Les relations entre le Niger et le Bénin ne cessent de se détériorer malgré la levée des sanctions économiques et commerciales prises par les pays de la Cédéao. Ces derniers jours, la décision relative au blocage de l’embarquement du pétrole nigérien, à partir de la plateforme de Sèmè Kpodji, au Bénin où atterrit l’oléoduc a provoqué l’orage entre les deux voisins immédiats. Jusqu’où cette escalade peut-elle aller ?
En dépit de la levée des sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, le locataire du palais de la Marina (la résidence officielle du président de la République du Bénin), Patrice Talon cherche en vain la normalisation des relations diplomatiques entre son pays et le Niger en filigrane la réouverture de la frontière avec le Niger.
Malgré toutes les démarches menées par le gouvernement de Cotonou (l’envoi de messages et particulière du chef de la diplomatie béninoise comme envoyé du Bénin au Niger) pour la réouverture de la frontière côté nigérien, ces différentes démarches n’auront visiblement donné aucun résultat escompté car les autorités nigériennes restent méfiantes et perçoivent le Bénin comme un Etat ennemi depuis que ce dernier a soutenu la décision de la Cédéao d’intervenir militairement au Niger pour réinstaurer l’ordre constitutionnel.
En plus de la question de la réouverture des frontières, qui reste toujours en suspens, les enjeux diplomatiques et économiques sont désormais au cœur des débats.
Ces derniers jours, une vive tension règne entre les deux pays, suite à la décision du gouvernement béninois de bloquer l’embarquement du pétrole brut nigérien via le pipeline Export. Cette mesure prise par le président Patrice Talon a créé un obscurcissement d’incertitude sur les relations entre les deux Etats voisins déjà tendues.
“On ne peut pas nous voir comme des ennemis et vouloir notre collaboration et nos moyens”, a fait savoir le président béninois tout en déplorant l’attitude condescendante du Niger qui n’a pas averti les autorités béninoises sur l’arrivée d’officiels nigériens dans son pays dans le cadre de l’inauguration du pipeline.
Pour la reprise du projet, Patrice Talon pose des conditions. Et la première condition sine qua non posée par M. Talon est la réouverture des frontières terrestres et le rétablissement des relations avec Niamey.
“Si demain Niamey accepte de collaborer, les bateaux pourront embarquer le pétrole nigérien”, a-t-il formellement déclaré dans une interview.
“Prendre le Bénin comme pays ennemi et répandre qu’il a massé des troupes étrangères à ses frontières pour attaquer le Niger est totalement ridicule”, a conclu le locataire du palais de la Marina.
Niamey de son côté se dit droit dans ses bottes. Lors d’une prise de parole, le Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine a expliqué qu’il appartiendrait d’abord aux entreprises chinoises de résoudre ce problème avec le Bénin, conformément à l’accord existant.
“Si ce blocage devait survenir, il reviendrait d’abord aux Chinois de régler l’affaire avec les Béninois. Le Niger, quant à lui, s’en tiendrait au contenu de l’Accord”, a fait savoir Ali Mahamane Lamine Zeine. Le Premier ministre nigérien a justifié la fermeture de la frontière avec le Bénin pour des raisons de sécurité nationale. Il a accusé le Bénin d’abriter des bases militaires françaises où seraient entraînés des terroristes destinés à déstabiliser le Niger. Pour la réouverture M. Zeine a exigé des garanties de sécurité avant d’envisager une réouverture de la ligne frontalière.
Au regard de cette tension, jusqu’où peut-elle aller cette bataille diplomatique entre les deux voisins ? Quelles sont les conséquences économiques pour le Niger et le Bénin de ce refus d’importer du pétrole ?
En diplomatie, toutes les batailles se terminent autour d’une table et d’ores et déjà certains commentateurs pensent qu’il faut désigner tout de suite des intermédiaires pour leur permettre de se parler.
En termes de conséquences économiques, Cotonou et Niamey sont interdépendantes. Avec cette pression et ingérence les deux pays ont beaucoup à perdre. Le Niger, qui traverse des difficultés économiques et financières, a beaucoup misé sur cet oléoduc pour exporter son pétrole et augmenter ses capacités de production.
L’idée c’est d’exporter 90 000 barils par jour vers le Bénin. Selon les estimations, l’embargo sur ces exportations de pétrole devraient entraîner des pertes financières pour le Niger d’autant plus que Niamey a contracté un prêt auprès du partenaire chinois pour la commercialisation du pétrole à coût de 400 milliards de dollars avec un taux d’intérêt de 7 %.
C’est une avance qu’il va falloir rembourser si ce blocage persiste. La décision de Cotonou impacte aussi l’économie béninoise. D’abord les recettes du Port de Cotonou et les recettes fiscales au point que le gel de ces exportations ne sont pas du tout tenable pour le Bénin sur le long terme.