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Or blanchiment des capitaux et terrorisme 8 février 2024
Publié le lundi 12 fevrier 2024  |  L’Inter de Bamako
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Renforcer des normes de contrôles environnementaux, mais aussi financiers au niveau international semble d’autant plus important que l’or est régulièrement cité comme l’un des principaux vecteurs du blanchiment d’argent, avec d’autres marchandises sensibles comme les métaux précieux, le diamant et la drogue. Les différentes routes de ces trafics se croisent d’ailleurs fréquemment.
Les spécialistes du GAFI (Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux) considèrent que l’ampleur du phénomène de blanchiment sur le marché de l’or constitue une menace réelle. Avec une demande et des cours en hausse sur les marchés mondiaux, cette menace s’inscrit dans la durée. Un rapport du GAFI illustre bien le cheminement de l’or. «L’or sale» peut être la source de fonds illégaux à blanchir. L’or peut aussi être un vecteur concret du blanchiment par achat direct avec des fonds d’origine illégale.
Acheté en dollars dans des villes ou régions qui se spécialisent dans des opérations légitimes de négoce de l’or (par exemple Cordoue en Espagne ou Arezzo et Vicenza en Italie), l’or sert à la fois de matière première et, dans une moindre mesure, de moyen d’échange pour des opérations de blanchiment de capitaux menées entre l’Amérique latine, les États-Unis et l’Europe. Refondu ou transformé en bijoux, il devient alors «l’une des plus importantes, voire la plus importante des matières premières du dispositif de blanchiment faisant appel au marché du peso. Les fonds ainsi légitimés en tant que revenus de ventes d’or».
Le Maghreb et l’Asie sont aussi des destinations privilégiées pour ce genre de trafic. Dans le domaine de l’or, les idées ne manquent pas. Pour contourner les sanctions internationales qui frappaient l’importation d’or en barres en provenance d’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, les banques suisses se les faisaient livrer sous forme de cendriers en or massif. Ces importations passaient sous la rubrique «objets manufacturés». Rien à signaler. Plus près de nous, en août 2003, la succursale américaine de la firme Metalor a été condamnée à 2,5 millions de dollars d’amende pour sa participation à un réseau de blanchiment passant par la Colombie et le Pérou. Metalor envoyait en Amérique latine de l’or dissimulé dans des bouteilles de shampoing.
L’arrestation en novembre 2002 à Bruxelles d’un trafiquant d’or en provenance du Sud-Kivu a quelque chose de caricatural. Le butin saisi à Anvers-51 kilos d’or pur à 96% représente la production de deux semaines de la zone contrôlée par la guérilla pro-rwandaise du RCD Goma. À la tête du trafic de minerais, Aziza Kulsum, qui s’est enfuie à Kigali. C’est l’un de ses comparses qui a été arrêté en Belgique: depuis quatre ans, le Canadien Zulfa Karil Panju faisait le voyage de Bruxelles deux fois par mois avec la précieuse cargaison dans un sac à dos. Son bagage était déclaré «en transit».
Il a été inculpé de blanchiment: l’or est en effet exploité illégalement dans une zone occupée de la République démocratique du Congo (RDC), au profit de la guérilla qui a d’ailleurs posé ses scellés sur les colis. Le métal était fondu en lingots en Belgique et injecté sur le marché officiel en Grande Bretagne. Les produits de la vente se retrouvaient sur des comptes en Suisse et en Belgique, à la Banque Bruxelles Lambert (BBL). La justice belge a depuis déterminé que ces comptes étaient liés à l’armée rebelle et servaient à acheter du matériel de guerre.





Conférence de presse du parti Mouvement Social pour le Renouveau (MSR)
Choix stratégiques: le MSR en phase avec les Autorités de la transition.
