GOUDEBOU (Burkina Faso) Qu’ils soient touareg ou peuls, clairs ou foncés de peau, les réfugiés maliens vivent en bonne intelligence dans le camp de Goudebou, dans le nord-est du Burkina Faso, et prônent la réconciliation au-delà de tout différend ethnique.
Goudebou abrite 10.600 réfugiés, représentant diverses ethnies maliennes.
Dans ce camp situé à une centaine de kilomètres de leur pays, la plupart sont
en exil depuis dix-huit mois déjà.
Leur destin a basculé au printemps 2012 où une insurrection menée par des
touareg secondés de jihadistes s’est attaquée à l’armée malienne dans le nord,
jetant les bases d’une crise politico-militaire d’un an et demi.
Le conflit a fortement exacerbé les tensions et les violences entre les
différentes communautés, Touareg et Arabes étant assimilés par certains à des
insurgés jihadistes.
A Goudebou, rien de tout cela ne semble pourtant se produire. Dans le camp
de tentes carrées blanches et dans des hangars en paille des enfants piaillent
ensemble, toutes communautés confondues, sur une petite aire de jeu.
Leurs parents cohabitent normalement. Occupée à puiser de l’eau, Alhahi Ag
Azar, une femme touareg, qualifie les relations intercommunautaires de "plutôt
bonnes".
"Il n’y a aucun problème avec les différentes ethnies (peul, tamashek et
songhaï, ndlr). Vu que nous sommes tous réfugiés, nous essayons de ne pas en
rajouter", lance-t-elle à l’AFP.
"Nous vivons en harmonie", remarque Adbdine Souleh, un peul. "Et même si
des difficultés liées à la cohabitation se posaient, je pense que ce sont des
choses qui se passent partout. On règle ça entre frères", ajoute-t-il.
Hamadou Mohamed, un songhaï, est plus sceptique. "On évite de parler de la
question des castes, avec les Noirs qui sont perçus comme les esclaves des
Touareg blancs" (clairs de peau), regrette-t-il.
"Les relations qui existaient au Mali se répètent ici", constate un
encadrant d’une ONG internationale, relevant des incidents mineurs mais
récurrents entre femmes de différentes ethnies devant le puits du camp.
Un gendarme de la zone, sous couvert d’anonymat, indique que les forces de
sécurité vont "une à deux fois par mois" à Goudebou pour "apaiser des tensions
entre individus", parfois de même communauté.
Las d’être réfugiés
Quid d’une éventuelle réconciliation, une fois de retour au pays ?
Assis à même le sol dans sa tente, le regard lointain, Mohamed Al Mahdi Ag
Rhissa, dit Infonia, le président touareg du camp, affirme n’attendre qu’"un
mot" de la part des autorités maliennes pour rentrer à Haribomo, une commune
proche de Tombouctou dont il est le maire.
Comme lui, plus de la moitié des réfugiés du camp, "ne pensent qu’au
retour" et "ont déjà fait leurs bagages, prêts à rentrer au Mali du jour au
lendemain", prétend-il.
"On veut la paix au Mali afin que si on rentre chez nous, on se sente
vraiment en paix, en réconciliation avec toutes les populations", estime
l’édile.
Depuis l’élection du nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta, plus de 200
personnes ont quitté Goudebou pour le Mali. Des partants avec qui ils
demeurent en contact régulier, souligne M. Ag Rhissa.
Pour Ayouba Al Alwaly, secrétaire général du comité directeur des réfugiés,
le retour de la paix est lié aux discussions entre groupes armés et Bamako,
ainsi qu’aux concertations intercommunautaires.
"Il y a de l’espoir pour des accords bons et définitifs. Mais à défaut on
finira quand même par rentrer. L’appellation +réfugié+ commence à nous
fatiguer", sourit-il.
D’après une étude menée par l’ONG Oxfam après 2.000 entretiens, "toutes les communautés, toutes tendance confondue, pensent en majorité qu’une réconciliation est possible, qu’elle est nécessaire" et que les solutions se trouveront "au sein des communautés", énonce Mohamed Coulibaly, directeur d’Oxfam-Mali, l’un de ses auteurs.
Depuis 2012, quelque 500.000 personnes ont fui leur domicile dans le nord du Mali pour d’autres localités ou des pays voisins. En prêtant serment le 4 septembre, le nouveau président malien a fait de la réconciliation nationale "la plus pressante" de ses priorités.