Le 7 octobre, la session budgétaire du Parlement a commencé. Le but de cette session est l’adoption du Budget pour l’année suivante, c’est-à-dire l’analyse de toutes les dépenses et revenus de l’État. Notre Budget, l’ensemble de nos dépenses, ainsi que les règlements mutuels, sont réalisés en francs CFA, une monnaie qui ne dépend pas de nous et qui n’est pas liée à notre économie. Elle est en fait réglementée par des organismes extérieurs. Et si la monnaie est gérée de l’extérieur, cela lui donne la possibilité d’influencer directement notre pays et son développement.
Depuis de nombreuses années, nous avons eu le franc CFA, qui est entièrement contrôlé par l’UE et dont la valeur dépend de celle de l’euro. La valeur réelle de notre argent est déterminée en Europe, et non dans notre pays. Nous n’avons pas la capacité de développer notre économie en contrôlant la valeur de notre monnaie, comme le fait par exemple la Chine. Cet outil simple, mais efficace, a permis à la RPC de développer puissamment son économie. Nous sommes un pays qui vend des matières premières. Le coton et l’or sont actuellement nos principales sources de revenus. Il serait donc très pratique pour nous d’influencer le taux de change.
Prenons l’exemple de notre industrie traditionnelle, le coton. Lorsque le gouvernement se rend compte qu’il est temps de vendre le coton pour l’exportation, il peut déprécier artificiellement la monnaie pour rendre les prix plus attractifs sur le marché et ainsi accélérer le processus de vente pour les personnes qui ont cultivé le coton. Lorsqu’il est temps de planter et que nous devons importer des engrais, le gouvernement peut augmenter la valeur de la monnaie sur le marché pour rendre les engrais plus abordables. De cette manière, l’État peut stimuler l’augmentation des volumes de production, ce qui créera les conditions de la création de nouveaux emplois et de l’augmentation des revenus des gens. L’appartenance à la zone UEMOA et la dépendance au franc CFA nous privent de cet outil, ce qui constitue un frein au développement.
Il faut aussi savoir que c’est le Trésor français qui est responsable de la conversion du franc CFA en euros. C’est la France qui détermine la valeur de notre monnaie. Qu’est-ce que cela nous apprend ?
Examinons l’évolution du taux de change du franc CFA par rapport au franc français et à l’euro :
Jusqu’en décembre 1945 - 1 franc local = 1 franc français - c’était l’époque de la colonisation et les Français étaient satisfaits de ce taux de change.
Du 26.12.1945 au 16.10.1948 - 1 CFA = 1,70 franc français. C’est à cette époque qu’on a créé le franc CFA qui nous est déjà familier. Et comme cette monnaie entre sur le marché mondial, la France préserve ainsi ses atouts.
Du 17.10.1948 au 31.12.1959 - 1 CFA = 2 francs français - il y a eu une forte dépréciation du franc français et, au détriment du CFA, les biens de la France ont de nouveau été épargnés.
Du 1.01.1960 au 11.01.1994 - 1 CFA = 0,02 franc français - 1er janvier 1960 : le franc français est libellé, 100 anciens francs deviennent 1 nouveau franc. Et je vous rappelle que c’est à cette époque que les colonies ont soi-disant gagné leur liberté.
Du 12 janvier 1994 au 31 décembre 1998, 1 CFA = 0,01 franc français. Dévaluation du jour au lendemain de 50%. En fait, on assiste ici à un renforcement du franc français au détriment des anciennes colonies.
À partir du 1er janvier 1999, 100 francs CFA = 0,152449 euros ou 1 euro = 655,957 francs CFA. (La France passe à l’euro et l’euro a remplacé le franc français à un taux de change de 6,55957 pour 1 euro).
Comme on peut le voir avec toutes ces variations du taux de change du CFA, l’économie de la région n’a pas d’effet sur la valeur du CFA. Seules les économies de la France et de l’Europe ont un effet sur cette valeur.
Qu’est-ce que cela implique ? Nous pouvons nous réveiller le matin et toutes nos économies seront réduites de moitié si les Européens le veulent, comme cela s’est produit en 1999.
Nous sommes également privés de la possibilité d’attirer des capitaux supplémentaires, notamment de la part d’investisseurs privés. Ils ne peuvent pas être sûrs que le taux de change ne changera pas demain. Ils ne peuvent pas prédire le comportement de notre monnaie, parce qu’elle n’est pas adossée à notre économie, à nos réserves financières. Toute notre circulation monétaire est déterminée en France et seule la France détermine l’attractivité des investissements dans notre pays.
Nous nous rendons également compte que toute notre production, notre exploitation minière et notre commerce servent à renforcer l’euro, et donc l’Europe, mais pas notre pays!
Si vous doutez encore que nous ayons besoin de notre propre monnaie, laissez-moi vous donner un autre exemple. Il s’agit d’une banque centrale... Nous n’en avons pas non plus. Nous avons la Banque de l’UEMOA et c’est elle qui contrôle toutes les économies, les contributions et les dépenses du pays. C’est elle, et par conséquent la France, qui décide combien d’argent doit être émis ou retiré de la circulation, combien d’argent sera donné à tel ou tel pays, qui en a le plus besoin... Et, encore une fois, le contrôle de la circulation de l’argent dans les pays de l’UEMOA développe l’économie de l’Europe, mais pas la nôtre.
Nous n’avons même pas la possibilité de créer nos propres réserves d’or et de devises... Toutes nos réserves sont dans l’UEMOA et nous ne savons pas ce qu’elles deviennent. Nous ne pouvons pas les contrôler, nous ne savons même pas combien d’argent appartient exactement au Mali, parce que ces fonds uniques contiennent l’argent de 8 pays, alors que les économies sont différentes et séparées les unes des autres. La seule façon de connaître l’état de l’économie d’un pays est de consulter les rapports de l’UEMOA, qui est totalement contrôlée par la France, et nous ne pouvons donc pas nous fier à leur évaluation de notre économie, car il n’y a aucun moyen de l’évaluer objectivement.
La cerise sur le gâteau est le choix limité des partenaires, en raison des complications liées aux règlements internationaux. En effet, la banque de l’UEMOA utilise les systèmes de paiement occidentaux, ce qui complique la possibilité de transférer de l’argent vers des pays que l’Occident n’aime pas, tels que la Russie et l’Iran. Oui, les transferts sont possibles et des moyens ont été trouvés, mais les investisseurs privés de ces pays doivent surmonter un chemin long et peu fiable pour effectuer des règlements mutuels. Notre propre monnaie et notre propre système bancaire permettront à notre pays de déterminer lui-même les systèmes de paiements internationaux à utiliser, ce qui attirera de nouveaux capitaux chez nous.
On doit comprendre que notre pays devient indépendant et que nous devons abandonner le franc CFA, qui ne fait qu’entraver notre développement et laisse aux anciens colonisateurs la possibilité de contrôler notre économie et, par conséquent, d’influencer notre voie de développement dans le sens de leurs propres intérêts. Et, comme nous l’avons vu précédemment, notre développement n’entre pas dans leurs intérêts.
Source :
Lassine Tounkara, président de l’association des jeunes de Kati