Entretien avec l’archevêque de Bamako, la capitale du Mali, présent à Lourdes la semaine dernière avec les responsables des Caritas d’Afrique.
La situation au Mali est-elle stabilisée ?
Je n’ai pas été étonné des récents incidents dans le Nord. Cette instabilité ne disparaîtra pas comme par miracle. On a laissé s’établir une crise tellement profonde que cette fragilité perdurera encore deux à trois ans. Depuis les années 1960 existe, au Nord, la tentation séparatiste. Elle s’est renforcée en raison de l’ambition de groupes armés d’instaurer dans cette région, voire au-delà, un État islamique. L’intervention de la France, le 11 janvier dernier, a clairement permis d’éviter la réalisation de ce projet.
À Bamako, comment cohabitent musulmans et chrétiens ?
Il a toujours existé chez nous une « alliance des religieux », qui réunit les confessions chrétiennes et les divers courants musulmans. Dans ce cadre, nous avons toujours essayé de désarmer les crises. Même les wahhabites y concourent avec nous. Mais le danger fondamentaliste est toujours là. Pour autant, nous devons éviter de paniquer : tous les musulmans ne sont pas comme ça. La destruction par les fondamentalistes, dans le Nord, de bâtiments musulmans comme chrétiens a conduit certains musulmans à se désolidariser.
La guerre au Mali a-t-elle été civile ou religieuse ?
Les deux. Les indépendantistes, mélangés aux islamistes, ont voulu tirer profit du chaos politique et militaire. Il nous faut rester vigilants. Avec leurs adeptes au Nigeria et dans d’autres pays voisins, ils forment un réseau. Nous devons informer sérieusement les gens qui sont fragiles, favoriser les prises de conscience. Des Afghans et des Pakistanais sont présents au Mali. Quelles idéologies amènent-ils ? De nombreux jeunes, désœuvrés, peuvent s’y laisser prendre.
Les catholiques maliens ont-ils peur ?
Ils n’ont pas peur, mais ils sont méfiants. Même après les destructions des missions catholiques dans le Nord, nous n’avons cessé de diffuser la Prière pour la paix de saint François. Nous voulons la paix, mais seul Dieu peut nous la donner. Parce que la division est partout, chez les politiques, chez les jeunes, nous devons travailler à la conversion des cœurs.
Qu’attendez-vous des catholiques français ?
Ils doivent s’informer, continuer à nous manifester leur solidarité. Il ne faut pas nous laisser tomber, car la crise n’est pas finie. Il faut aider les « réfugiés de l’intérieur » à se réinstaller chez eux, au Mali. Et puis, il nous faut reconstruire : dans le Nord, tout ce qui manifestait l’Occident a été détruit : même le mobilier de nos écoles a été transformé en bois de chauffe.