Le grand dossier de cette semaine est consacré à la santé et plus particulièrement à la chirurgie. Pour en savoir davantage sur cette question, nous avons approché le Dr Togo. Qu’est-ce qu’un chirurgien ? Qu’est ce que la petite chirurgie ?Quelles sont les difficultés auxquelles les chirurgiens Maliens sont confrontés ?Quels bilans faites-vous de la situation sanitaire au Mali ?Quelles sont les difficultés qui défavorisent une meilleure visibilité de nos structures sanitaires sur la scène sous-régionale ? Que proposez-vousen vue de l’amélioration du dispositif sanitaire? Que proposez-vousen vue de l’amélioration du dispositif sanitaire? : voila autant de questions qui ont été posées par le Flambeau et répondues avec brio par le Dr Togo au cours de cette interview. Notons que le Docteur Togo est Chirurgien thoracique et cardiovasculaire à l’hôpital du Mali et Maitre-assistant en chirurgie thoracique et cardiovasculaire à la FMPOS.
Le Flambeau : Qu’est-ce qu’un chirurgien ?
Un chirurgien est un médecin qui pratique la chirurgie.La chirurgie étant elle-même une partie de la médecine qui est l’art consistant à pratiquer une intervention manuelle et/ ou instrumentale sur le corps humain. C’est l’ensemble des techniques médicales consistant en une intervention physique sur les tissus, notamment par incision et suture.
Le Flambeau : Qu’est ce que la petite chirurgie ?
La petite chirurgie concerne des actes chirurgicaux simples, pratiqués sans anesthésie ou sous anesthésie locale, dont certains sont réalisables par un médecin non chirurgien ou un technicien de santé par exemple. Cette chirurgie est praticable dans les conditions très simples ou les malades sont souvent très reconnaissant des soulagements reçus. Comme exemple de petite chirurgie, nous pouvons citer la mise à plat d’un abcès sous cutané.
Le Flambeau : qu’en est-il de la chirurgie thoracique et cardio-vasculaire ?
La chirurgie thoracique et cardiovasculaire est une partie de la chirurgie qui traite les maladies du cœur, des poumons, des veines et des artères. En résumé, elle traite tous les organes qui se trouvent à l’intérieur de la poitrine (thorax) et tous les vaisseaux du corps humain. Les opérations sont très variées.
Le Flambeau : Quelles sont les difficultés auxquelles les chirurgiens Maliens sont confrontés ?
Nos difficultés sont nombreuses. Nous pouvons citer à titre d’exemple, entre autres, la formation et l’engagement des chirurgiens pour une couverture sanitaire adéquate sur l’ensemble du territoire national ; la recherche peu développée dans le domaine de la chirurgie au Mali ; le cadre administratif du service public qui répond difficilement au besoin des services de chirurgie pour manque de ressources financières ; l’insuffisance du matériel et des infrastructures dans les hôpitaux avec l’insuffisance de politique nationale afin de développer les disciplines chirurgicales émergentes ; le manque de ressources humaines qualifiées dans l’exercice de la pratique dans les différents niveaux de soins ; et les problèmes socio-économiques du praticien dans les pays pauvres (faible salaire, peu de motivations, conditions de vie précaires …).
Le Flambeau : Quels bilans faites-vous de la situation sanitaire au Mali ?
Quelques mois après le début de la crise au Mali, la situation reste extrêmement précaire au niveau, sanitaire, humanitaire, alimentaire et nutritionnel. Les populations maliennes réfugiées et déplacées ont entamé le voyage retour en masse exprimant un besoin pressant de soins alors que le rétablissement des services de soins à cause des conditions de sécurité dans le nord du pays n’est pas encore effectif.
Les services de soins connaissent un problème de ressource humaine, d’équipement et d’infrastructure ce qui affecte la qualité des soins. Le faible pouvoir économique de la population ne permet pas de s’offrir des soins de qualité. Avec la crise malienne, la situation sanitaire du pays n’est pas au beau fixe.
Le Flambeau : Quelles sont les difficultés qui défavorisent une meilleure visibilité de nos structures sanitaires sur la scène sous-régionale ?
Le manque important de soins préventifs et médicaux, la barrière financière qui empêche les plus pauvres d’avoir accès aux soins de santé ainsi que des structures de santé peu fonctionnelles sont les principaux problèmes constatés. Trop de personnes, et surtout des enfants de moins de cinq ans, meurent de paludisme, de diarrhées etc. …, faute de soins. Le Mali affiche le troisième taux de mortalité infantile le plus élevé au monde. Le faible pouvoir économique de l’état gangrené par la corruption n’est pas en faveur de l’exécution de la politique sanitaire nationale. Au nord un taux de malnutrition sévère lié a la crise. Globalement, depuis l’année dernière, nous observons une dégradation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle comme partout ailleurs dans le Sahel. La situation est toutefois probablement pire au Mali en raison d’une prise en charge d’enfants mal nourris qui a fait défaut dans le nord suite au conflit et, d’une manière générale, à la faiblesse des services de santé étatiques. Entretemps, la majorité du personnel médical a été réaffecté vers d’autres régions. Ceci dit, la référence des cas et leur prise en charge restent difficiles.
