Au cours de la journée citoyenne, organisée par la Forsat civile le 15 février 2024 au CICB sur l’article 54 de la loi sur la cybercriminalité, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de la Commune IV, le grand artisan de l’application de cette loi, a davantage édifié l’assistance et l’opinion publique. Quelques gros morceaux des propos tenus par Idrissa Hamidou Touré.
“Parmi vous, il y a les journalistes et il y a les chasseurs de buzz. Le journaliste traite l’info pour savoir quoi publier exactement à l’effet d’informer, d’éduquer, de former et de sensibiliser le peuple. Le chasseur de buzz regarde une vidéo et coupe la partie qui lui donnera plus de lies (vues), plus de lies etc. Inconsciemment, il peut nuire à l’exercice du métier de journaliste, à la société voire l’état tout entier. Que les journalistes ne laissent pas les chasseurs de buzz détruire leur métier […].
Les hommes de médias, qu’ils soient journalistes-radio, télé, presse écrite ou même journalistes-blogueurs etc., sont tous soumis à la loi sur les délits de presse et ce même lorsqu’ils commettent le délit sur internet, mais dans l’exercice de la profession. C’est cela le sens de l’article 54 de la loi sur la cybercriminalité. Soumis à ce régime, le délit de presse commis en ligne se prescrit par 3 mois révolus pour compter du jour de sa mise en ligne ou de sa mise à disposition du public. C’est un délit instantané […].
Quand on a à faire à un homme de média, on s’interroge toujours sur l’origine de la vidéo, qui l’incrimine car ce n’est pas le même texte selon que l’injure a été commise sur un plateau télé ou que c’était sur une page Facebook. À raison du lieu c’est soit le code pénal à travers les articles 125 et suivants sur l’atteinte à l’intimité de la personne par écoute ou enregistrement de ses propos sans son consentement ou même à son insu ou sans autorisation légale, soit la loi sur la cybercriminalité soit celle sur le régime de presse et délit de presse […].
Il y a une distinction à toujours observer entre les faits commis dans le monde physique puis transposés dans le cyber espace et qui de ce fait n’admettent application de la loi sur la cybercriminalité et les faits qui sont exclusivement commis dans le monde virtuel que régit justement cette loi. Tout comme il y a les faits commis par ou dans des organes de presse et qui reçoivent de ce fait application de la loi sur la presse même si pour une raison ou une autre quelqu’un coupe une partie pour la publier sur Facebook par exemple […].
Le législateur a voulu les choses ainsi pour protéger la liberté de la presse qui est existentielle dans une démocratie. Cependant il ne faut pas protéger ceux qui te mauvaise foi veulent nuire […].
Je suis de ceux qui sont convaincus que la liberté d’expression, la liberté de la presse etc., sont vitales pour un pays. Seulement il faut qu’il y ait de la circonspection dans la prise de la parole sans pour autant que ça ne soit de l’auto censure ou autre. Il faut modérer, apaiser la parole publique tant il est évident de nos jours que l’unité nationale, la cohésion sociale, l’intégrité territoriale etc., sont quelque peu fragiles. Donc il nous faut faire attention à ne pas les détruire par nos langues à travers nos prises publiques de la parole relativement aux gouvernants.
À un certain moment, il faut regarder l’état du pays que ceux qui le gouvernent […].
L’autre problème est quand on viole la loi dans ce pays, personne ne te conseille, personne ne te critique pour ça. C’est quand on t’arrête pour avoir violé la loi que les gens se mettent à raconter toutes sortes d’histoires. Les fauteurs de troubles, les insulteurs 2.0 etc. sont souvent applaudis dans ce pays et c’est ce qui nous a conduits là où nous sommes aujourd’hui en termes de valeurs sociales, de valeurs morales etc., […].
Moi je pense qu’on peut dire sa part de vérité à une autorité, un chef, un aîné etc. sans impolitesse, sans insolence etc. C’est ce qui est exigé des gens par la loi […].
On a fait partir des régimes par l’excès de la parole, la violence civique etc., sans qu’aucun agent public, aucun procureur ne bronche etc. Ceux qui étaient procureurs à Bamako à l’époque savent ce que je leur ai dit quand le ministre Malick nous avait conviés en réunion au ministère. Je servais à Bougouni en ce moment.
Le régime n’était tombé que parce que ceux qui avaient l’obligation de maintenir l’ordre à Bamako, avaient baissé les bras, ils ont laissé faire par peur de je ne sais quoi et voilà où ça nous a conduit. Il n’est plus possible de faire la même chose encore. C’est la voie que nous avions indiquée par l’auto saisine à partir de 2021. Nous sommes des agents au service de l’état sans nous mêler de la gouvernance politique. On applique la politique pénale dégagée par l’autorité politique. Et si c’est bien appliqué, c’est naturellement cette autorité qui en tire les dividendes et ce n’est pas une raison pour dire que le magistrat est à la solde de X ou Y. Il est au service d’un état qui est forcément dirigé par quelqu’un donc par ricochet qu’on le veuille ou pas, il est au service de cette personne. C’est d’évidence ça. Je ne vois pas en quoi ça choque si ce n’est pas qu’on est dans un pays où la jalousie, l’égoïsme, la méchanceté et la haine ont pris trop de places dans le cœur de certains”.