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Ainsi s’exprimait feu le président IBK
Publié le samedi 27 juillet 2024  |  Le Wagadu
Le
© aBamako.com par A.S
Le Président IBK rencontre les forces vives de la nation
Bamako, le 16 Juin 2020, le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA a rencontré au CICB, les forces vives de la nation en vue de trouver une solution à crise sociale et politique.
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Ce discours a été prononcé par l’ancien président de la République, Feu Ibrahim Boubacar Kéïta, le 09 juillet 2020. Dans lequel, l’ancien chef de l’Etat renversé par un coup d’Etat militaire invitait les membres du mouvement insurrectionniste du M5-RFP au dialogue afin de préserver la quiétude et la paix sociale.

Malgré les concessions faites par feu le président IBK, les caciques et les radicaux du mouvement de contestation ont continué à manifester dans la rue allant jusqu’à déclarer la désobéissance civile. Ce qui a conduit des jeunes officiers de l’armée, réunis au sein du CNSP, à prendre le pouvoir le 18 août. Au regard de l’actualité et du contexte dans lequel vit le Mali, Le Wagadu a décidé de republier le discours du chef de l’Etat d’alors.


Maliennes, Maliens,

Respectés hôtes du Mali,

Comme moi, vous avez tous noté les actes de contestation portés par une partie de nos compatriotes depuis le mois de juin dernier. Ils expriment sans doute une certaine vitalité démocratique. Mais, ils ne sont pas sans conséquences sur le moral et l’image d’un pays comme le nôtre qui doit, pour sa survie, satisfaire à trois exigences : d’abord reconquérir l’intégralité de notre territoire en éradiquant l’insécurité et le sinistre projet de transformer le Mali en califat ; ensuite vaincre la pandémie de COVID 19 au double plan de la réponse sanitaire et de la résilience économique ; enfin poursuivre les tâches de développement en droite ligne du projet d’émergence nationale qui n’a jamais cessé d’être ma préoccupation.

Je sais également, chers compatriotes, les angoisses engendrées par la situation. De chacune de vous, de chacun de vous, je mesure les tourments. Ils sont du reste naturels car ils disent le souci de ce cher pays, ce pays que nous avons en partage et qui attache le plus grand prix au bon voisinage et au compromis que soit préservée la paix sociale. C’est pour cette paix sociale, convaincu que nous avons du ressort pour rebondir à chaque crise, que dans mes précédentes adresses, j’ai tenu à signifier que j’ai entendu les colères et les interrogations qui sont les causes sous-jacentes de la crise actuelle.

Et c’est pourquoi, sans hésiter davantage et ce malgré le coût financier de la mesure et ses possibles effets-domino, j’ai instruit l’application immédiate et pleine et complète de l’article 39. Pour les classes concernées, nos enfants ont repris le chemin de l’école. Je rends grâce au corps enseignant et aux parents d’élèves pour leur diligence, leur disponibilité et leur esprit patriotique.

Entendre et soutenir les Maliennes et les Maliens, ceux majoritaires qui dépendent du secteur informel, de même que les couches les plus vulnérables de la population, telle est aussi la raison pour laquelle, le gouvernement a mis fin au couvre-feu décrété au mois de mars dans le but de limiter la circulation du coronavirus dont les dégâts dans le monde ne sont cachés à personne. Je ne m’entendrais pas sur les mesures sociales mises en œuvre, au niveau national, pour atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie.

Mes chers compatriotes,

Parce que mon objectif est de ne pas ajouter une crise politique aux graves urgences sanitaires et économiques que nous vivons, et parce que c’est dans mes obligations d’écouter et de comprendre les Maliens, je poursuis, depuis plusieurs semaines, les consultations avec les forces vives du pays. Mieux, j’ai proposé, voici maintenant deux semaines, un gouvernement d’union nationale ouvert à toutes les sensibilités, majorité, opposition, société civile. Car je demeure convaincu que c’est au Mali qu’on donne ainsi la chance de bénéficier de l’accompagnement et de l’expertise de toutes les parties.

