car il se tiendra sans des acteurs majeurs des différents conflits.

En définitive, si la paix n’a pas de prix, elle a des exigences et l’une des exigences est le pardon qui ne se réalisera qu’à travers un dialogue fécond, inclusif et sans apriori.

Youssouf Sissoko

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