Le livre du colonel Assimi Souleymane Dembélé est terrible et édifiant. Terrible parce qu’il montre du Mali une image que peu de gens soupçonnent. Le souvenir d’une terre de grands empires, un peuple fier et pacifique, une culture d’une richesse insolente caractérisent en effet ce pays, havre de paix dans les sables mouvants qu’est devenue l’Afrique. Il y a certes ce Mali-là, mais il y en a un autre, plus secret, moins glorieux, celui des brimades, des tortures, des assassinats dont personne ne parle.
De l’ère «socialiste» de Modibo Keïta au long règne des militaires sous la férule de Moussa Traoré, ce furent trente années de violences sans nom. Nul n’était épargné, ni les femmes, ni les enfants, ni les vieilles personnes. Comme régie par une loi implacable la chaîne des assassinats fut ininterrompue, les bourreaux finissant immanquablement par devenir les victimes. Et cela, au nom de l’idéologie, au nom du pouvoir.
Le Mali fut un pays relativement stable sous Modibo Keïta comme sous Moussa Traoré, mais c’est à la lecture du livre du colonel Dembélé qu’on comprend le prix que le pays a payé pour cette stabilité: une vie faite de silence. Silence de ceux qui ont subi les pires tortures, silence de leurs parents, silence des cadres, silence des politiciens.
Il faudrait un jour répondre à cette question: comment un peuple qui fut pourtant grand a-t-il subi de telles dictatures durant des décennies sans broncher, donnant au contraire au reste du monde l’image d’un peuple policé ? C’est au plus profond de l’âme de la société malienne qu’il faudra aller chercher la réponse à cette énigme.