Président du Comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens, l’Ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, surnommé Pinochet en hommage à sa rigueur et son franc parlé, porte une lourde responsabilité face à l’histoire. Auréolé de gloire durant tout son parcours professionnel impressionnant, il marche actuellement sur des œufs, avec ce Dialogue qui ne se déroule guère dans un esprit de cohésion sociale, avec notamment la suspension des activités d’acteurs majeurs de la vie nationale que sont les partis politiques, en plus de la suspension des activités politiques des associations.
A l’annonce d’un Dialogue inter-Maliens, ce fut la joie et l’enthousiasme parce que les Maliens allaient enfin trouver l’occasion de se parler, entre frères et sœurs, et essayer de trouver, ensemble, des solutions efficaces aux problèmes qui minent la stabilité du pays depuis plus d’une décennie.
Comme le disent si bien les Termes de références de ce Dialogue, “l’objectif général est de contribuer à la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale”. Un objectif noble, en mesure de mobiliser tous les citoyens, de l’Intérieur du pays et de la Diaspora, pour contribuer de façon déterminante à la réussite de cet événement. C’est d’autant plus important que, selon les objectifs spécifiques, cela devrait permettre d’organiser un cadre de dialogue inter-maliens ; d’identifier les sources des crises qui affectent le pays et les conditions de retour des réfugiés et des déplacés ; prévenir et gérer les conflits en valorisant les mécanismes endogènes de gestion pour la consolidation de la paix ; identifier les stratégies et les mécanismes de restauration de l’autorité de l’État dans la consolidation de la paix…
S’y ajoutent le renforcement de la confiance entre les populations et les Forces armées et de sécurité ; le renforcement de la participation des femmes, des jeunes et des personnes vivant avec un handicap dans les mécanismes de prévention et de résolution des conflits et surtout, pour tous les Maliens, avoir une compréhension commune des meilleurs choix relatifs aux voies du Dialogue.
En faisant appel à l’Ancien Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, pour présider le Comité de pilotage de ce Dialogue national, tout le monde est d’avis de la bonne qualité de ce choix, disons de ce casting, eu égard à la renommée de l’intéressé, fondée sur une expertise et une moralité au-delà de tout reproche.
En effet, qui ne connaît pas Pinochet dans ce pays ? Ancien Premier certes, mais aussi le grand artisan de la réussite de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2002) au Mali, en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports.
Rappelons qu’après ses études en ex-URSS puis aux Etats-Unis d’Amérique, il a travaillé à la Banque mondiale et au ministère des Finances français, avant de rentrer au bercail pour travailler au ministère des Finances. Il a d’ailleurs été directeur général adjoint de la Caisse autonome d’amortissement. Après l’élection d’Amadou Toumani Touré, il entre au gouvernement d’Ahmed Mohamed ag Hamani, le 14 juin 2002, en tant que ministre de l’Économie et des Finances, avant de devenir ministre des Transports et de l’Équipement, à la suite du remaniement ministériel du 16 octobre 2002.
Nommé Premier ministre par ATT, le 29 avril 2004, il assumera les fonctions de chef du Gouvernement jusqu’en 27 septembre 2007, date à laquelle il a rendu sa démission. Modibo Sidibé est son successeur à la Primature. C’est donc un casting très réussi que le choix de Pinochet pour conduire à son terme ce Dialogue national dont les Termes de référence sont en parfaite adéquation avec les préoccupations nationales du moment. Mais comme on le sait, au Mali, les textes sont une chose et leur application en est une autre. On a d’ailleurs l’habitude de dire qu’au Mali on a de très bons textes, mais qui sont, malheureusement, mal appliqués très souvent.
Au crépuscule de sa vie professionnelle bien remplie, Ousmane Issoufi Maïga, revenu de sa retraite tranquille pour répondre à l’appel de la Nation, se trouve donc face à l’histoire. D’ores et déjà, il doit marcher sur des œufs pour ne pas décevoir la trop grande confiance placée en lui. Alors qu’il doit conduire ce Dialogue plongé dans un contexte déjà piégé par la mesure prise par le Gouvernement de transition, notamment celle de suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations.
C’est en toute logique que la plupart des grandes formations politiques ont donc décidé de ne pas participer à ce Dialogue, malgré l’invitation qui leur est adressée par les autorités aux niveaux local et national. C’est d’ailleurs à n’y rien comprendre : suspendre les activités des partis politiques et ensuite les inviter à une activité hautement politique qu’est le Dialogue inter-Maliens !
Pour l’histoire, ce Dialogue est associé au nom de l’Ancien Premier Ousmane Issoufi Maïga. Sa réussite est loin de résider dans des rassemblements de femmes et hommes pour servir de prétexte à un rapport. Mais sa réussite réside bel et bien dans la qualité des débats induits par la pertinence des questions soulevées aux fins d’aboutir à des conclusions consensuelles.
De toute façon, en l’absence des acteurs majeurs de la vie politique nationale, le Dialogue suit son cours et les jugements qu’on en fera à l’heure de la publication des conclusions, en dira long sur sa portée réelle et sa crédibilité. Il s’agira, en ce moment-là, de pouvoir répondre aux questions suivantes : Dialogue institué pour seulement légitimer la prolongation de la Transition, entre autres préoccupations du pouvoir actuel ? Dialogue très instructif parce qu’ayant produit des conclusions en phase avec les aspirations actuelles du peuple malien ? Dialogue avec des conclusions qui confirment qu’il s’agit simplement d’une grand-messe nationale de plus, comme les Assises nationales de la Refondation ? Autant de questions, entre autres, dont les réponses se trouvent dans les conclusions qui seront rendues publiques.