Payer ses impôts est un acte de bonne citoyenneté. Cependant, quand ceux qui sont chargés de les récupérer adoptent des comportements contraires à l’éthique, l’on doit s’inquiéter. Et c’est ce qui s’est passé en ce mois d’août dernier dans plusieurs quartiers de Bamako, à l’instar de Sébénicoro en commune IV du district de Bamako. Qu’en est-il ?
Les ressources internes de l’État proviennent essentiellement des impôts perçus chez les citoyens. Ces impôts sont de différentes natures. Il s’agit, entre autres, de ceux payés par les opérateurs économiques, les entreprises, les particuliers. Autrement dit, l’exercice de toute activité professionnelle est assujetti au paiement d’impôts. C’est dans ce cadre que les petits artisans, les petits commerces, les meuniers, et autres installés dans les quartiers payent chaque année des impôts. Pour cela, ils sont, dans la plupart des cas, victimes d’arnaque de la part des agents de recouvrement.
Que font ces agents de recouvrement ?
Ils sillonnent les quartiers dans lesquels ils identifient les petits ateliers d’artisans, les petits commerces et autres. Une fois identifiés, ils les approchent pour demander leur identité qu’ils portent sur un imprimé de convocation au Centre des Impôts “pour régler l’affaire” selon ce qui se trouve sur le document. Sur cet imprimé, on peut lire aussi la mention “Contrôle fiscal”. Pour ce qui est du cas que nous avons vécu, le 6 août 2024, à Sebenicoro-Wereda, le document est signé au nom du chef section recensement du centre des impôts de la commune IV par l’agent chargé du secteur, Mme Wagué. En remettant cette convocation, ces agents menacent de fermer séance tenante ces ateliers, commerces et autres. Ainsi, ces contribuables, dont la plupart sont peu ou non lettrés, sont automatiquement paniqués. Ils demandent aux agents la conduite à tenir. En réponse, ceux-ci, au lieu de leur dire que ce n’est qu’une simple convocation, leur demandent de payer une somme. Ainsi dans notre cas, Mme Wagué, a demandé à un soudeur (A sa demande, nous tairons son nom par peur de représailles selon ses propres termes de la part du service des impôts) la somme de 20 000 F CFA. Celui-ci, n’ayant pas séance tenante cette somme, a négocié jusqu’à 10 000 F CFA. Une fois qu’il a payé la somme, la dame lui a repris la convocation sur laquelle elle a mentionné en bas et à gauche avec un stylo rouge la mention “OK, 2024”.
A côté de ce soudeur, un commerce appelé communément “Koroboro Boutiki” nous a dit avoir payé la somme de 15 000 F CFA. Le hic est que les concernés pensent que l’annotation portée en rouge sur la convocation signifie qu’ils se sont acquittés de leurs impôts. D’après eux, c’est fini pour cette année et que les agents des impôts ne passeront plus chez eux durant cette année. Donc, l’argent, qu’ils ont payé, n’ira certainement pas dans les caisses de l’État, mais dans les poches des agents de recouvrement.
Selon nos interlocuteurs, c’est comme cela que ça se passe chaque année. Souvent, ils peuvent payer moins ou plus. C’est dire qu’ils ne connaissent même pas exactement ce qu’ils doivent à l’État en termes d’impôts. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’en se rendant au centre des impôts, ils risqueront de payer beaucoup plus. Cette information leur a été donnée par les mêmes agents de recouvrement.
Selon nos interlocuteurs, rien que dans leur petit secteur (Sébénicoro-Wèrèda), la bonne dame peut encaisser plus d’1 million de FCFA en une demi-journée. Un grand manque à gagner pour l’État auquel des solutions devraient être trouvées.
Comment arrêter cette arnaque ?
Beaucoup de solutions peuvent être envisagées. Tout d’abord, l’État doit alléger la création de ces ateliers, commerces et autres installés dans les quartiers. Cet allègement doit concerner le nombre de documents à fournir, le montant de l’impôt, etc.
Autrement dit, adapter le montant des impôts à payer aux réalités économiques. Il doit aussi faire un recensement exhaustif afin de connaître leur nombre. Car chaque jour qui passe, quelqu’un, qui a eu des petits moyens, créé son propre atelier de soudure, de couture, de coiffure, de menuiserie ou son petit commerce sans se faire déclarer au service des impôts.
Comme deuxième solution, l’État, à travers les services des impôts, doit largement informer ces assujettis sur le type d’impôts qu’ils doivent payer ainsi que le montant. Cependant, avec la digitalisation des moyens de paiement, il sera beaucoup aisé pour ces contribuables de s’acquitter de leurs impôts, car étant tous habitués à utiliser le mobile money depuis des années.