Face à la crise multidimensionnelle et au défi sécuritaire qui persistent dans notre pays et qui mettent en mal son existence, les autorités de la transition ont été amenées à adopter des choix stratégiques pour y remédier, des choix dans lesquels le parti Mouvement Social pour le Renouveau (MSR) se dit pleinement se reconnaitre et réitère son soutien indéfectible aux Autorités. IL a tenu à le faire savoir ce jeudi 8 février 2024 à la faveur d’une conférence de presse qu’il a animé dans la salle de conférence du palais de la culture’’ Amadou Ampate Ba’’ autour du thème : « Choix stratégiques des Autorités de la Transition : Quels enjeux pour le Mali et l’AES ? ».
Présidée par le Président du parti Dr Aboubacar A TOURE accompagné de son secrétaire général et le Président du mouvement des jeunes du parti, Monsieur Ibrahima BALLO, la conférence a vu la participation, outre des journalistes, des représentants des partis amis et bon nombre de militants du parti.
Après les salutations et les remerciements d’usage, le Président TOURE n’a pas tardé à planter le décor. Il fera entendre aux journalistes et aux différents invités de marque que le choix de ce thème à savoir « Choix stratégiques des Autorités de la transition : Quels enjeux pour le Mali et l’AES ? » est loin d’être fortuit, qu’il est la résultante des évènements sociopolitiques que notre pays a connu ces derniers temps Face à cette situation , le MSR en tant que parti citoyen et républicain ne saurait resté indiffèrent ; il se doit de donner sa position sur les décisions importantes prises par nos Autorités de la transition en vue d’éclairer la lanterne de ses militants et l’ensemble du peuple malien sur les questions intéressant la vie de la nation , a-t-il laissé entendre.
Pour le MSR, aux dires de son Président, les Autorités de la transition en privilégiant les options stratégiques face à la crise multidimensionnelle qui entrave le développement et la stabilité de notre pays, s’inscrivent dans une posture relative à un paradigme de changement orienté « souveraineté nationale ». Ce positionnement, selon le Président TOURE rejoint la philosophie de « Mali Kura », gage, pour lui d’un développement durable du pays.
Aux nombre de choix stratégiques, le conférencier soulignera la bonne place de la résolution 2690 du Conseil de Sécurité des Nations -unies du 30 juin 2023 relative à la rétrocession des emprises de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations -Unies pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA).
Ce choix, selon le Président TOURE a été accueilli par la majorité de nos compatriotes avec admiration comme une aubaine même s’il n’est pas une panacée à tous les défis sécuritaires du pays. Cette mission était devenue, selon lui, un véritable goulot d’étranglement pour notre pays. La récupération de la ville de Kidal aux mains des groupes séparatistes depuis presqu’une décennie, consécutive au retrait de la MINUSMA, prouve à suffisance que les Autorités de la transition ne se sont pas trompées en optant ce choix du retrait de cette MINUSMA, soutient-il. Kidal est un point stratégique pour le Mali et l’AES dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sa libération des mains des séparatistes a été accueillie par l’ensemble du pays et les pays amis comme un ouf de soulagement, a laissé entendre le Président TOURE. Le fait que Kidal soit désormais contrôlée par le Mali permettra sans nul doute aux Autorités de la transition et l’AES d’élargir la lutte contre le terrorisme à d’autres zones de l’espace AES, soutient-il.
Concernant la décision de mettre fin avec effet immédiat à l’ « Accord de paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger », signé en 2015 , est selon lui , d’une portée historique et stratégique qui a rencontré l’assentiment de la majorité des maliens .
