Ce matin, dans décryptage, la notion de résistance pour examiner les gouffres de la guerre et l’incurie de paix.
À chacun son narratif
Le 25 juillet 2024, dans le cercle d’Abeïbara (Kidal), Tinzouatene vient de vivre trois jours de terreur. Commune où s’est retranché le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDA), Tinzouatene est à un jet de pierre de la frontière algérienne, Tamanrasset. Durant trois jours, à Tinzouatene, de féroces combats ont opposé les Forces armées maliennes (FAMa) et le CSP-PDA. Trois jours de violence sans nom où l’exhibition d’otages et les narratifs ont fait légion sur les réseaux sociaux.
Le 26 juillet 2024, le CSP-PDA revendique : “Nos forces ont définitivement anéanti ces colonnes de l’ennemi ce jour samedi. Un important matériel roulant et armements a été saisi ou endommagé“. Le 29 juillet 2024, l’état-major des Forces armées maliennes déclare : “La bravoure et la détermination exemplaires de nos soldats, n’ont pas permis d’éviter un nombre important de pertes en vies humaines et matérielles“. À chacun son narratif. Seule une enquête permettra de déterminer le nombre exact de victimes et leurs identités. Des hypothèses sont émises sur le soutien du GSIM au CSP-PDA lors des combats contre les FAMa. L’histoire nous renseignera.
En attendant, dans le cadre de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), le Burkina Faso épaule le Mali. Depuis le 30 juillet 2024, le Mali et le Burkina Faso conduisent une campagne aérienne pour “sécuriser les personnes et les biens…” à Tinzouatene.
Trouver la bonne information
Voilà le contexte où trouver la bonne information est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Tinzouatene rappelle Aguelhok. Quelle malédiction ! Rappelons aussi que c’est une première depuis le 14 novembre 2023 date à laquelle les FAMa ont reconquis la ville de Kidal, aux mains de la Coordination des mouvements de l’Azawad depuis une dizaine d’années. L’euphorie de novembre 2023 pour le retour de Kidal dans le giron malien fait place à l’attente. Ainsi va le Mali. Une bataille en cache une autre.
La question qui se pose : et si nous nous retrouvions pour fumer le calumet de la paix ? Une question difficile à entendre pour certains d’entre nous tant les fractures sont profondes. Mais tenter de lénifier cette question pour ne pas choquer, c’est aussi ne pas faire preuve de respect vis-à-vis des victimes civiles et militaires. C’est aussi ne pas compatir à la souffrance des familles des défunts. Enfin, traiter cette question, c’est résister aux situations destructrices de notre condition humaine d’autant que par les temps qui courent, le mot résister revient souvent.
Certes, cela pourrait paraître inapproprié au moment où chaque Malien est préoccupé par le front de Tinzouatene.
Pour un bénéfice commun : la paix
La situation est cauchemardesque. Au point que la paix devient de plus en plus une utopie irréalisable. Mais, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Évidemment, le mot résistance semble être déprécié. Pourtant, il dit quelque chose de notre capacité à rejeter la violence, la domination, l’humiliation, la chosification du genre humain. Résister, c’est donc œuvrer ensemble pour obtenir un bénéfice commun : la paix.
Par exemple, à la fin du 19e et au début du 20e siècle, Babemba Traoré, Firhoun Ag Alinsar et tant d’autres chefs ont dit non à la pénétration coloniale. L’Occident humaniste de Winston Churchill, du Général de Gaulle, de Franklin Roosevelt, etc., a gagné la guerre contre le nazisme d’Hitler et le fascisme de Mussolini. Les panafricanistes tels que Modibo Kéita, Léopold Sédar Senghor, Diori Hamani, Houphouët-Boigny, Kwame Krumah, Maurice Yaméogo ou Sékou Touré ont lutté contre les abus du pouvoir colonial pour la dignité de leurs peuples. La liste peut être longue.
Aider le genre humain à progresser
Si être résistant, c’est se dépasser soi-même pour se mettre au service des grandes causes pour aider le genre humain à progresser, alors nous ne devons pas nous priver des outils politiques, scientifiques, citoyens et démocratiques pour y parvenir.
À propos des batailles actuelles entre les FAMa et le CSP-PDA, il est utile d’ouvrir de nouveaux canaux de dialogue pour sortir du conflit permanent. Il reste donc à construire un vrai projet politique, adossé sur un plan de maîtrise sécuritaire pragmatique. Ce n’est pas inutile de rappeler que les désaccords entre le CSP-PDA et l’exécutif malien sont avant tout politiques.
Par conséquent, leur règlement ne peut être que politique. Enfin, nos illustres aïeux nous observent. Ils nous rappellent l’importance de notre patrimoine à protéger et à transmettre. Ils en seront fiers si nous nous accordons pour nous tourner résolument vers la paix et de la liberté de vivre.
Comme la démocratie, la paix se cultive. Cultivons-la en tentant de répondre à cette question : si vous étiez médecin, quel diagnostic feriez-vous du Mali ? Quant à moi, je dirai que “le malade souffre d’un déficit de compréhension mutuelle et de vision”.