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Édito : Des Hippos patriotes
Publié le vendredi 27 septembre 2024  |  La Sirène
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Ah, le 22 septembre, date mémorable de notre indépendance… et apparemment aussi celle d’une nouvelle révélation spectaculaire sur les rives du fleuve Niger ! Ce jour-là, des observateurs attentifs ont affirmé avoir aperçu non pas des déchets ou des objets flottants, mais une famille d’hippopotames au grand complet : un mâle, une femelle et leur bébé. Rien que ça ! Bien sûr, ce spectacle aquatique n’a pas tardé à être qualifié de « bon présage » par certains, qui y ont vu un signe clair : le Mali est en train de retrouver sa souveraineté. Nous voilà donc rassurés, chers compatriotes ! Inutile de s’inquiéter des défis du quotidien, les hippopotames sont là pour nous sauver.

Enfin, c’est ce qu’on nous a dit… jusqu’à ce qu’on réalise que ces majestueuses créatures n’étaient en fait que de vieux pneus qui flottaient paresseusement dans le fleuve. Oui, vous avez bien lu : des pneus usés, probablement rejetés dans l’eau par les eaux pluviales ou la négligence humaine. Mais dans l’euphorie du moment, notre imagination collective a réussi à transformer ces déchets en ambassadeurs de notre renaissance nationale. Qui aurait cru que le salut du pays viendrait d’un tas de caoutchouc ?

Mais soyons sérieux un moment. Pendant que nous jouons à ce petit théâtre de la superstition et de l’auto-congratulation, le Mali continue de sombrer dans une réalité bien plus grave. Cette course effrénée à la symbolique facile nous détourne des vrais enjeux : des routes à réhabiliter, des jeunes à éduquer, des entreprises à faire renaître, et une sécurité à garantir. Ce n’est pas en voyant des hippopotames dans des pneus que nous allons résoudre la crise, mais en prenant enfin nos responsabilités.

Nous avons passé trop de temps à chercher des coupables externes pour justifier nos échecs. Certes, il y a des défis imposés de l’extérieur, mais il est temps d’admettre que beaucoup de nos problèmes viennent aussi de l’intérieur. Nous devons arrêter de pointer sans cesse du doigt des « ennemis » imaginaires et commencer à regarder en face ce qui doit changer ici, chez nous, maintenant.

Oui, le Mali peut retrouver sa souveraineté, mais pas en interprétant des pneus flottants comme des signes divins. Ce n’est qu’en travaillant, en reformant nos institutions, en nous engageant sincèrement pour l’avenir que nous pourrons redresser la tête. Nos ancêtres ne nous ont pas légué l’indépendance pour que nous laissions notre destin entre les mains de symboles aussi creux qu’un vieux pneu.
Alors, la prochaine fois que des objets non identifiés flottent sur le fleuve, essayons de voir les choses telles qu’elles sont. Pas comme des présages d’une souveraineté retrouvée, mais comme un rappel des véritables tâches qui nous attendent : nettoyer notre fleuve, notre société et, surtout, notre vision du futur. Parce que le vrai miracle malien viendra du travail et non des pneus.
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