C’est ici le lieu et le moment de vous informer que ma décision de renouveler ma confiance en le Premier ministre, Boubou Cissé, le 12 juin dernier, se fonde sur notre lecture partagée des préoccupations du pays, de ses priorités ainsi que de la stratégie requise par les enjeux du moment, en un temps de turbulences. Nous nous sommes mis d’accord, le Chef du Gouvernement et moi-même, de la nécessité de concevoir et proposer un Accord Politique de Rassemblement National qui s’attellera à la mise en œuvre diligente et mesurable des recommandations du Dialogue National Inclusif.

Donc de cet autre grand moment qui a été salué au-dedans comme au dehors du Mali comme une totale réussite et qui a rassemblé les Maliens des communes et des cercles, des régions et du District, de tous les segments et de toutes sensibilités. Cet Accord qui ira jusqu’en 2023, reposera sur les idées force suivantes :

– Première idée-force : pacifier et sécuriser le pays dans toute son entendue, afin que nos producteurs ruraux puissent s’adonner à leurs activités, que les échanges interrégionaux puissent redevenir fluides, que les communautés retrouvent le légendaire vivre ensemble qui a fait la réputation de notre pays.

Le travail de pacification et de sécurisation sera de longue haleine. Mais il s’agit de ne plus concéder un pouce de notre territoire, de faire reculer l’ennemi et de faire en sorte que le Mali en particulier et le Sahel en général ne soient pas le nouveau sanctuaire mondial de l’extrémisme violent. Il est alors indispensable de s’attaquer résolument à la dissolution de toutes les milices d’auto-défense, de porter à son point d’achèvement le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion et enfin d’accélérer le retour effectif de l’Etat dans les régions Centre et Nord.

Deuxième idée force : entreprendre les réformes institutionnelles convenues et ce dans un délai de 12 mois, afin de mettre en adéquation les demandes de notre peuple et les engagements du gouvernement, et nous doter de textes appropriés en capitalisant sur trente ans de vécu institutionnel.

– Troisième idée-force : opérationnaliser les régions qui ne le sont pas encore. Ce travail a pris du retard mais il ne saurait être continuellement en accuser sans remettre en cause un des fondements de notre stratégie de développement, à savoir la régionalisation, par une décentralisation poussée, voire irréversible, et cela en ancrant les agences de développement régional où la décision de contrôler leur devenir est laissée aux populations à la base.

– Quatrième idée-force : veiller à une saine distribution de la justice. Et cela dans toutes les juridictions et à tous les échelons administratifs du pays. Nous savons que ce pays crie depuis longtemps sa soif de justice. Nous savons que la paix est précaire et volatile sans la justice. Et nous savons hélas que l’engouement des populations pour la justice expéditive des pseudo-jihadistes s’explique par le rejet de la justice d’Etat avec les tares qui lui sont connues dont la corruption et la durée des procédures. Cela devra donc recevoir les réponses appropriées.

Maliennes et Maliens,

Hôtes du Mali,

Chaque crise offre une opportunité, dit-on dans les civilisations positives. Celle que nous vivons n’échappe pas à cette règle. En écoutant les uns et les autres, en examinant les griefs et en analysant la profondeur des ressentiments, le Chef de l’Etat que je suis, ne pouvait pas rester sourd et inactif. J’aurais tout fait pour trouver les compromis auxquels chacun concède un peu tout en sauvant l’essentiel.

Mais à l’impossible nul n’est tenu, surtout lorsque la paix sociale est mise en danger et exige que j’intervienne, en tant que garant de la sécurité et du bien-être de chacun et de tous. Dans les heures et les jours à venir, la Cour constitutionnelle sera remembrée et mise en fonction le plus rapidement possible. Je suis heureux d’annoncer la venue imminente dans notre capitale d’une mission d’appui, de conseil et d’orientation de Présidents de Cours Constitutionnelles de la CEDEAO. Elle sera d’un apport inestimable pour la résolution de la crise en cours. C’est un geste pour lequel nous remercions une fois de plus les Etats membres de l’institution sous-régionale qui a toujours eu souci du Mali.

Reconnaissons-le, sans jeter la pierre à personne. L’arbitrage du dernier scrutin par la Cour sortante a posé problème et continue à poser problème. En outre, les démissions enregistrées en son sein ne jettent-elles pas un doute sérieux sur l’auguste institution ? Au-delà donc de la situation personnelle des membres du Collectif des candidats malheureux qu’Allah m’a inspiré de recevoir ce mardi, ce dont il s’agit c’est de l’avenir de l’élection dans notre pays, de la crédibilité que le peuple accorde à ses institutions. C’est donc de la survie de notre démocratie qu’il s’agit et je ne puis transiger sur cela. Que justice soit donc rendue, pour le plus grand bien de la morale républicaine, pour l’honneur de la République et l’image de notre pays !