Le Flambeau : Que proposez-vousen vue de l’amélioration du dispositifsanitaire?
Il nous faut contacter de nouveaux partenaires pour compléter et appuyer le dispositif de la couverture sanitaire dans le nord du pays et les zones d’accessibilités difficiles du pays.Privilégier donc les endroits fortement peuplés, les axes routiers, les villes et les gros bourgs afin de fournir un paquet minimum de soins pour une partie importante de la population qui n’a pas accès aux soins de santé. Offrir un paquet minimum de soins médicaux et préventifs.Un traitement correct de la malnutrition et assurer un système de référence fonctionnel. Equipement des hôpitaux et formation du personnel pour mieux faire face aux cas de référence- évacuation.
ACTUALITE NATIONALE :
Le Flambeau : Quels regards portez-vous sur les dernières élections présidentielles ?
Malgré certaines imperfections décriées par les différents acteurs, les élections ont été appréciées et validées par la communauté internationale. Nous devons donc féliciter les institutions d’organisation électorale et tirer aussi toutes les leçons des disfonctionnements constatées afin de mieux organiser les élections futures. Une participation massive des électeurs montrait l’engouement du changement et d’un Mali nouveau débarrassé du terrorisme. Un fair-play entre les candidats montrait aussi une certaine maturité démocratique du Mali. Cependant le défi reste très grand à relever au sorti d’une situation de chaos menaçant même l’existence de la nation malienne. Le bout du tunnel n’est pas pour demain.
Le Flambeau : Que proposez-vous pour la résolution définitive de la crise du Nord ?
Mes propositions s’articulent autour de 8 points essentiels dont :
1- Résoudre le problème de la rébellion touareg en ouvrant des négociations et un dialogue inclusif du nord au sud.
2- Résoudre la question sécuritaire en renforçant la capacité de l’armée malienne à sécuriser toute l’étendue du territoire national carle nord a été délaissé sur le plan militaire ce qui a permis l’installation de l’islam radical. Lequel a déstabilisé cette démocratie malienne encore fragile.
3- La distribution du pouvoir car le manque de circulation du pouvoir pose un réel problème à la gouvernance du pays. La classe politique dirigeante n’accepte pas le renouvellement. La principale discrimination dans le pays concerne les jeunes qui à mon avis doivent générer les énergies compétentes pour le développement du Mali de demain.
4- L’implication de la diaspora dans la construction nationale.
5- Résoudre les questions de l’armée Malienne.
6- Résoudre les problèmes de l’école, de la santé, de l’insuffisance alimentaire, des infrastructures, l’emploi des jeunes, accroitre les investissements…
Le Flambeau : Quelle analyse faites-vous sur la situation actuelle du Mali sur les plans politique, économique, social, culturel et démocratique ?
Pays sahélien (en partie sahélo-saharienne), géographiquement enclavé, le Mali est principalement agricole, mais l’augmentation de la production vivrière n’a pas suivi la croissance démographique. Ceci n’est pas dû exclusivement aux conditions climatiques défavorables, mais aussi et surtout aux systèmes de production dominés par l’économie naturelle et à l’exode des producteurs agricoles ruraux vers les villes. Mais le dernier fléau qu’a connu le pays qui en souffre pour longtemps, est bien la conséquence de la mauvaise politique économique des gouvernants depuis l’indépendance. Le pays est plus dépendant des apports extérieurs et la crise est supportée par la majorité de la population défavorisée moyennant une politique discriminatoire de redistribution sociale et de rémunération des facteurs de production.
Un ensemble de programmes de sauvetage du pays épuisé et meurtri sous le poids des crises économiques, financières et alimentaires (donc sociales et politiques) est confié principalement aux organismes étrangers. La dégradation socio-économique du Mali s’exprime non seulement par les mauvaises conjonctures et les sécheresses qui ont affecté le Sahel, mais aussi et surtout, par l’hypothèque du pays et la paupérisation de ses habitants. Depuis une vingtaine d’années, le Mali dépend de plus en plus des apports extérieurs sans pour autant pouvoir entreprendre une capitalisation interne. Cette dépendance concerne aussi bien les investissements que les consommations.
Depuis les années 1990, une démocratie calquée à l’occidentale ne cesse de montrer ses limites dans un pays ou la pauvreté et la misère demeurent la préoccupation majeure de la population. Ce qui vient de se passer au Mali démontre encore que notre démocratie reste encore fragile.
Le Flambeau : Quel message souhaiteriez-vous adresser à l’ensemble du peuple malien ?
Nul ne bâtira le Mali à notre place ! L’organisation, le travail, la rigueur, la promotion de la compétence, la discipline, la justice sociale (bannir l’impunité) peuvent en être la clef de notre développement si nous voulons bien y croire.