En début août, le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, a été secoué par des manifestations de protestation contre la hausse du coût de la vie et la mauvaise gouvernance. Dans l’ensemble du pays les rues ont été prises d’assaut par des milliers de personnes. Le mouvement dénommé de «10 jours de colère», selon africanews, «s’est soudainement évanoui au cinquième jour, en raison de la répression sécuritaire meurtrière et après que le président nigérian Bola Tinubu a appelé à la fin des manifestations ».
Le Kenya a été aussi, au mois de juin, le théâtre des manifestations antigouvernementales. Des Kenyans ont protesté pendant plusieurs jours contre un projet de nouvelles taxes. La Commission nationale kenyane des droits humains a établi un bilan de «trente-neuf personnes mortes, trois cent soixante et une blessées, trente-deux cas de disparitions forcées ou involontaires et six cent vingt-sept «arrestations» au cours de ces manifestations.
Le Nigeria comme le Kenya est une démocratie où les manifestations populaires virent souvent à la violence et aux émeutes avec leurs lots de pertes en vie humaine. En 2020, le Nigeria a vécu, sans sombrer, des périodes difficiles avec des mouvements de protestation contre les violences policières. A l’époque, le Président Bukari avait mis en garde les manifestants qu’il «n’autoriserait personne ni aucun groupe à mettre en péril la paix et la sécurité nationale» avant de les appeler à résister «à la tentation d’être utilisés par des éléments subversifs pour causer le chaos et tuer notre jeune démocratie». Ces manifestations durement réprimées par la police n’ont pas empêché le candidat du parti au pouvoir de gagner la présidentielle dès le 1er tour.
Si le Président William Buto a dissout le gouvernement et renoncé à l’instauration de certaines taxes, comme réclamé par les manifestants, le Président Tinubu a eu la merveilleuse idée de réunir ses prédécesseurs autour d’une table. Ceux-ci ont tous réaffirmé leur confiance en la capacité du Président Tinubu de gérer la situation. Ils ont mis ainsi de côté leurs divergences pour privilégier l’intérêt supérieur du pays.
Le Nigeria et le Kenya viennent de démontrer que les manifestations de colère des citoyens peuvent se dérouler sans mettre en parenthèse les institutions légales et légitimes. Si les morts enregistrés au cours de ces manifestations sont condamnables, il faut saluer la posture républicaine des Forces armées et de sécurité du Kenya et du Nigeria pour leur attachement à la défense de la démocratie sur un continent où des velléités de remise en cause de l’ordre constitutionnel sont noyées par la désinformation. Au Kenya et au Nigéria, les Forces armées et de sécurité semblent jusque-là mesurer leur poids dans la construction des institutions solides, socle de toute démocratie. Elles confortent ainsi l’idée selon laquelle le seul moyen d’acquérir la légitimité de diriger un pays demeure les urnes.
Comme ce fut le cas récemment au Sénégal, confronté à des violentes manifestations populaires, la démocratie reste débout au Nigeria et au Kenya, deux pays qui continuent leur marche vers le progrès économique et social. Et non sans difficultés !