Mes chers compatriotes,

Il est alors hautement probable que les solutions trouvées par la nouvelle Cour constitutionnelle résolvent la question de l’Assemblée nationale. Vous n’êtes pas sans savoir que la dissolution de l’Assemblée nationale est une demande portée à mon attention. Si la paix du Mali passe par là et que j’ai les moyens constitutionnels de le faire sans plus tard risquer de créer un vide constitutionnel dommageable pour tout le pays, je le ferai sans hésiter.

Pour autant, aurais-je été juste ? Il ne saurait y avoir de justice en privant de leurs sièges mérités tous ceux qui ont été élus sans contestation et certains dès au premier tour pour tenter de régler le problème que nous ne saurions sous-estimer des candidats qui contestent ouvertement le verdict de la Cour constitutionnelle.

Je ne doute pas que l’intérêt national réside dans un parlement immédiatement opérationnel pour mettre en œuvre l’Accord Politique pour le Rassemblement National dont je viens de vous ébaucher les grandes lignes et qui devra être paraphé sans plus de délais par le Chef de gouvernement et toutes les parties prenantes à l’action gouvernementale, y compris l’opposition, y compris le M5.

Nous sommes en guerre, en pandémie —l’exécutif doit être en place. Décision nationale consensuelle – certains de nos frères doivent quitter la posture de refus — chacun de nous a le droit de conforter ce Mali. De le mettre en mission, en capacité. Les choses sont fragiles. Gardons-nous de faire un mauvais usage du temps et des opportunités.

C’est le lieu de m’incliner sur la mémoire de mon frère Amadou Gon Coulibaly. Nous allons accueillir une mission de la CEDEAO pour nous aider et permettre de mieux appréhender les vœux de la CEDEAO formulés par la première mission pour mettre en œuvre les voies et moyens de sortir de cette crise. Nous sommes un pays qui s’est toujours engagé et a toujours respecté ses engagements nationaux et internationaux. Tout cela un complément de tout ce que nous aurions réussi à atteindre à l’intérieur du Mali.

Je n’ai jamais désespéré du Mali et des Maliens. Aujourd’hui plus que jamais rien d’irrémédiable n’a été commis. Seule l’incompréhension justifie la posture prise par le M5 à notre sortie d’audience. Je n’affichais aucun mépris. Notre pays est basé sur le dialogue. Et demander que les frères se rencontrent. J’invite encore les frères du M5 à se ressaisir. J’invite la majorité à rester ouverte aux échanges avec le M5 aux préoccupations et propositions du M5.

S’agissant de la lancinante question de l’AN et des réformes au niveau de la Cour. Telle est la seule voie du salut. Crédibilité de notre État et respect du droit. Si par malheur nous devrions nous écarter du droit, dans un monde hyper compétitif, où c’est l’Etat de droit qui qualifie les Etats, quel sera notre rôle en face des nations ?

Alors, j’adjure de nouveau ces forces de se joindre à ce projet pour le Mali qui n’a pas d’autre ambition que de consolider la marche de notre pays, car j’ai la claire conscience des enjeux, de notre fragilité à être chacun dans son coin, mais de notre force, de notre puissance quand nous sommes rassemblés. Et ce temps-là est arrivé. Le Mali peut tout. Le Mali est grand. Son peuple est grand.

Je sais la chance et l’honneur de le servir. Je ne cesserai jamais de le servir. Et je veux le faire avec vous toutes, vous tous, toutes les forces, parce qu’au-delà des contingences, nous sommes frères et sœurs, logés à la même enseigne.

Qu’Allah fasse que cette enseigne brille de mille feux ! Qu’il fasse que notre frère Soumaïla Cissé nous revienne sain et sauf et le plus tôt possible ! Que dans sa grande bonté, il nous accorde un bon hivernage ! Qu’il bénisse notre chère patrie !

Ibrahim Boubacar Kéïta, discours tenu le 09 juillet 2020
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