A la guerre, s’il est une chose qu’il ne faut pas accorder à l’ennemi, c’est bien le répit. Le moindre relâchement est une occasion pour l’adversaire de reconstituer ses forces opérationnelles, de mieux se réorganiser puis de lancer la contre-attaque au moment où l’on s’y attend le moins. Et s’il est une situation face à laquelle même les armées les plus redoutables deviennent vulnérable, c’est bien l’effet de surprise.
Concernant la traque des groupes islamistes armés qui s’étaient rendus maîtres de l’ensemble du Nord-Mali, loin de nous la prétention de vouloir enseigner l’art de la guerre aux troupes militaires qui y sont stationnées; à voir cependant la situation sur le terrain, tout se passe comme si la coalition internationale dort sur ses lauriers au terme de l’Opération serval, qui a «brisé les reins d’AQMI».
La pieuvre djihadiste a certes été sérieusement touchée mais pas enterrée.
Tant que c’était les autorités maliennes qui rappelaient la nécessité de maintenir la pression contre les terroristes, d’aucuns pouvaient voir par là un discours alarmiste pour obtenir des moyens supplémentaires de lutte, mais quand c’est le patron de la MINUSMA en personne qui tire la sonnette d’alarme, c’est que l’heure est grave.
En effet en milieu de semaine, Bert Koenders a sonné le cor de la mobilisation continue contre les forces résiduelles d’AQMI au Mali.
Evoquant la situation sécuritaire toujours fragile dans le nord malien, il a invité les «pays contributeurs à déployer de façon urgente de nouveaux moyens de transport, des hélicoptères et des bataillons supplémentaires sur le terrain». Alors, si c’est le tout-puissant patron de la MINUSMA qui lance des signaux de détresse, c’est que le feu menace de nouveau la maison. Et les récents événements survenus sur le terrain en disent long sur la gravité de la situation.
Ainsi de cet attentat suicide, fin septembre, contre une caserne militaire à Tombouctou qui a fait deux civils tués et six soldats blessés.
Ainsi des tirs de roquettes à Gao le 8 octobre dernier par des éléments du MUJAO, groupuscule islamiste qui s’était emparé de la localité avant d’être repoussé par les soldats français et tchadien.
Sans compter l’ambiance de ni paix ni guerre qui prévaut depuis à Kidal.
Face à toutes ces prémices d’une résurgence des forces djihadistes, les moyens nécessaires à son endiguement tardent toujours à venir. L’arbre du succès de Serval ne doit pas cacher la forêt de la menace islamiste. On ne se lassera pas de le rappeler, la lutte contre AQMI sera longue, coûteuse et pénible, dans la mesure où l’ennemi est doué d’une tactique redoutable : se dissimuler, surprendre, frapper avant de se fondre dans la nature; ce que les spécialistes des questions militaires appellent la guerre asymétrique.
Avec seulement 6 300 hommes, la MINUSMA pourra-t-elle atteindre le double de cet effectif d’ici la fin de l’année comme prévu ? L’autre urgence à laquelle il faudrait faire face concerne la crise humanitaire qui se profile à l’horizon. Les bailleurs de fonds vont-ils vite délier les cordons de la bourse afin de conjurer le spectre de la faim ?
Conditions sécuritaires précaires, situation humanitaire préoccupante, voilà le Mali au milieu du guet, pour ne pas dire au milieu des sables mouvants. Un double péril qui sonne comme un appel pressant à la concrétisation des engagements pris. Aux alliés militaires d’envoyer les troupes et la logistique supplémentaires, aux partenaires financiers de casser leur tirelire.
Dans cette conjoncture économique morose où chaque généreux donateur est désormais près de ses sous, la mobilisation des fonds se fera sans doute sou par sou.
Ce ne sont pas, par exemple, les Etats-Unis, qui viennent d’échapper, in extremis, au naufrage budgétaire qui mettront la main à la poche sans tâter la bourse. Idem pour les Européens toujours en proie à la crise malgré les embellies ici et là.
Mais tout cela ne saurait constituer une excuse absolutoire pour abandonner le Mali à son triste sort. La victoire contre l’international islamiste par une solidarité internationale doit continuer.