Deux anciens agents de l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS) et leurs complices ont été condamnés pour une fraude orchestrée ayant détourné près de 759 millions de francs CFA. Cette vaste opération de manipulation informatique a impliqué 13 personnes et a révélé des failles de sécurité.
Une enquête qui révèle de grandes irrégularités
En 2020, l’Inspection Générale de l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS) a vérifié le système de gestion des pensions pour 2015-2020 et a découvert des irrégularités entraînant un détournement de fonds. Les manipulations informatiques augmentaient frauduleusement les pensions, entraînant des paiements indus de 758.675.532 F CFA à 109 bénéficiaires, dont 698.702.647 F CFA détournés par certains agents de l’INPS. Il s’agit des nommés Zoumana Diallo, Abrahamane Traoré, Konimba Coulibaly, Issa Traoré, Hamadoun Dicko, Abdourahamane Koné, Aissata Bagayoko, Issa Sissoko, Mariam Diarra, Sékou Sacko, Youssouf Koné, Salihou Boncana Touré et Haby Ba ont été tous inculpés pour atteinte aux biens publics et de complicité de ce crime.
Des irrégularités découvertes
L’enquête consistait à vérifier le système informatique de gestion des pensions pour les exercices allant de 2015 à 2020.
Par la suite, une enquête de la gendarmerie a confirmé ces faits. Juste après investigations, 13 personnes dont 11 agents de l’INPS et 2 pensionnaires ont été inculpés.
Une information judiciaire a été ouverte contre ces derniers pour atteinte aux biens publics et complicité. Un audit interne a révélé des rappels injustifiés de pensions, impliquant Aissata Bagayoko chef de service pour un montant de 17.827.592 F CFA ce qui lui a valu le remboursement de 13.425.000 F CFA à l’INPS.
Des manipulations informatiques au cœur de la fraude
Détenu depuis 2021 pour fraude, Zoumana Diallo qui était chef de division accueil et orientation à l’agence INPS de la Commune I du District de Bamako au moment des faits, a reconnu les faits de fraude dès l’entame de la parole et dit avoir regretté sincèrement ses agissements. « Je suis vraiment désolé pour tout et je l’ai fait par immaturité ». « J’étais même pressé d’être devant la Cour pour m’expliquer parce que je le regrette amèrement », a-t-il ajouté. Il a avoué avoir modifié les pensions des assurés en échange d’une part du surplus, en utilisant le code d’accès son chef, pendant qu’il était en stage de cette dernière nommé Aissata Bagayoko. Il connaît avoir profité de la gentillesse de Aïssata Bagayoko. « J’ai vraiment profité de sa gentillesse, elle nous accueilli à bras ouvert, elle nous achetait à manger et pour nous faciliter le travail, elle nous a fait confiance en donnant son code d’accès et je reconnaît avoir abusé de cette confiance ». Il a confirmé qu’il a haussé la pension de 21 clients grâce à cette manœuvre frauduleux. Son aveu concernant l’utilisation du mot de passe de Aïssata Bagayoko pour augmenter les pensions de plusieurs bénéficiaires notamment Mariam Diarra et Salihou Boncana Touré a permis d’arrêté ces deux pensionnaires pour atteinte aux biens publics par complicité, ce qui a coûté un total de 344.353.648 F CFA à l’INPS et a servi de mettre hors de causse Aïssata Bagayoko.
Quant à Mariam Diarra, elle dit avoir connu Zoumana Diallo à l’INPS et que ce dernier lui a proposé « le deal et dès le versement elle a constaté que sa pension a haussé de 230.000 au lieu de 230.000 F et que Zoumana bénéficiait de 200.000 à chaque versement ». Dans sa déclaration Mariam dit : « c’est moi qui ai perdu parce que j’ai fait deux ans sans pension et on prélève chaque mois 74.000 francs CFA sur ma pension depuis qu’on a découvert leur manœuvre ». Également pour son complice Salihou Boncana Touré qui avait 26.000 francs CFA comme pension initiale s’est retrouvé avec une somme de 800.000 francs CFA à chaque versement et Zoumana gagnait 250.000 francs.
Konimba Coulibaly ne reconnaît pas les faits.« Je ne travaille pas à la pension donc je n’ai rien à avoir avec ça. Je suis de la section prestation familiale. On s’est servi de mon code d’accès », a-t-il affirmé.
Quant à l’accusé Issouf Koné, il reconnaît avoir utilisé le code d’accès de Konimba mais atteste tout de même la responsabilité de ce dernier. Et en plus de cela il dit avec conviction : « il savait très bien que j’utilisais son code pour modifier les pensions ». Youssouf Koné a soutiré frauduleusement 142.726.285 francs CFA et a remboursé 33.000.000 fcfa à l’INPS.
Contrairement aux autres, Hamadoun Dicko dit n’avoir pas partagé son code avec ses stagiaires mais « qu’on s’est servi de son code ». Il aurait payé 12.011.920 francs CFA.
Issa Traoré, chef de division à l’INPS, a reconnu le tableau de répartition des dossiers mais a attribué les modifications à une défaillance du système informatique. Il a signalé cette défaillance aux Directeurs régionaux et atteste ne pas connaître les quatre veuves dont les pensions ont été modifiées, affirmant n’avoir aucune autorité à cet effet. Issa Traoré conteste toute implication dans les modifications frauduleuses de 189.670 F CFA.
S’agissant de Abdrahamane Traoré, ancien chef de service, il a réfuté les accusations portées contre lui concernant les modifications frauduleuses de dix-neuf dossiers de pensions. « J’avais suivi les instructions de mon Directeur Central pour suspendre un dossier et qu’il avait demandé au service informatique d’enquêter » affirme t-il. Cependant, le système informatique a identifié Traoré comme l’auteur des modifications frauduleuses, entraînant des paiements indus de 48.649.752 F CFA. Abdourahamane Koné n’a pas reconnu avoir effectué des modifications frauduleuses de 48.118.254 F CFA mais confirme que son code d’accès a été utilisé à son insu après sa mutation. Cependant, les preuves montrent qu’il avait toujours accès au système. Issa Sissoko a reconnu que son code d’accès a été utilisé pour ajouter frauduleusement 990.975 F CFA aux pensions mais il a affirmé que c’était une erreur de manipulation.Évoque également la défiance de la sécurité.
Condamnations et Sanctions Prononcées
Abrahamane Traoré, Konimba Coulibaly, Issa Traoré, Hamadoun Dicko, Abdourahamane Koné, Aissata Bagayoko, Issa Sissoko ont été tous acquittés.
Quant aux autres accusés Zoumana Diarra et Issouf Koné, ils ont été condamnés à 10 ans d’emprisonnement ferme et devront payer une amende de 500.000f
Quant aux deux pensionnés complices des faits, ils ont été condamnés à 5 ans d’emprisonnement avec sursis et une amende de 50.000 fcfa. Et les quatre vont payer ensemble 10.000.000 fcfa.
Suite au décès de l’accusé Sékou Sacko, il n’y a plus question de poursuite à son égard.
Haby Ba, jugée par contumace, compte de tenu de son absence a été condamnée à une peine de réclusion à perpétuer, avec une amende de 500.000 fcfa.