Quand on écrit pour consigner les faits historiques, le devoir d’exactitude et de perfection s’impose et devrait l’emporter sur les prises de position, la théâtralisation stérile et le dessein futile de satisfaire des curiosités. Faute de quoi, le livre tant annoncé PM Choguel Maïga a été pris en défaut et pourrait se réduire à un scandale judiciaire qui en rajouterait aux clivages qu’on lui reproche d’entretenir. C’est du moins la réaction qu’il pourrait avoir inspiré à l’ancien PM Soumana Sacko, ancien collaborateur de Moussa Traoré es qualité ministre des finances et du commerce. L’emblématique PM de la Transition de 1991, il s’agit de lui, ne se reconnaît point dans les rôles que lui fait jouer le disciple du général dictateur dans son récit autobiographique. Il le fait savoir dans une réplique largement relayée dans les réseaux sociaux où le président du parti CNAS Faso Here s’insurge contre les affirmations de l’auteur en des termes qui traduisent amplement son indignation. Choguel Maïga est en effet tantôt taxé de fertilité imaginative, tantôt de légèreté avec les faits, etc.
« Ce monsieur raconte du n’importe quoi, des mensonges fabriqués de toutes pièces !», peut-on lire dans la réaction du PM de Mars 1991, assez pertinente pour paraître plus instructive que l’œuvre qui l’a suscitée.
À peine sorti, en effet, le livre « Le Mali…, ma vie » du PM de la rectification, Choguel Maiga, fait polémique. Pas sur la forme, mais sur le fond. Et pour cause : en plus de régler ses comptes et ceux de son éternel mentor, le Général sanguinaire Moussa Traoré, le livre de Choguel serait bourré de mensonges et d’affirmations fabriquées de toutes pièces. C’est du moins ce qu’a retenu l’ancien Premier ministre Soumana Sacko. Alors que Choguel prétend dans son livre «que Zoumana Sacko, en 1986, est allé proposer de services au Président Moussa Traoré «afin de résoudre la crise des salaires», ce serait plutôt Moussa Traoré qui en était demandeur à travers par le canal de son Directeur de Cabinet, Dr N’Golo Traoré. Ce dernier, selon son ancien ministre des Finances, l’a appelé dans son bureau à la Maison du Peuple un certain mercredi 18 février 1987 pour lui proposer le poste de ministre des Finances et du Commerce, offre qu’il affirme avoir accepté sous réserve de trois conditions agréées par le Président a acceptées. « Pour l’Histoire, au mois de juin 1987, après un long échange plutôt tendu entre le Président Moussa Traoré et moi, j’ai immédiatement demandé au Secrétaire Général de la Présidence de me programmer une audience avec le Président. Ce qui fut accordé dès le lendemain. Ce jour-là, je suis entré dans le Bureau présidentiel avec ma lettre de démission en poche. J’étais venu vérifier si le Président restait toujours sur la ligne des 3 conditions que j’avais posées le 18 février 1987. Ses réponses m’ont donné satisfaction, je n’ai donc pas eu à sortir ma lettre de démission», a expliqué le PM de la Transition de 1991 avant de préciser qu’il n’a passé que 6 mois et quelques jours à l’Hôtel des Finances et du Commerce contrairement aux affirmations qui lui attribuent 2 ans de fonction ministérielle. Et d’en déduire que l’écrivain Choguel est un «auteur à l’imagination fertile» qui s’autorise «trop de liberté avec les faits». Et de rappeler par ailleurs que les archives font foi de sa lettre de démission en date du 22 août 1987 avec effet au lundi 23 août 1987. Quoique de loin plus âgé, Zoumana Sacko peut également soutenu que l’actuel PM est doté d’une mémoire moins fiable. Il lui rappelle, par exemple, qu’un débat de l’Adema-PASJ auquel il fait allusion s’est tenu le 25 mai 2022 et non le 2 avril de cette même année comme il est documenté dans l’ouvrage. Soumana Sacko ne s’indigne guère moins des allégations de Choguel Maïga qui lui font dire que le Mali a perdu la guerre de 1985 contre le Burkina Faso. Sur la question Souamana Sacko apporte la précision et la nuances de taille en soutenant avoir textuellement dit ceci : «Il est indéniable que le Mali avait gagné la guerre de 1974 contre ce pays frère et voisin, le fait que le Président Moussa Traoré ait rétrogradé le Chef d’Etat-Major Général de l’Armée au grade de Colonel (en fait, il a fallu l’intervention de M’Bouillé pour éviter que le Général Sangaré ne soit rétrogradé comme soldat 2ème classe, ndlr) avant de le rayer des effectifs de l’Armée n’était pas le symbole d’une Armée ayant gagné une guerre».
Au sujet des “fonds destinés aux partants volontaires à la retraite” qui revient selon lui comme un serpent de mer dans la bouche de même auteur «à l’imagination débridée», le président de CNAS Faso Heere se dit surpris de son audace de s’en prendre, près de 32 ans après la fin de la Transition 1991-1992, au Premier ministre de l’époque qui pourtant n’était ni Ministre des Finances, ni Ministre du Plan, ni Directeur du Trésor, en occultant ses camarades de l’UDPM qui ont occupé ces postes dans les années précédant le 26 mars 1991. Et de s’interroger si les insinuations infondées de l’auteur contre sa personne ne visent à susciter contre sa personne une action judiciaire en «calomnie et diffamation». En tout état de cause, M. Sacko estime que Choguel n’a raconté que des élucubrations en parlant dans le livre du procès intenté contre le Président Moussa Traoré.
Aux dires de Souamana Sacko, c’est sur insistance du Premier ministre qu’il était que Moussa Traoré et compagnies ont eu droit à un procès public et équitable en lieu et place de la potence réclamé d’alors par un fort courant d’opinion. Entre autres arguments, il dit avoir fait valoir au Président ATT que : l’opinion publique est par définition versatile avant de l’inviter à se comporter en homme d’Etat qu’en vulgaires politiciens simplement avides d’ovations populaires face à l’Histoire. C’est encore «Zou», selon ses propres explications, qui a pesé de tout son poids pour que le Président Moussa Traoré et ses co-accusés aient accès à des avocats de leur choix, y compris des avocats étrangers.
Comme quoi, contrairement aux allégations, il n’a jamais profité de son poste de PM d’alors pour régler ses comptes avec le régime déchu de Moussa Traoré.