Modibo Keïta, Diori Hamani, Sangoulé Lamizana, Sékou Touré: Ces chefs d’État africains que furent-ils ?
Diori Hamani, Homme d’État, né en 1916, à Soudouré, en pays Zarma, au bord du fleuve Niger, près de Niamey et décédé à Rabat en 1989. En tant que fils de notable, Hamani Diori fut envoyé par l’administration coloniale à l’École des otages, puis à l’école normale William-Ponty de Dakar. Il entra ensuite à l’école nationale de la France d’Outre-mer à Paris pour enseigner le Haoussa, la plus importante langue du Niger, ce qui lui donna l’occasion d’entrer en contact avec le monde syndical.
De retour au Niger comme instituteur, il profita en 1946 de la libéralisation introduite par le discours de Brazzaville pour fonder le Parti progressiste nigérien (PPN) et devenir député du Niger. Aux côtés de Modibo Keïta, d’Ahmed Sékou Touré et de Félix Houphouët Boigny, il participa à la fondation du Rassemblement démocratique africain (RDA), dont le PPN devint la section nigérienne.
En août 1960, Hamani Diori devint président du Niger indépendant. Il se tint à l’écart de la Fédération du Mali et des progressistes (groupe de Casablanca), comme Sékou Touré et Modibo Keïta, et préféra suivre Houphouët Boigny et les modérés (groupe de Brazzaville) qui voulaient conserver des liens spécifiques avec la France. Mais au Niger, où les exactions de la colonne Voulet-Chanoine lors de la conquête et l’interdiction récente du parti Sawaba avaient laissé des souvenirs amers, la politique résolument francophile du président suscita une hostilité qui se manifesta par une tentative d’attentat à la sortie de la grande mosquée de Niamey (1964). Diori était conscient de cette hostilité et il resta dans le conflit du Biafra au Nigeria voisin (1967- 1969) en s’opposant au transit d’armes destinées aux sécessionnistes.
Ahmed Sékou Touré: homme politique guinéen. Il dut sa popularité à son non au référendum sur la Communauté proposé par le général de Gaulle en 1958 et à ses discours vitupérant le néocolonialisme. Il naquit à Faranah dans le massif du Fouta Djallon, dans le centre de la Guinée Conakry. Ahmed Sékou Touré débuta comme employé de bureau et se tourna rapidement vers l’action syndicale.
En 1947, il fut ainsi invité à assister, à Paris, à un congrès de la Confédération générale du travail (CGT). Peu après, il fit la connaissance d’Houphouët-Boigny qui lui proposa d’assurer la direction de la section guinéenne du Rassemblement démocratique africain (RDA). Le parti en raison de sa faible représentation fut d’abord apparenté au Parti communiste sur les bancs de l’Assemblée nationale, puis à partir de 1950, à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), le petit parti de centre gauche de François Mitterrand.
En 1958, à l’instigation de son voisin Kwame Nkrumah, dont le pays, le Ghana venait d’accéder à l’indépendance, il rejoignit le panafricanisme et le neutralisme militant en votant non au référendum sur la Communauté.
Les sociétés américaines remplacèrent et, malgré les violentes diatribes anti-impérialistes de Sékou Touré, exploitèrent la bauxite du pays qui abrite 90/o des réserves connues. Sékou Touré se sentit assiégé et développa une crainte de complots qui le firent s’enfoncer dans un pouvoir autoritaire. Son entourage était victime de purges souvent imaginaires, comme le poète et homme politique Fodeba Keita ou son ministre de l’intérieur Diallo Telli, ancien Secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).
