C’est avec surprise et indignation que nous avions lu la publication récente d’un document mettant en cause un partenaire du Mali : le Qatar. Selon ce document daté d’avril 2011, qui aurait fait l’objet d’une fuite, moins d’un an avant le déclenchement de la rébellion de janvier 2012 au Mali, que le gouvernement qatari aurait versé 15 millions de dollars à des Groupes terroristes armés (GAT) du Nord du Mali. Curieusement, l’auteur de cette macabre révélation n’était autre qu’un ancien agent de renseignement de nationalité française : Marc Eichinger. En toile de fond dans ce document, l’auteur affirme que l’Emir du Qatar, Cheikh Tamim Bin Hamad Al Thani, est directement impliqué dans le financement du terrorisme, notamment dans la déstabilisation du Mali en versant 15 millions de dollars aux groupes terroristes du Sahel.
Celle une traînée de poudre, la nouvelle dudit document sur la déstabilisation programmée du Mali par le Qatar a fait le choux gras de certains medias et embrasé les réseaux sociaux.
Nous sommes aujourd’hui en droit de se demander au nom de quelle logique ou de quel impératif d’urgence s’imposait une telle révélation calomnieuse après tant d’années ?
Mohamed Kimbiri
Une telle intox contre un pays frère musulman ? D’après le prophète Mohamed (PSL) “la communauté musulmane ressemble à un corps humain. Quand une partie souffre d’une douleur, c’est tout le reste du corps qui en ressent ses effets”. Il dira à cet effet que : “Le musulman est le frère du musulman. Il n’y a point de musulman qui ne secoure un autre dans une circonstance où l’on porte atteinte à son honneur et à sa dignité, que Dieu ne soutienne lorsqu’il désire lui-même être défendu”.
C’est pourquoi nous sommes surpris et choqués par la virulence de cette sortie médiatique incendiaire, laissant perplexe l’opinion publique d’une part. Et d’autre part, cette calembredaine n’est pas seulement délirante, elle est aussi abjecte.
Cette intox, une de plus, ira en rejoindre tant d’autres au musée de la bêtise et de la désinformation. Nous laissons aux détracteurs de la bonne relation entre le Mali et le Qatar, la couverture sensationnaliste et provocatrice d’un pays comme Qatar, dépeint à travers le prisme déformant du bouc émissaire de la déstabilisation programmée du Mali et du Sahel.
Il s’agit vraisemblablement d’une intox, à défaut d’un ballon d’essai pour sonder la perception de l’opinion malienne sur une éventuelle déstabilisation du Mali par le Qatar.
Malheureusement, l’auteur du montage d’un tel document est tombé dans les pratiques malsaines ; des actions et révélations trompeuses pour manipuler l’opinion publique, le sport favori afin d’atteindre des objectifs inavoués et inavouables. Il a oublié que les Maliens actuellement veulent des arguments et non des arguties. C’est pourquoi, je me trouve dans l’obligation de répondre à ces attaques directes et frontales dans le but d’apporter une modeste contribution à l’éclairage d’une certaine allégation non fondée faisant croire que l’Emirat du Qatar a financé la déstabilisation du Mali, de donner des précisions de notre vision sur le bon rapport entre les deux peuples, et de lancer un appel à toute la communauté musulmane du Mali à l’union sacrée, à la concertation, et à la cohésion pour faire un bloc unique et homogène pour le triomphe des relations entre le Mali et les pays musulmans.
D’abord en ce mois de janvier tout près, la récente visite d’une importante délégation du Fonds qatari pour le développement au Mali fut reçue par le Premier ministre le 18 janvier. L’objectif principal de cette visite, dirigée par le directeur de Fonds qatari, Sultan Al Asseri, était de concrétiser une convention de prêt de 100 millions de dollars, soit plus de 60 milliards de F CFA. Cette récente visite a marqué un jalon significatif dans le renforcement des relations économiques et diplomatiques entre le Mali et le Qatar. C’est pourquoi nous disons haut et fort qu’un pays comme le Qatar qui vient d’ouvrir avec le Mali la voie à un avenir prometteur de partenariat et de progrès mutuel ne serait jamais un élément de déstabilisation de notre pays.
Ensuite, les faits qui sont reprochés à son altesse sont antérieurs à son accession au trône. Car, c’est suite à l’abdication de son père, Hamad ben Khalifa Al Thani depuis le 25 juin 2013 qu’il est l’Emir du Qatar. Une telle attaque infondée n’est rien d’autre qu’une vaine tentative à vouloir faire passer un chameau par le chas d’une aiguille. Et cela nous rappelle la fameuse fable de la Fontaine : le loup et l’agneau. “Et je sais que de moi tu médis l’an passé… Si ce n’est toi, c’est donc ton frère… C’est donc quelqu’un des tiens”.
A cet effet, si l’objet dudit document est un chantage, son auteur est passé à côté. Car pour faire du chantage, il faut les moyens. Ces moyens sont : la pertinence de la révélation, la véracité des faits, les témoignages poignants et surtout une plume non téléguidée par un tiers. Aucun de ces éléments ne se trouve dans ce document. Alors quel est son but ? Une cabale contre le financement qatari au Mali en froid avec la France ? Il est regrettable qu’une personnalité de tel rang ait emprunté l’option de s’installer dans des attaques sans fondement, de gymnastiques intellectuelles faites de présomptions, de supputations, de probabilité et de surcroît, fortement personnalisées avec une volonté manifeste de nuire à la réputation d’une personnalité afin de créer une brouille diplomatique entre deux pays : le Mali et le Qatar.
Enfin, “ce n’est pas à toute oreille percée que l’on met des anneaux d’or”, d’après un adage africain. En conséquence, devant ce mensonge désagréable du siècle, ce montage en toute pièces, et notre surprise de supposé plan de déstabilisation du Mali par le Qatar affirmant que l’Emir du Qatar, Cheikh Tamim Bin Hamad Al Thani, aurait versé 15 millions de dollars aux groupes terroristes du Sahel, nous nous posons un certain nombre de questionnements. Si cette supposée révélation est une plaisanterie, elle est pour le moins de mauvais goût. Si c’est du chantage, elle est insupportable. Et si c’est de la diversion, alors elle manque de finesse.
En effet, il s’agit de rappeler que l’opinion malienne ne peut plus se contenter de consommer les commentaires des supposés chercheurs, et d’autres observateurs de mauvaise foi, qui ne s’intéressent qu’à prêcher des discours de haine, de révolte et de diversion, donnant volontairement par malhonnêteté et subordination, des informations tronquées où le mensonge par omission volontaire est roi. De tout petits détails sont grossies à outrance et les données essentiels sont escamotées et ostracisées.
Mohamed Kimbiri
Président du Collectif des associations musulmanes du Mali