Les banques de l’Uémoa affichent des résultats financiers solides, mais la hausse des créances douteuses et la baisse du provisionnement des risques signalent de potentielles vulnérabilités.
Les établissements de crédit de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) continuent de démontrer une solide performance financière, malgré un environnement économique de plus en plus incertain. Cependant, derrière ces chiffres positifs se cachent des signaux d’alerte qui appellent à une gestion prudente et vigilante des risques. C’est ce que révèlent les dernières données publiées par la Commission bancaire de l’Uémoa, analysées par l’Agence Ecofin.
Une croissance entraînée par le crédit, mais à quel prix ?
Les banques de l’Uémoa ont enregistré une croissance notable de leurs actifs en 2023, avec un total bilan de 65 921,3 milliards F CFA, soit une hausse de 2,9 % par rapport à l’année précédente. Une grande partie de cette expansion est due aux crédits qui ont bondi de 7,8 %, pour s’établir à 35 264 milliards F CFA. Cette expansion du crédit est un signe encourageant pour l’économie régionale et montre surtout une reprise de la demande et une confiance solide dans la capacité des emprunteurs à rembourser.
Cependant, cette croissance rapide des crédits n’est pas sans risques. Le taux net de dégradation du portefeuille, qui mesure la proportion de créances douteuses après provision, est passé de 3,3 % en 2022 à 3,7 % en 2023. Une hausse qui, si elle paraît modeste, pourrait être le premier signe d’un glissement progressif vers des créances de moins en moins recouvrables. Cela pourrait poser des problèmes à moyen terme si la tendance se poursuit.
Des signes d’inquiétude sur la qualité des actifs
Le taux de provisionnement des créances en souffrance, un indicateur clé de la gestion des risques, a diminué de 64,9 % en 2022 à 58,7 % en 2023. Si cette baisse significative peut indiquer une approche plus optimiste des banques quant au recouvrement de leurs créances douteuses, elle révèle également que les banques de l’Uémoa sont de plus en plus exposées aux risques, dans un contexte où les perspectives économiques restent incertaines.
Moins de provisions, c’est plus de vulnérabilité en cas de crise. Et avec un taux brut de dégradation du portefeuille qui se maintient à 8,5 %, les banques marchent toujours sur une corde raide, séquelle de la Covid-19. Ce ratio indique que près d’un dixième des actifs bruts des banques sont de nature douteuse, ce qui représente un risque latent qui pourrait affecter leur stabilité financière si les conditions économiques se détériorent davantage.
Les marges sous pression
Certes, les indicateurs de rentabilité semblent au beau fixe. Le produit net bancaire a grimpé de 10 % pour atteindre 3354 milliards F CFA en 2023 tandis que le résultat net s’est envolé de 18,9 %, s’établissant à 1153,3 milliards F CFA.
Mais ces bons résultats ne doivent pas masquer certains défis. Car, bien que la marge globale des banques ait légèrement augmenté à 5,2 % en 2023, le coefficient net d’exploitation, qui mesure l’efficacité opérationnelle, a continué de baisser, passant de 59,5 % en 2022 à 56,3 % en 2023.
Cette diminution suggère que les banques doivent faire face à une pression accrue sur leurs marges, possiblement en raison d’une concurrence intense ou peut-être des coûts opérationnels qui augmentent plus vite que les revenus, notamment des coûts de refinancement plus élevés du fait de la politique monétaire restrictive de la Bcéao.
Face à ces défis, les banques ont renforcé leurs fonds propres qui ont augmenté de 19,4 % pour atteindre 5175,2 milliards FCFA en 2023. Une réponse prudente aux risques croissants pour permettre aux banques de mieux absorber les chocs potentiels. Le ratio de solvabilité total s’est ainsi légèrement amélioré à 14,1 %, un niveau confortable mais qui devra être surveillé de près si les conditions de marché se détériorent.