Lors de sa première apparition publique après son alitement le plus récent, le PM ne s’est pas seulement limité aux démonstrations sur fond de règlement de comptes. Il a également tenté de lever plusieurs équivoques sur sa personne, remontant jusqu’à son passage à l’AMRTP comme Directeur général. Un épisode qui avait laissé des traces indélébiles consignées dans certains rapports accablants que les limiers du Pôle économique et financier auraient même commencé à exploiter. Assez gênant pour que Choguel Maïga sente le besoin de monter au créneau pour tenter de battre en brèche les allégations sur sa gestion antérieure. Le survol du sujet devant les membres de son cabinet était une allusion à peine voilée aux affirmations antérieures de Me Kassoum Tapo sur la même question et auxquelles le président du Comité stratégique a tenté d’apporter un timide démenti. Il parle pour sa part de «prétendu dossier judiciaire» contre sa personne et d’orchestration de son arrestation dans la foulée des évènements insurrectionnels contre le régime IBK. En clair, le Pm réfute catégoriquement avoir eu maille à partir avec un juge et nie implicitement avoir bénéficié d’une sélectivité de la machine anti-corruption que dénonce l’avocat Me Kassoum Tapo. Notons que sur le dossier d’autres informations à confirmer ont trait à un non-lieu accordé par la justice aussitôt après l’accession de Choguel Maïga à la Primature, une décision d’autant plus polémique que sa nouvelle fonction devrait entraîner la suspension de toute procédure.
Le « revenant » Choguel Maïga dans tous ses états : « Être patriote au Mali, c’est critiquer la France »
Les résurrections du Premier ministre Choguel Maïga entrent finalement dans la tradition. Après son retour fracassant d’un long «repos forcé», l’année dernière, le chef du Gouvernement de transition a remis ça cette année encore, en revenant d’un alitement relativement long de trois semaines environ. Encore une fois, Choguel Maïga n’a pas boudé son plaisir d’avoir vaincu la maladie et déjoué les pronostics de ceux qui le donnaient pour mort. Il a marqué son retour jubilatoire par un long speech lyrique devant ses collaborateurs de la Primature, avec un mélange subtil de règlements comptes, de profession de foi et de réquisitoire.
Alors que les collaborateurs devraient s’attendre à leur mobilisation autour de la conduite de l’action gouvernementale, leur employeur leur aura plutôt servi un exercice d’introversion dictée par la cadence des clivages ayant eu raison de l’aile politique de la transition. Il s’agit du M5-RFP. Pendant que le mouvement se déchirait en mille morceaux à Badalabougou, les locaux de la Primature y jouaient leur partition en étant le théâtre d’une longue présentation scientifique de ses tendances antagonistes. Le Premier ministre, non moins président du Comité stratégique, entretenait les membres de son cabinet sur le caractère hétéroclite d’un mouvement dont il distingue au moins quatre groupes aux intérêts disparates : les taupes avec la mission d’étouffer le M5 de l’intérieur (et qui joueraient encore à faire échouer la Transition), les récupérateurs d’aspirations légitimes du peuple à des fins pouvoiristes, les manipulateurs d’intérêts religieux au dessein vénal inavouable, puis les adeptes du vrai changement dont il revendique le leadership, au nom de son engagement pour le changement, confiera-t-il au passage. Et de révéler avoir ainsi résisté à la sirène d’autres camarades qui, de guerre lasse, proposaient un deal avec le pouvoir d’IBK, allusion faite vraisemblablement à Me Mohamed Bathily de même qu’à l’imam Mahmoud Dicko pour les tendances religieuses indexées plus haut. Ce faisant, Choguel Maïga se réjouit par ailleurs que son option pour l’agenda de la majorité des Maliens ait coïncidé finalement avec celui de Dieu, qui tranchera dans la foulée au grand dam de ceux qui avaient concocté contre lui un mandat de dépôt dans le cadre du dossier de l’AMRTP.
Face à ses collaborateurs de la Primature, le chef du Gouvernement de la Transition s’est dit convaincu que ce basculement du destin est la récompense d’un labeur «honnête et correcte ». À contrario de ceux qui entretiennent des considérations d’intérêts mesquins porteurs d’inimités et de divergences susceptibles de détruire tout l’échafaudage que la Transition malienne est en train de structurer à l’échelle continentale et mondiale. «Les calculs ne font pas avancer (..). Ça me fait de la pleine qu’en Afrique toute les grandes choses qu’on entreprend tombent à l’eau souvent pour des futilités, des inimitiés entre deux ou trois personnes, des contradictions qu’on peut résoudre mais qu’on pousse à l’antagonisme et quand c’est antagonique à ce moment on cherche à s’éliminer et tout l’échafaudage tombe», a déroulé Choguel, en déplorant «les petits calculs de pouvoir et d’argent à contre-sens de l’histoire et du changement de paradigme en Afrique amorcé par un noyau de convaincus au M5. Les envolées lyriques du Premier ministre de Transition transitent ainsi brusquement vers les hostilités internes auxquelles se heurte l’AES, dont il revendique la paternité au nom du M5-RFP alors que les objectifs de ce mouvement à l’origine n’ont jamais préconisé une quelconque sortie de la CEDEAO.
En ont eu pour leur compte, dans la foulée, tous ceux qui avaient perdu foi en sa longévité. Et Choguel Maïga ne s’en est point caché et dit avoir démasqué parmi ses collaborateurs ceux qui sont sortis du bois pendant son alitement en pensant que c’était fini pour lui. «Malheureusement, ils ont perdu ce jeu…», a-t-il martelé. Tout en louant par ailleurs la loyauté de ceux qui sont restés égaux à eux-mêmes pendant son absence médicale, il en veut aux autres de n’avoir pas intégré l’agenda de Dieu que «personne ne peut arrêter». De quoi s’ouvrir une fenêtre de tir sur tous les autres concitoyens qu’il présente dans sa démonstration comme des adversaires tapis dans divers milieux corporatistes dont l’armée, l’administration, etc., alors que la Transition amorce une phase de son «processus irréversible» qui doit reposer davantage sur un travail politique que sur «l’action coup de poing des militaires». Et pour cause : une œuvre de conscientisation de la population lui paraît d’autant plus opportun qu’il importe de l’étendre aux concitoyens en mission de forces étrangères et dont la vassalité à l’extérieur serait même transmissible par le sang à leurs enfants. «Il y a des gens qui sont au service de ces forces étrangères …Ils ne finiront jamais et même leurs enfants vont téter ce lait là», a-t-il expliqué, en assurant reconnaître personnellement les grandes familles maliennes dont le servage au profit de puissances étrangères se lègue d’une génération à l’autre. Ceux qu’il appelle «agents de l’étranger», qu’il exclurait peut-être de la démarche de réconciliation nationale, sont reconnaissables, selon le Pm, à leur tendance à toujours épargner la France dans leurs critiques comme si épargner la Russie ferait des autres des agents de Moscou. Et, «la seule façon d’affronter la situation, soutient-il, «c’est de disposer d’un noyau de dirigeants déterminés» et d’une masse suffisamment sensibilisée. Une façon de redonner toute sa consistance et son utilité à une aile politique de la Transition minée par les querelles intestines, quitte à ramer à contre-courant d’une dynamique de réconciliation qui ne s’accommode guère de la divisant des Maliens par une chasse aux ennemis désignés de la patrie.
En définitive, ce que la maladie n’a pu affecter chez Choguel Maïga c’est le clivage.