Modibo Keïta: homme politique malien né à Bamako en 1915, décédé en 1977. Sorti de l’école normale William Ponty de Dakar en 1936, il fonda l’année suivante le syndicat des enseignants de l’Afrique-Occidentale française (AOF) avec le Burkinabè Ouezzin Coulibaly. En 1946, il se joignit à Houphouët Boigny pour créer à Bamako, le Rassemblement démocratique africain. Intégré dans le sérail des représentants de l’Union française à l’Assemblée, il entra dans les cabinets de Bourges-Maunoury et de Félix Gaillard (1957). C’est un fédéraliste comme la plupart des hommes politiques de la savane qui rêvent à l’unité d’autrefois, mais il est aussi pragmatique, car le Soudan français est un pays enclavé dont le seul poumon est la voie ferrée qui le relie au port de Dakar.
En 1959, il préside la Fédération du Mali, qui unit son pays au Sénégal, mais sa personnalité et son amitié avec Sékou Touré, qui a quitté la Communauté française avec fracas, heurtent les options socialisantes tout en nuances de Léopold Sédar Senghor. Après l’éclatement de la Fédération, il continue à présider son pays, qui a gardé le nom prestigieux de Mali. Sans rompre totalement avec la France, il se rapproche de la Guinée et du Ghana: création de l’Union des États de l’Afrique de l’Ouest, opte pour le «non-alignement», une formule dont il est l’auteur, et fait sortir le Mali de la zone franc.
Abdou Diouf: homme d’État sénégalais né à Louga en 1935 d’un père serer et d’une mère toucouleur. Il fréquenta l’école coranique comme tout jeune musulman, puis le lycée Faidherbe de Saint-Louis, la Faculté de droit de Dakar (1955) et l’école de la France d’Outre-mer à Paris. Ce parcours qui le fit surnommer “Abdou-sans faute” l’amena au lendemain de l’indépendance du Sénégal en 1960 à la tête de la province du Sine- Saloum (1961) auprès du président Léopold Sédar Senghor dont il devint le directeur de cabinet en 1963 puis le Président ministre en 1970.
Bon connaisseur des arcanes de la politique sénégalaise où les chefs religieux tijanes et mourides ont souvent plus d’importance que les tribuns modernistes, il lui restait encore à obtenir l’assentiment de la base électorale du chef de l’État.
Senghor en fit officieusement son dauphin en le présentant à l’élection de l’Union progressiste sénégalais (UPS) qui prit le label de Parti socialiste lorsqu’une démocratisation mesurée autorisa la création de trois autres partis politiques. Après la démission de Senghor le 1er janvier 1981, Diouf fut élu président du Sénégal. Il gagna sa réputation de “Sage de l’Afrique” en 1984-1985, président de l’OUA il mit son talent de négociateur au service d’un règlement en Afrique australe.
Le général Sangoulé Lamizana: après la mort d’Ouezzin Coulibaly, Maurice Yaméogo devient président de la République en décembre 1959 et son parti, l’Union démocratique voltaïque, remporte la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Yaméogo est un homme truculent, qui doit lutter contre les chefs tribaux et les marabouts de sa droite, et les étudiants et syndicalistes de sa gauche. Il prône l’austérité, combat la corruption, mais n’a pas les moyens de rénover son pays. La grève générale est proclamée.
Le général Sangoulé Lamizana prend le pouvoir, s’institue président de la République, dissout l’Assemblée nationale, suspend la Constitution, forme un gouvernement de techniciens et de soldats, entouré par un comité consultatif où siègent les politiques, et fait adopter un budget d’austérité sensiblement analogue à celui de son prédécesseur. “L’armée, dit-il, nous a appris deux choses: la discipline et l’économie des deniers de l’État”. L’armée devait remettre le pouvoir aux civils, mais les troubles de septembre 1966 entre les partisans de Yaméogo et ceux de Ki-Zerbo entraînent la suspension des activités politiques.
Le général impose un parti unique en 1974 puis revient à un multipartisme limité en 1978. Il gouverne au-dessus des partis, réussit à rétablir l’équilibre du budget et à rembourser une partie de ses dettes vis à vis du secteur privé. Il est renversé en 1980 par le colonel Saye Zerbo.