Jugé rusé et intelligent par certains ; revanchard et manipulateur par d’autres, l’actuel Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, natif de Tabango (cercle d’Ansongo), est depuis quelques semaines, dans un tourbillon politique qui l’affaiblit davantage auprès de ses employeurs en kaki et du peuple.
Déposé par son propre camp, le M5RFP, et isolé par la classe politique dans sa très grande majorité, il est au bord de l’essoufflement surtout après son second « repos médical forcé ». Va-t-il se relever du creux de cette vague de dernière saison ?
En tout cas, au regard de cette situation, l’ancien président du comité stratégique du M5RFP doit savoir quitter à temps la table pour son propre honneur et sa propre dignité, des valeurs dont son parti, le MPR et lui-même ont toujours revendiquées.
Nommé le 07 juin 2021, à la faveur de la rectification de la trajectoire de la transition opérée, le 24 mai 2021, par les jeunes officiers patriotes, le Président à vie de l'agonissant MPR (Mouvement patriotique pour le renouveau) s'est cru obtenir un nouveau sang pour sa carrière politique. Ambitieux à l'extrême, il s'est vêtu d'un manteau impérial vis-à-vis tant de ses camarades du M5RFP, de la classe politique dont il est issu, que de ses employeurs en uniforme. Pensant être le leader incontesté et indéboulonnable de ce qu'il appelle lui-même les forces du changement, il s'est peu à peu créé les conditions de son isolement qu'il cherche à circonscrire pour perdurer à la primature.
Se croyant plus rusé, il a lui-même créé les conditions de son isolement et de son affaiblissement
Pressé de déposséder le pouvoir aux jeunes officiers qu'ils jugent inexpérimentés, l'ancien porte-parole d'un des gouvernements de feu IBK n'hésite pas à concevoir une loi électorale exclusivement à son avantage en vue de la faire adopter par le CNT. C'est lors de l'examen de cette loi que les membres du CNT ont apporté plus de 90 amendements, mettant ainsi fin à l'ambition du lièvre de Tabango de se positionner comme le seul maître à bord du Mali.
Dans la mouture qu'il a présentée au CNT, pour la constitution du collège de l'organe unique de gestion des élections, le Premier ministre désignait à lui seul 3 membres sur les 09, le Président de la transition 01, le Président du CNT 01, 04 autres institutions 01 chacune. Quelle audace !
A l'issue de l'examen, il s'est retrouvé avec un quota d'une place. Dès lors, il a créé une inimitié sauvage à l'endroit de Colonel Malick Diaw, Président du CNT.
Ayant compris son jeu, les officiers libérateurs ont attendu son retour du premier "repos médical forcé" pour nommer un des leurs, Colonel Abdoulaye Maïga qui assurait son intérim, Ministre d'Etat, une façon de le pousser vers la porte de sortie de la primature. Rien n'y fait. Comme si ce premier revers ne l'a pas réveillé de son profond rêve d'arracher le pouvoir, tout le pouvoir des mains des jeunes officiers patriotes.
Au lieu de mettre en œuvre la mission qui lui a été assignée par le Président de la transition à savoir « Travailler à fédérer davantage les intelligences et les énergies pour plus d’inclusivité dans le processus de refondation du Mali », il a commencé à s'attaquer virulemment à la classe politique issue du mouvement démocratique du 26 mars 1991, ensuite la communauté internationale et enfin à ses camarades de lutte politique du M5RFP.
Qui ne se rappelle pas de ses diatribes vexatoires, voire ses réquisitoires sans concessions contre le mouvement démocratique en lui faisant passer pour responsable de tous les maux auxquels le pays est confronté, alors même qu’il partage le bilan des 30 ans de gestion du pays.
Par ses diatribes et ses attaques en règle, il a contribué à cliver davantage les Maliens. Certains, qui pensent comme lui, sont qualifiés de patriotes et d’autres, qui ne partagent pas sa vision des choses, sont taxés d’apatrides ou d’opportunistes. Que dire de la campagne de haine contre la France et la communauté internationale ainsi que des organisations sous régionales, régionales et même internationales comme la CEDEAO, l’UA et l’ONU. Alors même qu’il encensait ces organisations avant d’être premier ministre, Choguel K. Maïga a fait un virage à 180 degré pour tout simplement gagner la confiance de son bienfaiteur, le Colonel Assimi Goïta afin de demeurer aussi longtemps que possible à son poste.