Autre choix stratégique des Autorité de la transition, rappelle -t-il, est l’annonce du retrait sans délai du Burkina Faso, du Niger et du Mali de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il est vrai que cette décision a été accueillie différemment par nos compatriotes avec une majorité qui l’approuve et la soutient, a fait remarquer Dr TOURE. Toutefois, il n’a pas manqué de souligner que ce retrait a des inconvénients mais surtout beaucoup d’avantages pour les Etats de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Au nombre des inconvénients, le Président TOURE, rappelant le journal ‘’LE MALI EMERGEANT ‘du 5 février 2024 et le journal financier ‘’ croissance Afrique ‘’ du 6 Février 2024, en retient :
- Perte de la facilité de transit
- Perte des avantages communautaires relatifs aux transits routiers inter-Etats
- Consignation des droits de douanes élevés
- Perte de l’assurance des véhicules et la carte brume CEDEAO
- Perte de la taxation préférentielle des produits crus et des produits suffisamment transformés dans le cadre des certifications d’origine CEDEAO
- Tarif extérieur commun (TEC)
- Conséquence à court et moyen terme sur la vie des entreprises et aux personnes physiques.
Partant des mêmes sources précitées, le Président TOURE mentionnera une vingtaine d’avantage pour les Etats de l’AES, suite à cette décision de leur retrait de l’organisation sous régionale qui sont :
1. Autonomie politique : le pays peut prendre des décisions indépendantes sans être lié par les politiques communes de la CEDEAO
2. La flexibilité économique : il peut élaborer ses propres politiques économiques adaptée à ses besoins spécifiques
3. Contrôle des frontières : possibilité de réguler strictement les mouvements de personnes et des biens à ses frontières avec des pays à ses frontières
4. Accords commerciaux bilatéraux : la capacité de négocier des accords commerciaux plus avantageux avec des pays en dehors de la région
5. Protection des industries nationales : mettre en place des mesures de protection pour soutenir les industries nationales
6. Contrôle des ressources naturelles : possibilité de contrôler et d’exploiter les ressources nationales du pays sans les partager avec les autres membres de la CEDEAO
7. Souplesse monétaire : la liberté de choisir sa propre politique monétaire sans être lié à une monnaie commune
8. Priorité nationale : prioriser les intérêts nationaux plutôt que ceux de la région dans les décisions politiques et économiques
9. Reduction des contraintes bureaucratiques : éliminer des procédures bureaucratiques associés à l’adhésion à la CEDEAO
10. Indépendance Juridique : pouvoir élaborer ses propres lois et règlementations sans être contraint par normes régionales de la CEDEAO
11. Protection des frontières agricoles : contrôle renforcé sur les importations agricoles pour protéger les agriculteurs nationaux
12. Stabilisation politique interne : réduire les tensions politiques internes liées à l’adhésion à une organisation régionale
13. Souplesse en matière d’immigration : pouvoir réguler l’immigration selon les besoins nationaux sans se conformer aux politiques régionales de la CEDEAO
14. Contrôle des tarifs douaniers : la liberté de fixer ses propres tarifs douaniers pour protéger les l’industrie nationale
15. Priorisation des investissements : la capacité de prioriser les investissements nationaux plutôt que de contribuer aux projets régionaux de la CEDEAO
16. Indépendance diplomatique : pouvoir mener sa propre politique étrangère sans être influencé par les positions communes de la CEDEAO
17. Souveraineté renforcée : renforcement de la souveraineté nationale en se retirant d’une organisation régionale
18. Meilleure gestion des ressources : la possibilité de gérer plus efficacement le ressources du pays sans se conformer aux directives de la CEDEAO
19. Flexibilité Règlementaire : élaboration des réglementations nationales adaptées aux besoins spécifiques du pays sans être contraint par les normes de la CEDEAO
20. Capacité d’adaptation : la capacité de s’adapter plus rapidement aux changements économique et politique sans être lié par les décisions collectives de la CEDEAO.
Pour le conférencier, Dr TOURE, la situation géopolitique, les crises économiques t financières à l’échelle mondiale, les guerres, représentent à la fois des menaces et des opportunités pour les pays pauvres comme le nôtre. Ainsi, il est important de profiter de ces opportunités et aussi de transformer ces menaces en opportunités a-t-il fait savoir. Pour ce faire, soutient le Président, il est fondamental de diversifier nos partenaires, renforcer la souveraineté nationale et la coopération entre les pays du sud.
