L’affaire des avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil National de Transition (CNT) a été portée, fin avril 2024, devant la Cour suprême et le Bureau du Vérificateur Général par le Réseau des Associations Malienne de Lutte contre la Corruption et la Délinquance Financière (RAMLCDF) pour l’ouverture d’enquêtes.
ÀBamako, la polémique autour de la controversée loi organique du Conseil National de Transition (CNT) n’a pas connu son épilogue. Critiquée et contestée par des acteurs politiques et sociaux, la proposition de loi, relue le 25 avril dernier en huis clos, sera de nouveau sur la table de la Cour constitutionnelle pour contrôle de conformité avec la Constitution.
L’institution judiciaire avait, pour rappel, déclaré non conformes à la Loi fondamentale six des neuf articles que comporte la loi. Laquelle a pour objectif, selon un membre de l’organe, d’«instituer un cadre juridique parce que les députés passés se sont attribués des sommes arbitraires sans cadre juridique».
En attendant le second arrêt de la Cour constitutionnelle, le Réseau des Associations Malienne de Lutte contre la Corruption et la Délinquance Financière (RAMLCDF) a saisi la section des comptes de la Cour suprême et le Bureau du vérificateur général. Dans sa lettre de saisine, consultée par Nouvelle Afrique, le Réseau «dénonce des violations graves de lois des finances en cours au Conseil National Transition, consistant pour ses membres, non représentants de la nation à s’octroyer, sans titre ni droit, des indemnités colossales, des avantages frauduleux avec des montants indiscutablement effrénés, ainsi que d’autres avantages exagérés frôlant la démesure et l’insouciance, le tout, sans base légale ou le moindre socle juridique».
Ce regroupement, dirigé par Moussa Ousmane Touré, demande aux deux structures d’ouvrir des enquêtes aux fins de situer les responsabilités des faits qui ont occasionné aux membres du Conseil National de Transition de s’octroyer les salaires et avantages.
Des salaires et primes inconnus
Ces avantages sont constitués d’une dizaine d’indemnités, des fonds spéciaux et des salaires. Le montant global de ces émoluments reste officiellement inconnu. Selon le Réseau, le coût de ces avantages est au moins trois millions FCFA en dehors du salaire calculé sur la base de l’indice le plus élevé de la fonction publique.
La coalition des partis politiques signataires de la Déclaration du 31 Mars évoque 2.500.000 FCFA par mois et par membre en dehors du salaire. Le Journal du Mali, un magazine d’informations, parlait en 2021 d’un total de 2.250.000 FCFA en période de session. «Certains peuvent percevoir moins de deux millions FCFA/mois et d’autres plus en fonction du niveau de responsabilité», a confié source parlementaire.
«Ces avantages indûment perçus, en plus d’être des violations graves de lois des finances au niveau du Conseil National de Transition, constituent des cas classiques de délinquances économiques et financières, d’enrichissement illicite, d’atteinte aux biens publics, de détournement et de dilapidation de deniers publics, tous faits répréhensibles impliquant la restitution des indus, sans préjudice de la mise en mouvement tôt ou tard de l’action publique», précise le Réseau dans sa lettre de dénonciation.
«Blanchir une infraction»
Selon l’organisation, la loi organique controversée a été initiée par le 1er questeur Nouhoum Dabitao, qui a démissionné le 7 mars dernier du CNT pour se mettre à la disposition de la justice dans le dossier de «l’achat des équipements militaires». Son caractère rétroactif est décrit par l’ex-ministre Daba Diawara comme un moyen de « blanchir une infraction pénale».
«Les honorables Issaka Sidibé (ancien président de l’Assemblée nationale), Mahamadou Diarrassouba et leur présumés complices sont aujourd’hui en prison pour avoir fait pour les députés, ce que le colonel Malick Diaw, le colonel Dabitao et leurs collaborateurs ont fait pendant des années pour les membres du CNT», rappelle ce juriste-chercheur dans une tribune datée du 1er mai 2024. Il s’agit de l’ancien président de l’Assemblée nationale, son questeur et son comptable écroué depuis août 2023 pour «atteinte aux biens publics».
Dans l’affaire du CNT, des voix s’élèvent pour réclamer «le reversement au trésor public de l’ensemble des avantages indûment perçus jusque-là». Nouhoum Sarr, l’un des 147 membres de l’organe législatif, est catégorique : le CNT n’enlèvera rien, même 1 FCFA des indemnités et avantages.
La Cour constitutionnelle est attendue pour son second arrêt.