Une bonne dizaine de responsables politiques sont retenus à la Brigade d’Investigation Judiciaire, depuis la semaine dernière, dans le cadre d’enquêtes préliminaires sur les tenants d’une convergence à Baco-Djikocoroni. Leur arrestation collective est survenue jeudi après-midi, à la suite d’une intervention de la Gendarmerie nationale au domicile du vice-président de l’Adema – PASJ, Moustapha Dicko. Parmi les personnalités retenues à la BIJ figurent, outre le célèbre hôte de la rencontre, l’avocat Me Bathily apparemment privilégié par son statut professionnel, ainsi que l’ancien ministre et secrétaire général de l’Adema, Yaya Sangaré.
Selon les informations distillées dans les réseaux sociaux avec plus de promptitude que d’ordinaire, les enquêtes à leur sujet se justifierait par la détection d’indices matériels quant aux préparatifs d’une mobilisation politique en faveur du retour à l’ordre constitutionnel. Or l’épisode intervient sur fond de restriction des libertés d’association au moyen d’une mesure suspensive des activités des partis politiques ainsi que des associations à caractère politique. Les intéressés s’en défendent et évoquent, à travers les mêmes canaux, une rencontre initiée dans le sillage de la fête de Tabaski pour échanger de vœux entre camarades de la même obédience politique.
Aux dernières, la dizaine de personnalités concernées pourraient avoir tiré profit de la judiciarisation du dossier car il nous revient, de source crédible, que les tribunaux désignés se sont tour à tour déclarés incompétents pour en connaître. Les relents du malaise consécutif à la récente affaire Synabef seraient-ils passés par-là ? Il n’empêche que certains de leurs soutiens politiques se préparent au pire et invitent à une convergence massive vers le tribunal de la Commune V en guise de solidarité aux détenus.
Il va sans dire que l’affaire aura fait rejaillir les frustrations à peine contenues chez une classe politique visiblement excédée et qui ne digère qu’à son corps défendant les velléités de son étouffement et les atteintes répétitives aux libertés fondamentales constitutionnellement reconnues et acquises. En atteste pour le moins la salve d’indignations que l’arrestation des acteurs de l’Alliance du 31 Mars a inspirées aux organisations membres de cette plateforme ainsi qu’à bien d’autres. De Moussa Mara à Housseini Amion Guindo en passant par le Parena et d’autres associations de la société civile, la solidarité aux leaders politiques arrêtés s’est aussitôt traduite par un torrent de dénonciations, d’expressions de révolte contre une démarche que tous décrivent comme un recul démocratique, un retour à la bâillonnette et une violation de la constitution aux dépens des libertés fondamentales. C’est à l’unisson, par conséquent, que leurs réclamations respectives ont convergé vers une libération sans condition des acteurs politiques détenus ainsi que le retour aux normes républicaines. Ce faisant, cette crème de la classe politique manifeste du même coup – sans doute plus bruyamment que naguère – son rejet des mesures restrictives des libertés politiques et associatives que les autorités actuelles ont imposées aux partis, suite à leurs gênants appels à une transition civile à l’expiration du délai de la transition en cours.
La mise en hibernation forcée de leurs activités n’est qu’une terreur parmi tant d’autres qui s’abattent sur la classe politique malienne avec la caution de ses composantes les moins nanties, qui nourrissent l’espoir d’émerger d’un éventuel big-bang du microcosme. Quant aux formations les plus nanties, elles auront longtemps résisté au sevrage financier infligé par la Transition militaire avant le coup de grâce du Dialogue Inter-Maliens à travers des décisions affligeantes : suppression de l’aide publique aux partis, réduction de leur nombre, rupture d’avec leurs connexions sociales traditionnelles, etc. Des recommandations qui résonnent tel un prolongement des mesures antérieures pour aseptiser la future arène électorale contre d’éventuelles ambitions concurrentielles de celle de l’actuel président de Transition. La dernière mesure de restriction en date figure dans une nouvelle loi qui interdit aux partis politiques de coaliser leurs moyens, mais on note auparavant la dépolitisation du gouvernement à la faveur du dernier remaniement ainsi que la dissolution de nombreux conseils de collectivité au profit de délégations spéciales, sans compter une campagne de dénigrement entretenue à dessein pour accentuer la désaffection du citoyen vis-à-vis de la chose politique.
Mais, en s’y prenant par la flagrance dans la répression et l’arbitraire, les méthodes privatives et autres atteintes tous azimuts aux droits et libertés, il est fort probable que les autorités aient franchi le Rubicon déclencheur d’une conscience collective voire d’un instinct protecteur contre le péril de disparition qui guette l’espèce politique malienne.