Indubitablement, la démocratie est à l’épreuve du temps et des évènements qui ne s’y accommodent guère. Et pour cause ! Les intérêts de certains pays d’un côté et de certaines classes dirigeantes de l’autre s’avèrent difficilement conciliables avec les principes et valeurs démocratiques quels qu’ils soient.
Dans bon nombre de pays en soubresauts, la gouvernance est ponctuée de soulèvements, de coups d’Etat, voire de révolutions ; toutes choses qui sont aux antipodes des règles du jeu démocratique, modèle de gouvernance sans alternative viable et durable.
Au Mali, à la suite des actes de l’indépendance en 1960, notre propre démocratie trébucha durant des années sur la non reconnaissance officielle de partis d’opposition bien qu’ils existaient de fait.
Au lendemain du putsch militaire du 19 novembre 1968, la situation s’aggrava par l’embastillement des responsables et politiques du régime déchu décapitant ainsi toute voix discordante aux maitres du jour.
C’est dans cette turbulence de gouvernance changeant juste de façade en février 1978 par la victoire des colombes sur les faucons du régime militaire qui fit le lit à la clandestinité et au mépris de la diversité d’opinions politiques que survint la révolution de mars 1991 installant la première transition donnant naissance à la IIIème République.
Et de cette IIIème République, le Mali rayonna dedans comme dehors des splendeurs de la démocratie (libertés individuelles et collectives promues, Etat de droit de mise, diplomatie fascinante…), bref, les principes et valeurs démocratiques en vedette faisant du Maliba, un pays envié jusqu’à ces jours sombres de mars 2012 où le pays plongea dans la crise sécuritaire, doublée de crise militaro-institutionnelle débouchant sur un putsch contre le soldat de la démocratie, Président en fin de mandat.
Et bis repetita, en 2020 la même crise sécuritaire s’aggravant en plus de la gouvernance électorale décriée ouvrit la voie à l’intervention militaire.
Description sommaire faite de ce qui a prévalu au Mali jusqu’à ce jour, il sied de noter qu’un certain nombre de facteurs font le lit des assauts :
Méconnaissance du fonctionnement des institutions autant par les citoyens que par les acteurs politiques
Polarisation extrême de la politique
Corruption galopante
Mauvaise gouvernance généralisée
A la lumière de ce qui précède, il est aisé de constater que les exemples d’assauts se résument aux putschs contre les présidents élus, à la prise en otage des élections et à la montée en côte de l’extrême droite comme en témoignent les exemples ci-dessous.
Putsch contre les Présidents élus
Les évènements endogènes couplés à d’autres exogènes concourent à l’intrusion de l’armée sur la sphère politique en vue de résoudre d’inextricables équations de portée nationale qui se sont posées aux nations avec acuité. L’histoire politique de bon nombre de pays est ainsi marquée au fer rouge par des interventions militaires à répétition. Et c’est assurément un assaut contre la démocratie qui, par essence, est l’expression des urnes et non des armes.
Prise en otage des élections
Priver longtemps le peuple de son droit de vote est un piège insidieux qui débouche sur la contestation systématique des résultats.
Cette prise en otage se manifeste de diverses manières selon la situation des pays concernés. Dans tous les cas, il s’agit entre autres :
de report des élections souvent même dans une situation quasi normale comme c’est le cas récemment au Sénégal où le Président en fin de mandat constitutionnel rapporte son décret de convocation du collège électoral pour le 25 février prochain provocant la colère des électeurs et des candidats en ordre de bataille
de contestation violente des résultats comme l’attaque du capitole (siège du congrès américain) le 06 janvier 2021 par les partisans du Président défait Donald J. TRUMP pour protester contre la victoire de son adversaire Joe Biden. SITUATION INOUE dans l’histoire américaine ! Autre cas illustratif de cette catégorie de violence électorale : le 8 janvier 2023, Brasilia plongea dans la contestation, voire la violence perpétrée par les partisans de Bolsonaro suite à la victoire du socialiste Lula, le revenant.
La montée de la côte des nationalistes et partis d’extrême droite
C’est bien là une menace ou un assaut contre la démocratie avec à titre illustratif deux (02) exemples :
Argentine : dimanche 19 novembre 2023, les électeurs argentins élire un candidat d’extrême droite rejetant ainsi l’establishment du pouvoir symbolisé par la coalition péroniste.
Equateur : idem. Ici aussi, le candidat d’extrême droite remporta l’élection présidentielle le 15 octobre 2023 désavouant la classe politique classique qui gouvernait jusque –là.
Conclusion :
Les démocrates assistent avec grand désarroi à la transformation malencontreuse de la gouvernance en ce sens que les démocraties réputées fortes deviennent chancelantes et celles en formation sont moribondes. A qui la faute ?
L’auto critique, la maitrise efficace et efficiente des facteurs à la fois endogènes et exogènes sont autant de pistes pour apporter un début de solution à l’inextricable sujet qu’est l’alchimie de la gouvernance qui, une fois de plus je le rappelle « n’est pas un sujet de conversation pour diner mondain. Il faut de l’expertise en la matière ».
C’est à ce seul prix que les principes et valeurs démocratiques se consolideront et sortiront la tête de l’eau pour le bonheur des gouvernés et à la satisfaction générale. Autrement, les assauts et menaces ont, hélas, de beaux jours devant eux.
Bamako, le 12 février 2024
Mamadou Fadiala KEITA, Juriste
Coordonnateur de l’ONG AJCAD
Président de COMED
Président de COPER
Organisateur en chef/Conseiller Permanent Cri-2002