Répondant aux questions de journaliste concernant son soutien indéfectible aux Autorités de la Transition, le Président du MSR fera savoir qu’il se justifie par le fait de la convergence des actions de ces Autorités avec leur philosophie de gestion du pays. A la question de savoir si l’AES était une alternative à la CEDEAO et que si le cœur n’aurait pas pris le dessus sur la raison dans le choix des Autorités de la transition de ces trois Etats de quitter la CEDEAO, le Président Toure fera savoir sans détour que l’AES est la meilleure alternative à la CEDEAO et que la décision de retrait prise par les Autorités est plus que réfléchie car elle y allait de l’existence même de ces Etats et qu’on ne peut pas rester dans une organisation qui veut te tuer, dira-t-il .
A noter que le parti mouvement social pour le renouveau a été créé en juin 2016 par des cadres, des universitaires, des commerçants, des paysans, des artisans, des ouvriers réunis autour des idéaux d’union, de paix, de progrès, de souveraineté et d’indépendance, selon son Président. Il a participé à toutes les luttes de sa création à nos jours ayant abouti à la libération de notre pays, a fait entendre le Président TOURE et il réaffirme l’engagement de son parti à soutenir toutes les actions des autorités de la transition tant que celles-ci s’inscriront dans le sens de l’intérêt strict du peuple malien.
Daouda DOUMBIA




Macron ou la catastrophe africaine
En choisissant, en réactions aux coups d’États, de punir les populations sahéliennes, notamment en coupant nette toute aide humanitaire et au développement, le Président Macron se trompe de cible et fait le jeu des militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il ajoute ainsi au ressentiment envers la France au sein de l’opinion publique africaine, et perpétue une politique diplomatique désastreuse.
Une des raisons les plus fréquemment avancées (elle est par ailleurs fort plausible) de la très surprenante décision de Macky Sall de repousser l’élection présidentielle au Sénégal est le piètre score prédit à son candidat (et premier ministre en exercice) Amadou Ba.
La France n’y est peut-être pas pour rien, un impair de plus ! La réception ostensible à Paris, en décembre dernier, du premier ministre sénégalais par Elisabeth Borne est à mettre en effet au compte des nombreuses gaffes contre-productives qui émaillent la politique africaine d’Emmanuel Macron. Afficher le soutien de la France à un candidat à la Présidence dans un pays africain est probablement le meilleur moyen de faire baisser immédiatement sa côte de popularité. Lionel Zinsou en sait quelque chose : sa proximité avec Macron l’a discrédité lors de l’élection présidentielle au Bénin en 2016.
Mais il y a bien plus grave. C’est la politique africaine tout entière d’Emmanuel Macron qui est inconséquente et calamiteuse. L’un de ses échecs majeurs, tout récent, est sans nul doute d’avoir décidé de «punir» les auteurs de coups d’État au Mali, Burkina Faso et Niger en «punissant» les peuples de ces pays. Cette attitude n’est pas sans rappeler celle de De Gaulle envers la Guinée lorsque celle-ci sous l’impulsion de Sékou Touré répondit majoritairement «non» au référendum de 1958 sur l’adhésion à la «Communauté française» et choisit l’indépendance immédiate. Furieux autant que vexé par ce camouflet, De Gaulle mit fin sur le champ à toute présence française en Guinée, créant une crise économique brutale, précipitant le pays dans les bras de l’URSS et contribuant ainsi à la montée en puissance de la longue dictature paranoïaque de Sékou Touré. Cette décision néfaste fut pour beaucoup dans la popularité de ce dernier parmi les opinions publiques africaines.
En outre, le caractère personnel et purement émotionnel de la réaction gaullienne apparait a posteriori comme d’autant plus vain et contre-productif que la fameuse «communauté» fut un échec total qui ne dura pas plus de deux ans, période au bout de laquelle tous les pays africains qui avaient répondu «oui» choisirent à leur tour l’indépendance, acceptée désormais sans mot dire par la France. Tout ça pour ça ! Et voilà que Macron refait la même erreur ! S’il semble tenté chaque jour d’adopter un peu plus une posture gaullienne, en ce qui concerne l’Afrique il suit De Gaulle dans une des pires décisions que celui-ci ait prises: la stratégie de la terre brulée par dépit.