Auréolé de cette campagne anti-communauté internationale, l'enfant de Tabango s'est tourné vers sa propre famille politique qui est le M5RFP dont il tire sa légitimité. Refusant de céder le poste de président du Comité stratégique, alors même que son agenda primatorial ne lui permettait pas de s’occuper à la fois des affaires de l’Etat et de gérer comme il faut le Mouvement que certains leaders souhaitaient en faire un mouvement de veille, le PM a provoqué la première saignée du M5RFP avec le départ de certains ténors comme l’ancien PM Modibo Sidibé et les anciens ministres Konimba Sidibé, Mme Sy Kadiataou Sow, Mohamed Ali Bathily et Cheick Oumar Sissoko, pour ne citer que ces quelques ténors.
Pensant avoir la mainmise sur un mouvement hétéroclite comme le M5 RFP, le PM a voulu mettre à la tête du M5RFP des hommes corvéables et malléables à souhait. Erreur d’appréciation ou ambitions démesurées, ce sont ces hommes qu’il pensait maîtriser, qui lui ont destitué. A tort ou à raison il a accusé ouvertement des militaires à la base de sa destitution. Ainsi, à travers l'un de ses porte- voix, Colonels Malick Diaw et Abdoulaye Maïga sont nommément cités publiquement. Comme le dit un proverbe Bambara " Ce que tu apprends du petit balafon vient du grand balafon" !
Esseulé, il tente de renouer avec la classe politique pour prouver à ses employeurs qu'il pèse encore sur la scène politique !
« On ne vous a pas méprisés ou négligés », tels sont des propos tenus, le 07 mars 2024 par celui qui avait passé 03 ans à " smacher" la classe politique. Pendant près de 2 heures d'horloge, face à des leaders politiques dont les plus en vue y étaient absents, le lièvre de Tabango affirme que c'est une nouvelle page qui s'ouvre, raison pour laquelle Il appelle à faire l’union sacrée autour du chef de l’Etat. « S’il y avait des incompréhensions avant et que vous aviez le sentiment qu’on ne vous écoutait pas, on ne pouvait pas écouter. La maison brûlait et on ne pouvait pas passer le temps à demander qui a mis le feu. Nous avons décidé de passer à l’assaut pour éteindre le feu », avait souligné l'ancien porte -parole de feu le président IBK.
La rencontre entre le Premier ministre, Dr Choguel K. Maïga, et la classe politique n’a pas mobilisé les ténors de la classe politique. Plusieurs partis politiques comme le RPM, l’URD et l’Adema-PASJ pour ne citer que ceux-ci, qui ne sont pas les moindres sur l’échiquier politique national, ont jugé nécessaire de ne pas répondre à l’invitation du Chef du gouvernement, boudant ainsi sa rencontre. Ce qui isole un peu plus encore le Chef du gouvernement.
C’est un cinglant revers et camouflet pour le Premier ministre, qui entendait se remettre en selle en s’affichant aux côtés des formations politiques après son divorce consommé avec ses camarades du M5RFP, jugent plusieurs observateurs de la scène politique. Donc, ce fut une rencontre inutile. Des acteurs de la vie politique avaient estimé que la rencontre avec Choguel K Maïga n’est plus nécessaire jugeant même inutile. “Le premier ministre a dit que tout va bien dans le pays et qu’il peut à la limite se passer de la classe politique”, a indiqué un de ces acteurs sous le couvert de l’anonymat. Plus sérieusement, “c’est le président de la Transition que nous voulons rencontrer afin d’échanger de vive voix avec lui sur les principales préoccupations de la vie de la Nation et non le Chef du gouvernement”, soulignaient plusieurs d’entre eux. En somme, ils ont estimé que le Premier ministre n’est qu’un faire-valoir. Pour eux, Choguel K. Maïga n’a aucun pouvoir de décision. “C’est une perte de temps d’échanger avec lui”, soulignait l’un deux.
En snobant la rencontre, la classe politique a rendu au président du MPR la pièce de sa monnaie. Lui, qui depuis sa nomination à la tête du gouvernement, n’avait affiché “que du mépris et du dédain envers la classe politique en l’accusant de tous les péchés d’Israël”, selon plusieurs observateurs de la scène politique. A titre de rappel, la demande d’audience déposée depuis août 2021 par le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie à la primature est restée jusqu’ici une lettre morte.
Au regard de ce tourbillon, l'enfant de Tabango doit se rendre compte que son " soleil " est en train de sombrer. Donc, avant qu'il ne soit chassé qu'il démissionne pour aller se reposer. Nul n'est indispensable.
Cyrille Coulibaly
Source : Le Nouveau Réveil