La refondation consiste à préparer le pays à une gouvernance saine et transparente. Les termes Mali Kura (en bambara), Mali Taaga (en songhay) résonnaient forts dans l’opinion publique. Dès août 2020, le pari de départ du régime de transition était osé : refonder le Mali. Tout le monde connaît les discours sur la refondation.
Chaque homme politique, chaque leader d’opinion ou chaque citoyen qui tente de les questionner sait qu’il recevra les farouches objections des soutiens du régime. Mais en presque quatre ans d’exercice du pouvoir, dans la liste de toutes les politiques de refondation annoncées, il y a une grande absente : la sécurité des populations et des biens dans les zones en conflit.
Oubliée provisoirement, peut-être. Le 11 février dernier, à une quinzaine de kilomètres de Gao à peine, deux jeunes de Wakareye (Tacharane) ont été froidement assassinés par un groupe narcoterroriste. Dans d’autres villages de la région, les groupes narcoterroristes déploient une nouvelle arme : le viol. Leur but : humilier et déshumaniser les locaux.
Repenser le Mali au-delà de Bamako
Les témoignages décrivent des images insoutenables de l’horreur. Sur ces territoires règne une atmosphère de fin du monde et de chaos permanent. Combattons le narcoterrorisme tout en établissant des ponts avec les populations à travers des dispositifs sécuritaires intégrés et concrets comme la surveillance ou les patrouilles. Tout le monde doit avoir sa place dans la nation malienne. Pour cela, nous devons repenser le Mali au-delà de Bamako et des capitales régionales. Ce sera aussi une autre manière de le refonder.
Le dialogue inter-malien, une autre convention sociale
Pourtant aux origines de la refondation, il y avait une belle promesse : un exécutif digne de ce nom et une horizontalité avec les Maliens pour construire le projet d’un nouvel Etat, d’une nouvelle nation. 2020, c’était l’année des concertations nationales où une partie des Maliens de l’intérieur et de l’extérieur frappaient aux portes des rencontres pour prendre le pouls de la Transition. Juillet 2023, la nouvelle Constitution du pays est promulguée, propulsant le Mali dans sa IVe République. Novembre 2023, la ville de Kidal est reprise par les Forces armées maliennes, FAMa.
Les Maliens ont jubilé. Evidemment, s’il y a un procès que l’on ne peut pas faire à la Transition, c’est bien celui de redorer le blason des FAMa. Dans ce domaine, elle a innové. Mais, là où la Transition n’est pas encore allée jusqu’au bout, c’est la sécurité des personnes et des biens. Ce n’est pas une critique.
Elle doit donc changer de stratégie pour avoir un coup d’avance sur les spadassins de la paix. Espérons que les conclusions du dialogue inter-malien en cours, une autre convention sociale pour refonder le Mali, ne resteront pas aux archives.
Rappelons que les Maliens n’ont jamais vu l’atterrissage sur le Dialogue national inclusif du régime Ibrahim Boubacar Kéita. En cause : les tensions sociopolitiques et sécuritaires.
Le couple Goïta-Maïga rêve d’un nouveau souffle
Dans l’exercice du pouvoir, le couple Goïta/Maïga rêve d’un nouveau souffle, qui ne viendrait que d’un renouveau démocratique. De ce point de vue, il ne sera pas inutile de considérer l’association des politiques, des syndicats et tant d’autres forces vives de la nation à la résolution des problèmes majeurs de la nation, telle que la crise énergétique. Un sujet délicat et sensible.
Il est délicat par son côté insoluble, c’est-à-dire les difficultés de l’exécutif à le traiter. De plus en plus, dans les familles et les grin, des voix se lèvent pour savoir ce qui se passe, la solution au problème d’électricité. Il est également sensible par son côté politique et économique.
Les soldats du front économique (couturiers, commerçants, soudeurs, restaurateurs et tous les autres) sont profondément inquiets face à la crise énergétique. Même s’ils continuent à manifester un sentiment de bienveillance à l’égard de l’exécutif dans l’espoir d’une résolution de la crise. Face à la crise énergétique à Bamako, il y a tout de même un risque de dépérissement des relations entre l’exécutif et le peuple dont l’effet immédiat serait l’éloignement du second vis-à-vis du premier. D’où l’importance, pour l’exécutif, d’élargir le socle de ses soutiens au-delà de son pré carré habituel. Les Maliens ont besoin d’y croire.
Enfin, face au rouleau compresseur des groupes narcoterroristes, réussir le pari de la refondation, c’est travailler le soutien des Maliens de Kayes à Kidal pour espérer transmettre aux successeurs de la Transition un pays qui stable et pacifique, car “personne n’est assez insensée pour préférer la guerre à la paix…”, disait l’historien et géographe grec, Hérodote.
Une question pour la route : Comment reconstruire le Mali sans ostraciser et cliver ?