En coupant toute aide humanitaire ou de développement, toute forme de coopération ou de partenariat pour les trois (03) pays du Sahel, aussi bien à destination des ONG nationales et internationales qu’en direction des services publics, de la recherche et de la culture; en fermant les trois consulats français et en refusant la délivrance de visas aux ressortissants de ces pays, en rendant de fait impossible aux doctorants, artistes, chercheurs ou opérateurs économiques du Mali, du Burkina Faso et du Niger d’aller désormais en France pour des études, des colloques, des expositions, des concerts ou des affaires ; et, hier, cerise sur ce gâteau oh combien amer, en fermant l’école française de Niamey (le cours Lafontaine, dont une moitié des élèves étaient nigériens), le président français non seulement se trompe de cible en pénalisant directement les populations sahéliennes, mais en plus il joue contre son camp car il fait le jeu des militaires au pouvoir qui prennent la France comme cible principale et rallient un peu plus à eux leurs opinions publiques à chaque mesure brutale de la France comme à chaque déclaration arrogante de son président.
Toutes ces erreurs sont d’autant plus inopportunes que, depuis bien longtemps, la méfiance, la rancœur et le sentiment d’humiliation sont des sentiments largement répandus à l’égard de l’ancien colonisateur (pour de nombreuses raisons légitimes entremêlées de quelques autres plus contestables).
Macron joue aussi contre son camp en hypothéquant, par ses propos et ses décisions, l’avenir à court et à moyen terme de toute présence culturelle, développementiste ou humanitaire française au Sahel, et ses bévues politiques contribueront au déclin prévisible de la langue française que les militaires au pouvoir ont sans doute dans leur agenda. Il fournit une confirmation en or aux propos de tous ceux, fort nombreux au Sahel et en Afrique, qui dénoncent la persistance des comportements coloniaux ou néo-coloniaux des autorités françaises, leur hypocrisie et leur peu d’intérêt réel pour les populations. Il saccage le précieux et fragile capital de confiance qui (parfois ? souvent ?) avait pu être peu à peu établi au fil des années entre d’un côté des professionnels de l’Agence française de développement, des professionnels des centres culturels français ou des professionnels des ONG françaises et de l’autre côté leurs partenaires maliens, burkinabés ou nigériens.

Toutes les cases de ce qu’il ne fallait pas faire ont été cochées
La suite des erreurs d’Emmanuel Macron par rapport à l’Afrique en général et à la crise sahélienne en particulier est impressionnante. Pour deux ou trois déclarations encourageantes à mettre dans la colonne «positif» (une allusion à la colonisation comme crime contre l’humanité, la décision de rendre des pièces de musée volées, la constitution de commissions mémorielles sur la guerre d’Algérie, le rôle peu glorieux de la France au Rwanda, et la répression contre l’UPC au Cameroun), la colonne «négatif» est plus que pleine à ras bord: blague de collégien publique et honteuse à l’égard du Président Kaboré à Ouagadougou, convocation impériale et hautaine des chefs d’ État africains à Pau, injonction insultante aux mêmes de ne pas se rendre au soi-disant «sommet France-Afrique» à Montpellier, acceptation relative du premier coup d’état (le plus important) d’Assimi Goïta au Mali avant de faire un virage à 180 degrés face à un demi coup d’état du même colonel peu après (le limogeage de ministres réputés proches de la France ayant été considéré par celle-ci comme inacceptable), tolérance et absence de sanctions pour les auteurs des coups d’état au Tchad, en Guinée et au Gabon tout en dénonçant à cor et à cri leurs homologues du Mali, du Burkina Faso et du Niger, soutien aussi bruyant qu’inopportun aux sanctions très fortes de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) contre le Mali et le Niger qui n’a