Leaders des partis les plus influents du pays ne se reconnaissent plus dans la gestion de la transition qui, selon eux, a pris fin le 26 mars 2024 (REFJDMH469)
Depuis le 10 avril 2024, un décret (décret n°2024-0230/PT-RM du 10 avril 2024) du président de la Transition suspend jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l’étendue du territoire national. Une décision naturellement rejetée par les partis politiques, regroupements politiques et organisations de la société civile qui y voient une violation flagrante des textes en vigueur, notamment les constitutions du 25 février 1992 et du 23 juillet 2023 ainsi que la Charte des partis.
C’est officiellement pour «des raisons d’ordre public» que le président de la Transition a pris un décret le 10 avril 2024 pour suspendre les activités politiques au Mali jusqu’à nouvel ordre. Dans un communiqué publié dans la foulée, le ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a indiqué que «cette mesure participe substantiellement à créer les conditions pré-requises devant être réalisées pour mener des activités majeures de la transition». Il a particulièrement évoqué le dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale dont la phase communale a débuté le week-end dernier.
«Cet exercice salvateur (dialogue) visant, entre autres, à recoudre le tissu social et à renforcer la cohésion nationale affaiblie par une décennie d’insécurité multidimensionnelle, doit se dérouler dans un climat de sérénité et non de cacophonie», a-t-on précisé dans le communiqué. Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (porte-parole du gouvernement) a néanmoins tenu à rassurer les présidents des partis politiques et les présidents d’associations menant des activités politiques, que «le retour à l’ordre constitutionnel sécurisé et apaisé demeure l’une des priorités des autorités de la Transition».
A titre de rappel, a-t-il souligné, cet «objectif cardinal» a été amorcé, d’une part, par l’adoption de la constitution du 22 juillet 2023 et, d’autre part, par le réajustement de l’agenda électoral de la transition désormais limité à l’organisation de l’élection présidentielle. Pour le gouvernement, «ces actions des autorités de la transition symbolisent leur bonne foi et traduisent éloquemment leur volonté de mettre en œuvre cette priorité» qui est le retour à l’ordre constitutionnel.
Mais, les partis et associations politiques considèrent cette mesure comme une camisole de force qu’ils refusent de porter. Dans une déclaration publiée jeudi dernier (11 avril 2024), ils ont rejeté ledit décret. Selon cette coalition, la décision des autorités en place viole les constitutions de 1992 et de 2023 ainsi que des lois encore en vigueur au Mali, notamment la Charte des partis politiques et la loi modifiée relative aux associations. «Ces atteintes graves aux libertés démocratiques sont sans précèdent dans l’histoire du Mali depuis la chute de la dictature militaire du Général Moussa Traoré» le 26 mars 1991 suite à une insurrection populaire, ont-ils dénoncé.
Ils y affirment que, à partir de cet instant, ils vont non seulement l’attaquer (le décret) devant toutes les juridictions nationales et internationales indiquées, mais aussi que, dans ces conditions, ils ne participeront «à aucune activité organisée par le gouvernement, y compris le soi-disant dialogue inter-Maliens». Il faut rappeler que, le 31 mars dernier, des partis (RPM, ADEMA, PARENA, CODEM, YELEMA, M5-MALI KURA…) et organisations de la société civile ont publié une déclaration commune pour exiger la mise en place d’une nouvelle architecture institutionnelle afin d’organiser la présidentielle dans les meilleurs délais.
Dans la déclaration, ils ont rappelé que la durée de la transition a été fixée à 24 mois à partir du 26 mars 2022 par l’article 22 de la loi N°2022-001 du 25 février 2022 révisant la Charte de la Transition et le décret N°2022-0335/PT-RM du 6 juin 2022 fixant le délai de la transition à deux ans au lieu des 18 mois préalablement fixés. Ainsi, ont-ils souligné, la transition a pris fin mardi dernier, 26 mars 2024. Dans une déclaration publiée jeudi dernier, la Commission nationale des Droits de l’homme (CNDH) a annoncé avoir pris connaissance de cette décision de suspendre les activités politiques qu’elle a considérée comme «une atteinte à certaines libertés fondamentales, notamment les libertés d’association, d’opinion et d’expression». La CNDH s’est dite convaincue que, au lieu «d’apaiser le climat social», «ces restrictions aux droits et libertés fondamentaux constituent des facteurs potentiels de troubles et de tensions dont le pays n’a pas besoin».
Après le coup d’Etat du 18 août 2020, une transition politique est en cours dans notre pays depuis le 15 septembre 2020. Préalablement fixée à 18 mois, elle a été prolongée dans un premier temps jusqu’au 26 mars 2024. Mais, le 25 septembre 2023, le gouvernement a reporté à une date ultérieure la présidentielle prévue les 4 et 18 de février dernier et qui devait marquer le retour à l’ordre constitutionnel.