Le Mali est l’un des plus grands producteurs de viande en Afrique, le 3e produit d’exportation après l’or et le coton. Particulièrement les bœufs dont la viande, la peau et autres, exportés ou vendus sur place, rapportent gros à l’économie nationale. Sur un bétail, rien ne se perd y compris les cornes, la tête, les pattes, les abats, la queue, etc. La queue de bœuf l’objet de la présente enquête. Elle est très prisée surtout en ce mois de ramadan. Un marché à part entière.
Pendant le mois de ramadan, les activités génératrices de revenus sont fortement pratiquées à travers la capitale malienne. Ces activités sont principalement liées au commerce d’aliments préparés pour la rupture. Parmi les aliments les plus vendus, figure bien sûr la queue de bœuf. Très sollicitée de tout temps, cette partie du bœuf qu’elle soit crue ou préparée fait de nos jours le bonheur de nombreuses vendeurs et clients.
Partie du bœuf très savoureuse après une bonne cuisson et bien prisée par certaines catégories de consommateurs, la queue fait l’objet d’un commerce florissant ces temps-ci. En avoir pour sa consommation relève du parcours du combattant. Son manque constant sur les points de vente atteste cette réalité.
En effet, la queue de vache provient des abattoirs frigorifiques de la place. Une fois les bœufs égorgés, les queues sont soigneusement coupées par le dépeceur en charge des autres abats tels que les intestins, l’estomac, le foie, les poumons, les pattes et même la peau. Ainsi, le dépeceur les vend à des femmes au marché. Celles-ci à leur tour les revendent avec leur marge bénéficiaire. Le reste de l’argent est remis au dépeceur pour le compte du propriétaire de l’animal.
Le marché de Sabalibougou au cœur du business
Ainsi, pour obtenir une queue de bœuf, il faut obligatoirement passer par les femmes en charge de la vente au détail. Lors de notre enquête, les femmes du marché de Sabalibougou en Commune V, au cœur de ce business florissant, ont révélé que les anglophones (Ghanéens et Nigérians) vivant au Mali aiment à la folie la queue de bœuf. Ils en font certains de leurs plats traditionnels favoris dans leurs restaurants ou gargotes, avec une clientèle connaisseur, à l’image de leurs compatriotes vivant au Mali.
La queue de bœuf est vendue en l’état, il revient aux clients de la nettoyer à leurs frais. Des jeunes gens sont installés dans le marché pour ce travail de nettoyage, payés à la tâche entre 500 F CFA à 1000 F CFA par queue.
Sounkoura Bagayoko, vendeuse de queue témoigne de cette réalité. D’après elle, la queue est très difficile à obtenir ces derniers temps. “En plus des locaux, les Ghanéens et les Nigérians s’en approvisionnent en grande quantité. Ce sont d’ailleurs eux qui achètent le plus. C’est l’une des raisons pour laquelle on a souvent du mal à en avoir parce que ceux-ci en achètent en grande quantité”, affirme la vendeuse.
Selon les renseignements que nous avons reçus sur place, ce sont ces mêmes Anglophones qui montent les enchères autour de cette marchandise bien particulière. Ces derniers passent commande auprès des femmes vendeuses à qui ils remettent en avance une importante somme d’argent. Donc quelle que soit la quantité obtenue, les premiers à avoir payés sont les premiers servis, nous a-t-on dit.
Les prix des queues varient de 1500 F CFA, 2000 F CFA, 3500 F CFA, 5000 F CFA à 6000 F CFA, voire 7000 F CFA. Notre interlocutrice indique que ces prix sont fixés en fonction de la taille de chaque queue. Selon qu’elle soit longue et bien charnue avec une masse qui peut atteindre 2 à 3 kg l’unité. “Peu importe le prix, on trouve toujours des clients pour acheter la queue de bœuf. Les gens en raffolent à cause de son goût. C’est un aliment délicieux à déguster pour la rupture du jeûne”, ajoute Sounkoura Bagayoko, vendeuse au marché de Sabalibougou.
Djénébou Camara, également vendeuse de queue dans le même marché, révèle que sa marchandise coûte assez chère pendant le mois de ramadan. Pour cette raison, dit-elle, il est impératif de se déplacer dans les abattoirs de Missabougou et du Sans-fil pour pouvoir en avoir à des prix abordables. “Ce n’est pas tout le monde qui peut avoir cette partie de la vache. Elle est très sollicitée, donc difficile à avoir”, précise-t-elle.
Difficultés d’approvisionnement
Abondant dans le même sens que notre précédente interlocutrice, une autre vendeuse de viande et abats installée depuis des années au marché de Sabalibougou soutient qu’elle rencontre d’énormes difficultés pour son approvisionnement en queue de vache. Et pour cause. La vendeuse affirme qu’il est très difficile de négocier le marché auprès des abattoirs, principaux lieux d’approvisionnement. Et de poursuivre : “Il y a des femmes qui peuvent vendre un sac rempli de queue entre 8 h et 12 h. Mais, ce commerce est un véritable réseau. Il faut avoir des gens sur qui compter sinon tu ne peux pas en avoir”.
La queue de vache est davantage recherchée pendant ce mois de ramadan. Des jeûneurs ont toujours envie de la déguster après la rupture. Yaya Dembélé fait partie de ceux qui raffolent de ce mets délicieux à la rupture du jeûne. “Cette soupe est juste une merveille. Je ne peux pas m’en passer. J’en mange au moins trois fois dans la semaine”, affirme le client venu s’en procurer à Sabalibougou.
Même si le marché de Sabalibougou n’est pas le seul point de vente de queue de bœuf, il est l’un des plus connus et sollicités à Bamako. Selon certains usagers, il est malgré tout le marché où les prix sont les plus abordables. Sinon d’autres endroits comme la devanture de la Paierie générale du trésor, le marché Dibida ou encore chez quelques rôtisseurs de la capitale comme aux abords du marché de Baco-Djicoroni ACI, en face du commissariat de police de l’ex-15e arrondissement (rebaptisé commissariat de Baco-Djicoroni) sont réputés être des points de vente.
Dans nos investigations, nous apprenions que l’engouement autour de la queue de bœuf a fait exploser son prix ces derniers temps. La loi de la demande est supérieure à l’offre. Sinon il y a quelques années (environs dix ans), les prix unitaires allaient de 750 F CFA à 1500 F CFA, en fonction de la grosseur.
Présentement, à Bamako, ce commerce connaît un succès hors du commun et attire de plus en plus de clientèle étrangère. Aussi, plusieurs vendeurs et intermédiaires maliens se mêlent dans la danse.