réussi qu’à renforcer les accusations des militaires selon laquelle la CEDEAO serait manipulée par la France (ce qui n’est d’ailleurs pas vrai, en tout cas concernant le Nigéria, puissance dominante de la CEDEAO), soutien encore plus bruyant et encore plus inopportun aux menaces d’intervention militaire de la CEDEAO contre le Niger (qui furent du pain béni pour les régimes au pouvoir au Sahel, leur permettant de mobiliser leurs populations contre une agression éventuelle dont la France tirerait les ficelles), refus contre tout usage diplomatique et contre toute bienséance que son ambassadeur au Niger déclaré personna non grata quitte le pays en lui imposant de rester cloitré dans son ambassade sous les huées populaires…
Certes, nul ne pourrait sérieusement reprocher à Emmanuel Macron d’avoir condamné le coup d’état au Niger, ou d’avoir demandé la libération du président Bazoum, ni même d’avoir suspendu provisoirement l’aide directe au budget national géré par le régime militaire. Mais aller beaucoup plus loin comme il l’a fait, prendre des postures de matamore à la fois provocantes et ridicules, oser appeler à une guerre punitive par ailleurs aussi improbable que désolante, mener une stratégie de la table rase, refuser tout dialogue avec les nouvelles autorités, s’en prendre à la société civile nigérienne, tout cela s’est révélé totalement contre-productif. Toutes les cases de ce qu’il ne fallait pas faire ont été cochées.
Personne, dans l’entourage du président, ne l’a donc mis en garde ? Ce qui semble certain, en tout cas, c’est qu’il n’a en l’affaire écouté personne, hormis ses courtisans. Le peu crédible conseil présidentiel sur l’Afrique est aux abonnés absents depuis longtemps. Les ONG (pourtant parfois célébrées par l’Elysée) ont bien sûr protesté publiquement, mais Jupiter ne s’en préoccupe pas le moins du monde quand il est en colère. Du côté des agents de l’Agence française de développement (AFD), du côté des cadres français des organisations internationales, du côté des diplomates professionnels, la très grande majorité déplore (le mot est faible) cette avalanche de fautes lourdes. Tenus par leur devoir de réserve, ils n’ont pu s’exprimer publiquement. Mais en tout cas il n’a jamais été fait appel à leur expertise. Il n’est pas dans l’habitude du président de s’abaisser à prêter attention aux experts proches du terrain.
Dans cette succession improbable de propos et de décisions absurdes et néfastes, on ne peut pas même lire une quelconque politique cohérente : tout semble relever de vengeances et de caprices jupitériens (on sait que les dieux de l’Olympes bouleversaient l’histoire des hommes pour de simples jalouseries, bouderies ou querelles d’ego). Mais le recours à la punition collective des peuples du Sahel est bien plus grave encore. Comment oser promouvoir une image de la France qui serait terre de liberté, d’égalité et de fraternité ou qui souhaiterait établir un partenariat équitable avec les pays africains quand on s’en prend, par simple rancune ou dépit, aux populations pauvres bénéficiaires de l’aide française, aux dizaines de milliers d’emplois générés par les ONGs financées par la France, aux milliers d’intellectuels qui venaient régulièrement ou exceptionnellement en France pour des échanges, des formations et des partenariats, aux élèves des établissements éducatifs français à Bamako, Ouagadougou ou Niamey ?
La stratégie actuelle de la terre brulée au Sahel est donc catastrophique à trois niveaux: d’une part ce sont les populations locales qui en sont les premières victimes, d’autre part elle donne du grain à moudre à la francophobie des régimes militaires, et enfin elle compromet gravement les relations futures entre la France et les trois (03) pays sahéliens.
Jean-Pierre Olivier de Sardan
Anthropologue, Directeur de Recherche émérite au CNRS et Directeur d’Études à l’EHESS
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